Source : Shiri M. Breznitz. 2014. The Fountain of Knowledge. Stanford University Press (Ch. 2+7).

Politiques des universités

Bien qu’il soit évident que les universités ont la capacité de diffuser les idées académiques et de commercialiser la technologie, le processus utilisé et le choix du moment ont une influence sur le résultat de ces changements. De nombreuses universités doivent améliorer leur organisation et leur politique en matière de transfert de technologies, mais le changement ne peut pas venir d’une simple copie du modèle de Stanford ou MIT. Chaque université est unique dans sa capacité à commercialiser la technologie. Tout modèle qu’une université choisit de suivre doit être adapté à ses caractéristiques, à l’environnement régional, à la culture, à l’histoire et aux ressources disponibles pour la commercialisation. Un collège axé sur les arts libéraux ne fera probablement pas essaimer des entreprises de biotechnologie, pas plus que les instituts d’enseignement qui ne se concentrent pas sur la recherche ne sont susceptibles d’inventer le prochain Internet. Cela dit, les universités devraient avoir une politique claire en matière de propriété intellectuelle.

Deuxièmement, les changements apportés à la politique de transfert des technologies des universités et à l’organisation doivent se faire en collaboration avec d’autres acteurs régionaux, notamment l’industrie et les agences régionales. La coopération avec d’autres acteurs régionaux place tout changement de politique ou d’organisation dans un contexte régional. Ce contexte fournit à l’université des indications sur les mécanismes de commercialisation des technologies qui fonctionneront le mieux dans la région pour obtenir l’impact final sur le développement économique. Pour évaluer correctement les actions des universités, nous devons tenir compte des perspectives de l’industrie dans ces efforts. Ainsi, nous devons également examiner la connaissance de l’industrie et sa participation aux activités des universités visant le transfert et la commercialisation des technologies. Les universités peuvent créer des programmes pour soutenir le transfert de technologies vers le marché privé; toutefois, ces programmes ne produiront pas l’impact souhaité si l’industrie ne les trouve pas utiles et accessibles.

Troisièmement, la commercialisation des technologies doit faire partie de ce que les universités définissent comme l’excellence de la recherche et pas seulement un moyen de réaliser des profits. Pour que la commercialisation des technologies soit durable, elle doit s’inscrire dans un processus de promotion et de titularisation des professeurs. Les jeunes professeurs, en particulier, se méfient des activités risquées qui pourraient leur coûter leur poste.

Politiques gouvernementales

Le Canada et l’Ontario n’ont pas de politique concernant la propriété intellectuelle issue de la recherche financée par l’État. Les universités de l’Ontario ont des approches différentes de la propriété intellectuelle, bien que la plupart d’entre elles donnent aux professeurs la possibilité d’exercer un droit de propriété sur la propriété intellectuelle qu’ils créent. Comme le recommande le rapport du comité d’experts :

« Toutes les entités de commercialisation au sein des organismes de recherche qui reçoivent des fonds publics doivent avoir un mandat clairement défini concernant leurs rôles et responsabilités et s’assurer qu’il existe un plan pour traiter toute question d’alignement institutionnel et de capacité à remplir ce mandat. Les ministères devraient créer un mécanisme permettant aux entités de commercialisation d’articuler les lacunes perçues qui nuisent à ces résultats. »

Cela dit, les universités ne devraient pas être mesurées exclusivement sur leur rendement en argent. L’expérience d’universités telles que MIT et Stanford, qui ont joué un rôle central dans le succès de leurs régions respectives, nous apprend que le rendement des universités en matière de brevets et de licences est loin de couvrir les dépenses de la recherche fondamentale. Les universités sont généralement actives au sein de leurs communautés. Elles fournissent un soutien politique et économique qui s’étend à d’autres activités qui ne sont pas liées au transfert de technologies. Il est difficile, voire impossible, de tenter d’imposer des valeurs de marché à l’impact régional des universités.

