L'importance de l'adhésion du public

L'énergie contribue à la satisfaction des besoins les plus fondamentaux et les plus essentiels de la vie quotidienne : chauffage et climatisation des logements, préparation des aliments, déplacements en véhicules à moteur… Intrant crucial de la production économique, elle assure le fonctionnement des systèmes d'infrastructure essentiels et constitue l'un des principaux facteurs déterminants d'une économie concurrentielle. Malgré cela, l'énergie occupe peu de place dans l'esprit des gens au quotidien. Il n'en sera pas moins essentiel de bien faire comprendre les fonctions qu'elle remplit dans la vie d'aujourd'hui et dans notre économie pour recueillir l'adhésion du grand public à l'électrification et à la gestion de la transition énergétique. Ce le sera tout autant pour assurer un approvisionnement fiable, abordable et résiliant en énergie dans les années à venir.

Les politiques de décarbonation ont déclenché des réactions négatives et du mécontentement dans d'autres territoires lorsqu'elles ignoraient les besoins, les préférences et les vulnérabilités des consommateurs. Les politiques de la transition relative à l'électrification et à l'énergie qui menacent la fiabilité du système, provoquent des pannes de courant, limitent les choix du consommateur ou font monter les prix peuvent provoquer une réaction négative du public et se voir exploitées à des fins politiques, mettant ainsi en péril une stratégie et une politique pourtant rationnelles à long terme. La transition énergétique implique d'importants changements techniques, économiques, politiques et sociaux étalés sur plusieurs décennies. C'est pourquoi il est essentiel de mobiliser les ménages et les entreprises pour les sensibilités sensibilisées aux avantages, aux coups et aux implications de la transition énergétique, et pour recueillir leur adhésion. Il importera de faire preuve d'une totale transparence en tout temps et de tenir compte des intérêts des personnes et des collectivités dans l'élaboration des politiques. Les gouvernements peuvent jouer un rôle clé pour ce qui est de préparer la population à la transformation en profondeur qui s'annonce dans les prochaines années.

Pour ce faire, il importe de comprendre que les préférences, les perceptions et les intérêts des gens sont façonnés par diverses facettes de leurs identités qui sont parfois contradictoires. Pour être exact, les gens appréhendent les services et les politiques énergétiques en tant que consommateurs, citoyens et membres d'une collectivité. Le consommateur s'intéresse avant tout à un service abordable et fiable et à une certaine latitude de choix pour satisfaire à ses besoins. Le citoyen tient en revanche à ce que l'Ontario et le Canada prennent des mesures décisives pour lutter contre le changement climatique, y compris par des politiques asymétriques qui augmenteraient le prix de certains choix d'énergie. Enfin, le membre d'une communauté peut souhaiter se réunir avec ses pairs pour mettre sur pied de solutions énergétiques avec prise de participation de la communauté – ou, au contraire, s'opposer à des projets énergétiques qu'il estime compromettre son mode de vie ou son confort, augmenter ses dépenses en énergie ou ne pas permettre une prise de participation au capital. La diversité des attentes – de l'abordabilité à la liberté de choix pour le consommateur en passant par la localisation de l'infrastructure et le développement durable – souligne l'importance d'aller au-devant des Ontariens et d'encourager leur participation, pour que chaque citoyen se sente inclus et respecté dans le processus de transition énergétique. D'après les commentaires recueillis, le Comité perçoit un désir et un besoin de comprendre les raisons derrières les objectifs d'économie d'énergie, la nature des politiques mises en œuvre pour les réaliser, ce qu'il peut faire pour que son opinion soit prise en compte, les répercussions qu'auront ces politiques sur sa vie et leurs conséquences financières. La transparence et l'inclusion aideront la province à conserver le soutien du public afin de poursuivre sa vision d'une économie fondée sur l'énergie propre.

Fait important, au moment où le processus de la transition relative à l'électrification et à l'énergie bascule du stade de l'action citoyenne militant en faveur de la lutte contre le changement climatique à celui de la mise en œuvre active, les Ontariens se verront de plus en plus sollicités en tant que consommateurs et membres d'une collectivité. En tant que consommateurs, leur choix de sources d'énergie, leurs habitudes de consommation et leur mode d'accès à l'énergie exerceront une influence considérable sur la trajectoire de la transition énergétique. Tout aussi important, leur rôle en tant que membres actifs d'une collectivité sera d'offrir ou de refuser leur adhésion au développement à l'implantation d'une nouvelle infrastructure durable dans leur communauté. Il est crucial que le secteur de l'énergie et les gouvernements comprennent le basculement qui survient aujourd'hui dans le rôle du public. Afin de réussir la transition énergétique, il faut adopter une approche intégrée d'élaboration de politiques et de prise de décision qui accorde une place prioritaire aux rôles multiples et évolutifs du public.

