À la suite de deux incendies dévastateurs en 2016, l’un dans la Première Nation de Pikangikum et l’autre, dans la Première Nation oneida de la Thames, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a été chargé d’examiner les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations. Ces fins tragiques ne sont pas des cas isolés. Dans leur foulée, plusieurs chefs et membres des Premières Nations ont demandé une enquête qui mettrait en lumière les possibles facteurs systémiques ayant pu contribuer à ce problème récurrent de mortalité par incendie. Le Groupe d’étude du coroner en chef de l’Ontario sur les décès dus aux incendies dans les collectivités des Premières Nations (CCO-DICPN) a été créé afin de recueillir des données et de l’information pour que l’on puisse mieux comprendre les tenants et aboutissants des incendies mortels survenus dans les communautés autochtones. Le CCO-DICPN était formé d’un groupe central, soit l’équipe de gouvernance principale, d’un groupe de travail composé d’experts, et d’un groupe consultatif composé d’aînés et de gardiens du savoir. Ce groupe consultatif a orienté le groupe de travail pour veiller à ce que l’analyse soit réalisée avec respect et donne leur place aux voix et aux perspectives des communautés des Premières Nations.

La fiche de renseignement sur les incendies dans les communautés des Premières Nations a été créée afin de colliger les données utilisées pour la présente analyse. Ce document peut servir d’instrument de transmission des données d’enquête sur les décès par le feu ainsi que d’outil d’évaluation et de comparaison des incendies mortels dans des communautés des Premières Nations.

Les résultats des enquêtes séparées sur chaque incendie ont été rassemblés dans le cadre de l’analyse afin de décrire les incendies, les structures et les personnes touchées, de même que les liens potentiels entre ces facteurs. Le regroupement des données a permis de produire la présente analyse tout en taisant l’identité des personnes dont la vie a tragiquement été fauchée. Lorsque possible, les conclusions ont été comparées avec les données du commissaire des incendies de l’Ontario relatives aux incendies mortels survenus ailleurs dans la province qu’au sein des Premières Nations durant la même période.

Le CCO-DICPN s’est penché sur les décès par le feu survenus dans les communautés des Premières Nations de l’Ontario sur une période de 10 ans, soit de 2008 à 2017. L’analyse a permis de relever 56 décès, causés par un total de 29 incendies ayant eu lieu dans 20 communautés des Premières Nations de la province. La taille de ces communautés allait de 30 à 12 750 habitants, la majorité comptant moins de 1 000 habitants. Les collectivités non accessibles par la route toute l’année enregistrent le plus grand nombre d’incendies mortels et le plus lourd bilan de décès par le feu.

Des travaux antérieurs ont révélé que les groupes les plus à risque de périr dans un incendie étaient les enfants et les personnes âgées. La présente analyse a montré que les enfants de moins de dix ans des Premières Nations sont les plus durement touchés : il s’agit du groupe d’âge ayant le plus haut taux de mortalité par le feu (un taux 86 fois supérieur à celui des enfants ontariens qui ne sont pas membres des Premières Nations).

Au total, 70 % des décès par le feu dans les communautés des Premières Nations sont survenus durant les mois plus froids, et 70 % ont eu lieu durant la nuit. Cette tendance est également observée dans les autres collectivités de l’Ontario et au sein d’autres populations ayant déjà fait l’objet d’études. Toutefois, certains mois de l’année n’ont pas suivi la tendance générale. Une analyse approfondie de ce qui changerait durant ces mois devrait être envisagée.

Pour la plupart (86 %) des incendies mortels ayant frappé les Premières Nations, on a noté l’absence d’avertisseurs de fumée (fonctionnels) dans les maisons ou les structures ou été incapable de déterminer s’il y en avait ou non. Les avertisseurs signalent rapidement la présence de fumée aux occupants et facilitent leur évacuation. Ils font partie des mesures préventives qui jouent un rôle vital dans la prévention des décès par le feu. En effet, la sensibilisation et la prévention sont essentielles pour réduire les pertes de vie.

On conclut plus souvent à une cause inconnue dans les enquêtes sur les incendies mortels survenus dans des communautés des Premières Nations que dans celles menées dans les autres collectivités de l’Ontario. C’est probablement en raison de dommages plus importants aux structures lors d’incendies mortels dans les Premières Nations, surtout celles situées en région éloignée et ayant une capacité d’extinction des incendies limitée ou inexistante. La plupart des incendies dont la cause est connue sont attribuables à l’utilisation d’une cuisinière ou de dispositifs de chauffage (poêle à bois, cheminée, foyer).

La présente analyse a permis de relever des différences sur le plan des matériaux de construction et des équipements de chauffage les plus répandus dans les maisons et structures des communautés des Premières Nations. Certains matériaux peuvent influer sur l’inflammabilité d’une structure et sur la propagation des flammes. Le BCI procédera à des analyses plus poussées des éléments structurels associés aux incendies mortels.

La réaction des services d’intervention et l’extinction de l’incendie ont à elles seules une influence limitée sur la survie des occupants; par conséquent, il est vital que ceux-ci soient mis en garde et évacuent les lieux rapidement. Dans certaines communautés, il n’y avait pas de services de sécurité incendie prêts à intervenir lors d’un incident. Il sera important d’octroyer le financement et les ressources nécessaires aux communautés des Premières Nations pour effectuer de la formation et de la sensibilisation adaptées à leurs besoins et à leurs réalités. 

La présente analyse porte sur les facteurs ayant une incidence sur les décès par le feu. Cependant, d’autres éléments pourraient aussi jouer un rôle différent d’une communauté à l’autre en raison des caractéristiques propres à chacune d’elles. L’incidence des facteurs socio-économiques pourrait ainsi faire l’objet d’une autre étude. Il pourrait aussi être pertinent d’analyser les ressources et les réalités des communautés des Premières Nations qui ont été frappées par des incendies mortels et de les comparer à celles qui ont échappé au même sort. Une comparaison similaire pourrait être effectuée dans les autres collectivités de l’Ontario.

Le groupe consultatif a soulevé plusieurs questions concernant les habitations et le financement. Voici certains enjeux associés aux décès par le feu pour lesquels une analyse poussée serait nécessaire :

  • financement des bâtiments
  • allocation de fonds pour répondre aux besoins de la communauté
  • rôle des codes relatifs aux incendies et aux bâtiments
  • entretien des bâtiments
  • problèmes et responsabilités liés au domaine de compétence

L’objectif du CCO-DICPN était de recueillir des données et de l’information pour que l’on puisse mieux comprendre les incendies mortels survenus dans les communautés des Premières Nations. On ne peut pas saisir complètement le contenu de ce rapport sans tenir compte du contexte historique et des conditions de vie actuelles des communautés des Premières Nations. Le CCO-DICPN présente ce rapport pour favoriser le changement et transmettre un message d’espoir.