Le milieu de l’innovation

Les universités ne fonctionnent pas en vase clos. Des facteurs externes aux universités ont un impact direct sur leur capacité à commercialiser la technologie. En outre, toute tentative visant à améliorer ou à modifier la commercialisation des technologies dans les universités doit tenir compte de l’environnement et de la région de celles-ci. Deux facteurs externes affectent la capacité d’une université à commercialiser la technologie : l’histoire et l’environnement. Les facteurs historiques, fondés sur les politiques nationales, internationales et régionales telles que les lois sur les droits de propriété intellectuelle et les incitations fiscales, jouent un rôle important dans la capacité des universités à réussir leur transfert de technologies et leurs relations avec l’industrie (Lawton Smith et Ho 2006; Mowery et coll. 1999; Pike 2002; Rahm, Kirkland, et Bozeman 2000; O’Shea et coll. 2005). Les facteurs environnementaux sont liés aux relations entre les établissements aux niveaux national et régional. La capacité d’un groupe d’établissements locaux à transférer des connaissances, et donc à influer sur la capacité d’une localité à innover, dépend de leur nombre, de leur force et de leurs efforts de collaboration. Le partage de l’information et la collaboration entre les établissements sont des moteurs de l’innovation (Nelson 1993).

Processus de commercialisation de la technologie dans les universités

Les universités sont des établissements complexes et variés. Par conséquent, des facteurs internes, tels que la politique, la culture et l’organisation des établissements influencent leur capacité à diffuser les idées universitaires sur le marché privé. Même si nous aimerions penser que toutes les universités sont identiques, leurs différences sont plus larges que les sujets qu’elles enseignent ou les professeurs qu’elles embauchent. Les universités ont des histoires, des cultures et des structures différentes qui affectent la façon dont elles interagissent avec la région dans laquelle elles résident, la façon dont elles envisagent la commercialisation de la technologie et le développement économique local.

Vous trouverez ci-dessous une liste des meilleures pratiques en matière de transfert de technologies dans les universités :

Les bureaux de transfert de technologies dans les universités ont quatre objectifs principaux :

  1. évaluer les inventions et déterminer si elles sont brevetables
  2. breveter les inventions
  3. concéder des licences sur la technologie
  4. dans certains cas, aider à la création de Sociétés dérivées

Les responsabilités des bureaux de transfert de technologies (BTT) sont toutefois assez mal définies et sujettes à interprétation, et elles diffèrent considérablement d’une université à l’autre. Certaines universités ne brevèteront qu’une technologie pour laquelle il existe une demande sur le marché auquel elle peut être concédée sous licence. Pour beaucoup, l’essaimage des entreprises n’est pas une priorité : leur objectif est de tirer des revenus de la concession de licences sur leurs brevets. En outre, dans de nombreux cas, le professionnalisme et les actions du bureau de transfert de technologies ont une incidence sur la probabilité qu’une licence puisse être concédée pour une technologie.

Le niveau de ressources associé au bureau de transfert de technologies a un impact sur sa capacité de commercialisation. Plusieurs études ont démontré que les bureaux de transfert de technologies dont le personnel possède un niveau d’éducation et une expérience commerciale plus élevés ont tendance à mieux comprendre la technologie et les processus de négociation avec les entreprises. La compréhension du développement des entreprises et des produits permet plus de flexibilité et de confiance et favorise la volonté des inventeurs et des investisseurs de travailler avec ce BTT (Lockett et Wright 2005; Shane 2004; O’Shea et coll. 2005). Étant donné que l’université et l’industrie ont des perspectives commerciales différentes, les employés hautement qualifiés des bureaux de transfert de technologies qui connaissent le jargon technique et commercial rassurent les inventeurs et les investisseurs sur le fait que leur produit reçoit le meilleur traitement possible.

De plus, le professionnalisme du personnel du BTT a un impact sur les taux de divulgation des professeurs et les intérêts de commercialisation. Une étude réalisée par Owen-Smith et Powell (2001) a montré que les plus gros BTT dotés d’un personnel plus expérimenté sont capables d’assurer un suivi personnalisé et professionnel lorsqu’ils travaillent sur des inventions du corps professoral, encourageant ainsi celui-ci à divulguer et à breveter les technologies. En 2004, le bureau de transfert de technologies de l’université de Yale comptait 18 employés, chacun d’entre eux ayant cinq à sept ans d’expérience dans l’industrie. Toutefois, Cambridge Enterprise (le BTT de Cambridge) comptait 18 employés, dont 15 n’avaient aucune expérience de l’industrie. Les différences entre ces deux bureaux en termes d’expérience des employés ont fait surface lors de mes entretiens, qui ont révélé des plaintes constantes sur le manque de compréhension des affaires de Cambridge Enterprise. Par conséquent, l’expérience commerciale et la base de connaissances des employés des BTT ont plus de poids que le simple nombre d’employés des BTT. Ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de « Silicon Fen » est basé sur de nombreuses technologies issues du BTT de l’Université de Cambridge, qui a fonctionné pendant de nombreuses années avec seulement deux employés.