Ces dernières décennies, l'Ontario a dû tirer quelques dures leçons de ses décisions en matière de politique énergétique. La province a connu plusieurs renversements retentissants de ses politiques énergétiques ainsi que des changements brutaux ayant parfois entraîné de fortes hausses de prix. Les consommateurs ont pu se sentir abandonnés par le gouvernement et les organismes de réglementation, et les communautés, exclues et insuffisamment consultées lors des importants processus de planification et dans les décisions touchant l'infrastructure, par exemple en ce qui concerne la localisation géographique et le choix des ressources énergétiques. Dans certains cas, il en a résulté une forte érosion de la confiance du public dans la capacité du gouvernement en place à prendre des décisions prudentes en matière de politique énergétique. Dans d'autres cas, des projets ont connu des retards conséquents ou des annulations pures et simples en raison de l'opposition de la collectivité.

Comme on l'a vu à la section 4, avant les années 1970, il n'existait aucun système juridique ou politique reconnu par le gouvernement canadien qui aurait obligé les gouvernements, les promoteurs en énergie et les grandes sociétés à consulter les communautés autochtones sur les projets et la planification énergétique. Un peu partout au Canada, des barrages hydroélectriques ont fait sortir des rivières de leur lit, inondant les terres, et des projets d'aménagement ont été lancés sans préavis, perturbant fortement ou détruisant des territoires de chasse et de pêche traditionnels, des itinéraires de déplacement et des sites funéraires et sacrés. L'absence d'une consultation sincère des communautés autochtones en Ontario a contribué à des répercussions importantes sur les économies locales ainsi que sur la sécurité et la prospérité des communautés autochtones, et cette situation est susceptible de se reproduire.

Le défaut de communiquer, de consulter, de mobiliser et de nouer des relations fructueuses menace de compromettre la rapidité et l'ampleur pourtant essentielles de la transition énergétique et pourrait avoir des conséquences économiques durables sur les collectivités de tout l'Ontario, en particulier sur les consommateurs et les collectivités souffrant d'une inégalité disproportionnée. Des consultations inclusives et accessibles sont nécessaires pour que ces groupes historiquement exclus des décisions sur l'énergie profitent d'une collaboration bienveillante tout au long de la transition.

Les intervenants et les partenaires autochtones ont nommé les cinq principes fondamentaux de communication et de consultation qui sous-tendent la réussite d'une politique énergétique à long terme :

  1. Communication transparente et sensibilisation du public sur le coût réel de l'énergie et de la transition, sur les possibilités et les défis liés à la transition relative à l'électrification et à l'énergie (y compris les considérations en matière de sécurité des technologies émergentes et la sensibilisation au choix d'appareils électroménagers plus verts), et sur les coûts et les risques directs et indirects du changement climatique (y compris le coût de l'inaction).
  2. Participation du consommateur pour lui donner un sens de responsabilité et de paternité quant à la réussite de la transition énergétique; elle permet en outre d'opérer des choix qui reflètent les besoins du consommateur.
  3. Consultations systématiques, significatives et accessibles dans le contexte d'une planification énergétique à l'échelle de la province, importantes dès le début du processus et jusqu'à sa conclusion; une consultation accessible doit tenir compte de la fiabilité de l'accès Internet et de la distance, qu'elle soit virtuelle ou en personne.
  4. Consultation et l'habilitation au niveau communautaire pour prendre des décisions de planification énergétique favorisant l'énergie propre et respectant la culture locale et communautaire ainsi que la situation locale.
  5. Participation significative au processus de localisation géographique de l'infrastructure énergétique, y compris des nouvelles installations de production, de transport et de distribution.