Clarysse et coll. (2005) ainsi que Locket et Wright (2005) ont tous deux constaté que les capacités de développement commercial du bureau de transfert de technologies influencent positivement la création d’entreprises en démarrage. Les variables qu’ils ont jugées les plus importantes étaient les compétences en matière de marketing, de technologie et de négociation du personnel du bureau de transfert de technologies, la mise en place d’un processus administratif clair pour les entreprises dérivées, un processus de diligence raisonnable clair et la disponibilité d’un personnel compétent pour administrer ces processus (Lockett et Wright 2005; Clarysse B. et coll. 2005).

Un autre facteur lié à la disponibilité des ressources est le recours à des avocats extérieurs. Siegel et coll. (2003) ont constaté que le fait de dépenser davantage pour des avocats extérieurs réduit le nombre d’accords de licence, mais augmente les revenus. Les auteurs émettent l’hypothèse que le recours à des avocats externes permet au personnel du BTT de passer plus de temps à associer l’invention à la bonne entreprise, ce qui se traduit par une licence réussie et des revenus plus élevés. En examinant le personnel du BTT, Siegel et coll. notent que lorsque les agents du BTT reçoivent des incitations (rémunération), l’activité de délivrance de licences sera plus importante.

Il est important de noter que les bureaux de transfert de technologies, tout comme les universités elles-mêmes, diffèrent dans leurs capacités de rémunération. Par exemple, les bureaux de transfert de technologie n’ont pas tous la même capacité à offrir des salaires et des avantages attrayants pour attirer des employés de haut niveau, qui sont très bien rémunérés dans le secteur privé. Par conséquent, de nombreux bureaux de transfert de technologies se distinguent par la formation et l’expérience de leurs employés. Dans bon nombre d’entre eux, une expérience de l’industrie et un doctorat en sciences sont une nécessité. Afin de résoudre les problèmes de rémunération du personnel, les bureaux de transfert de technologies de certaines universités publiques sont devenus des organisations privées qui sont entièrement détenues par l’université. Par exemple, Isis à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, et Yissum à l’Université hébraïque, en Israël, sont des organisations privées.

On a également constaté que la taille ainsi que la durée d’existence du bureau de transfert de technologies ont une incidence sur le transfert de technologie universitaire (Carlsson et Fridh 2002, p. 230). Selon Chapple et coll. (2005), les bureaux de transfert de technologies du Royaume-Uni présentent de faibles niveaux d’efficacité absolue. Leur étude a révélé que les anciens bureaux semblent être moins efficaces en fonction du nombre de licences par rapport aux revenus issus de la recherche et à la divulgation des inventions. Cela peut suggérer que les anciens BTT n’ont pas changé ou ne se sont pas adaptés au « troisième rôle » des universités. En outre, les grandes universités sont plus générales et comprennent de nombreux domaines technologiques, et nous savons, grâce à d’autres études (Owen-Smith et Powell 2001), que le transfert de technologies dans les sciences de la vie est très différent de celui des sciences physiques. Cette constatation, selon les auteurs, suggère la nécessité éventuelle d’investir dans des bureaux plus petits et spécialisés plutôt que dans la croissance générale du bureau (Chapple et coll. 2005; Owen-Smith et Powell 2001).

Une étude récente de O’Shea et coll. (2005) a montré que le contexte historique et le succès passé de chaque université en matière de transfert de technologies sont liés aux capacités futures et aux options de l’université en ce qui concerne la capacité d’essaimage. Lorsqu’un bureau de transfert de technologies a vu avec succès une invention passer par le processus de commercialisation et il en tire des bénéfices sous forme de redevances, le bureau est renforcé et motivé à poursuivre le processus de commercialisation. L’Université de Yale a connu du succès dans la commercialisation de la technologie grâce au brevet de Zerit™, l’un des médicaments utilisés dans le traitement des patients atteints du VIH/sida.