Tant les intervenants que les partenaires autochtones ont insisté sur le fait qu'une collaboration et une consultation précoces et transparentes des communautés autochtones, soutenues par un financement adéquat des capacités, contribueront à rendre possibles une participation significative des Autochtones et une relation durable avec eux. Tandis que progresse la transition énergétique, il faudra procéder à d'autres consultations des partenaires autochtones, en allant même au-delà de l'obligation de consulter et d'accommoder du gouvernement. Des groupes et des organisations ont affirmé au Comité que ces conditions sont essentielles pour faire avancer la réconciliation et assurer une répartition équitable des avantages de la transition à tous les citoyens de l'Ontario. Il importe également de faire avancer le développement des projets à un rythme suffisant pour répondre aux besoins de la transition relative à l'électrification et à l'énergie.

L'efficacité de la communication et de la consultation ne suffira certes pas à garantir l'entière satisfaction du consommateur, du citoyen ou du membre d'une collectivité tout au long de la transition énergétique, mais elle constitue une première étape solide pour voir à ce que les Ontariens se sentent inclus, écoutés et respectés dans le processus décisionnel sur l'énergie. Les prochaines étapes impliquent une action politique qui répond véritablement aux préoccupations fondamentales des Ontariens en tant que consommateur d'énergie, membres d'une collectivité et citoyens.

Recommandation 26 : Le gouvernement, la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité (SIERE) et la Commission de l'énergie de l'Ontario (CEO) devraient jouer un rôle clé dans la consultation du public et des partenaires autochtones pour assurer un accès transparent à de l'information de haute qualité et pour leur donner concrètement la chance de participer au processus décisionnel, ce afin de recueillir le maximum de soutien pour la transition énergétique et de stimuler la participation au processus. Ce travail devrait notamment comprendre, en soi et dans le cadre d'autres processus, les éléments suivants :

  1. Aider les clients, les citoyens et les membres de la communauté à se situer dans la transition vers une économie fondée sur une énergie propre et à comprendre les réalités opérationnelles que les changements à grande échelle du système d'énergie auront dans leur vie quotidienne (adoption de sources d'énergie et de modes de consommation d'énergie différents, besoin en nouvelle infrastructure énergétique dans la communauté, etc.).
  2. Préparer le public aux transformations prochaines en fournissant de l'information transparente, continue et complète sur les choix, coûts, possibilités et difficultés qui accompagneront vraisemblablement la transition relative à l'électrification et à l'énergie.
  3. Renforcer des mécanismes vraiment fonctionnels de participation communautaire à la planification et au processus décisionnel relativement à la nouvelle infrastructure. À cette fin, donner priorité aux consultations publiques et intégrer les commentaires de la communauté au processus décisionnel en toute transparence.
  4. Mener des initiatives de sensibilisation qui abordent les avantages, les risques et les coûts liés aux technologies nouvelles et émergentes, l'action contre l'inaction en matière de climat, et la capacité des clients à prendre des décisions à partir de faits probants.
  5. Favoriser la consultation de la communauté et lui donner les moyens de prendre des décisions avisées de planification énergétique qui orienteront le choix de projets et de technologies énergétiques adaptés aux besoins locaux en énergie.

Préserver l'abordabilité

L'abordabilité est depuis longtemps une question contentieuse et déterminante dans le secteur de l'énergie de l'Ontario. Les pressions inflationnistes récentes et la hausse du coût de la vie ont exacerbé l'importance du caractère abordable de l'énergie. Les intervenants et les partenaires autochtones ont indiqué au Comité que l'abordabilité du système d'énergie figurera en tête des priorités des consommateurs tout au long de la transition énergétique. Cela dit, au fil du temps, le consommateur constatera qu'il est en mesure de réaliser des économies en adoptant l'électricité comme source d'énergie pour son véhicule automobile et son chauffage résidentiel. Même si sa facture totale d'électricité augmentera vraisemblablement, les frais énergétiques combinés de son ménage – électricité, gaz naturel et essence – pourraient néanmoins diminuer.

Les coûts associés à la transition énergétique seront importants à l'échelle du système de production et de distribution de l'électricité. Des investissements dans le transport, la distribution et les technologies « derrière le compteur », dans les technologies de changement de carburant, dans la décarbonisation industrielle et dans les mesures d'efficacité énergétique seront tous nécessaires pour satisfaire à la demande accrue en électricité et réaliser une économie fondée sur l'énergie propre. Des investissements additionnels dans la résilience devront également être engagés en raison de la fréquence croissante et de l'intensité des vagues de chaleur, des tempêtes et des autres événements climatiques extrêmes qui menacent l'intégrité physique du système d'énergie. À ce titre, des consommateurs pourraient observer une hausse de leur facture d'énergie sur le court terme. Si le coût de ces investissements fondamentaux n'est pas étalé et compensé adéquatement, il pourrait mener à une situation où de nombreux ménages et entreprises de l'Ontario n'auraient plus les moyens de satisfaire à leurs besoins en énergie. Toutefois, une modélisation de l'Institut climatique du Canada permet de croire à la faisabilité d'un avenir prometteur. À mesure que progresse la transition relative à l'électrification et à l'énergie, la facture d'énergie totale des ménages pourrait diminuer sur le long terme. Il est prévu qu'à terme, les gains d'efficacité énergétique, l'intégration des énergies renouvelables et les percées technologiques entraînent les prix vers le bas. La transparence et la sensibilisation du public demeurent fondamentales pour faire comprendre ses options au consommateur et pour assurer une transition réussie et pilotée par les collectivités.

Lors de ses consultations, le Comité a observé que les Ontariens ne sont pas prêts à signer un chèque en blanc au gouvernement pour financer la transition énergétique. Innovative Research Group – une société canadienne de conseil et de recherche sur l'opinion publique – a sondé les Canadiens pour mieux jauger leur opinion sur la transition énergétique. En date de mai 2023, presque 9 personnes interrogées sur 10 (86 %) estiment que le changement climatique est désormais une réalité, et presque 7 sur 10 s'en inquiètent. Toutefois, un quart d'entre elles s'opposent aux mesures qui pourraient être prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre si elles entraînent la hausse des prix de l'énergie. Environ la moitié (48 %) sont disposées à payer plus pour financer la transition énergétique, mais cette proportion diminue à mesure qu'augmente la hausse de prix proposée. L'image qui ressort nettement de ces résultats est que le soutien du public pour la transition énergétique est fortement corrélé à ses coûts – réels ou perçus. Le maintien des coûts à un bas niveau et la prévisibilité de toute hausse seront donc essentiels pour conserver l'adhésion du public aux politiques de la transition relative à l'électrification et à l'énergie.

L'abordabilité de l'énergie est particulièrement importante pour les ménages à faibles revenus et ruraux. Selon le Bureau de la responsabilité financière, les ménages ontariens se trouvant dans le quintile de revenu le plus bas dépensent une bien plus forte proportion – près du triple – de leur revenu brut en énergie domestique que les ménages du quintile supérieur. Les ménages ontariens des zones rurales ont des dépenses en énergie domestique nettement plus élevées que leurs homologues des zones urbaines, essentiellement parce que le gaz naturel y est moins accessible, cette source d'énergie étant le plus économique pour le chauffage des maisons, et parce que le coût de distribution de l'électricité et des combustibles dans les régions rurales est élevé. Ces différences dans les dépenses en énergie sont en partie atténuées par les subventions provinciales, mais l'abordabilité de l'énergie demeure un problème qui touche de façon disproportionnée les ménages les plus vulnérables de la province. Pour garantir une énergie abordable, la province devrait se concentrer sur les personnes dont les besoins sont les plus criants. Elle pourrait ainsi libérer des ressources pour contribuer à faire tomber les barrières qui empêchent certains consommateurs d'investir efficacement dans les solutions qui les aideraient à maîtriser leurs factures d'énergie et contribueraient à la transition énergétique à l'échelle du système.

Fait important, l'abordabilité de l'énergie ne se limite pas à un chiffre sur une facture. Le Comité a noté des préoccupations quant au coût des changements proposés au système d'énergie relativement aux moyens de transport, à l'enveloppe du bâtiment et au changement de sources d'énergie de chauffage. Les ménages vulnérables pourraient se retrouver exclus des avantages du basculement vers une économie fondée sur l'énergie propre s'ils n'ont pas les moyens de réaliser les investissements initiaux nécessaires pour se servir de technologies réduisant les dépenses en énergie et contribuant à la décarbonisation. À mesure qu'augmente le prix du carbone à l'échelon fédéral, l'énergie ne demeurera abordable que si les ménages vulnérables sont à même d'adopter les sources d'énergie propres que la politique a pour but d'encourager.

Le risque est plus prononcé pour les collectivités rurales et éloignées. En particulier, le Comité a observé que le changement de source d'énergie dans les transports (de l'essence vers l'électricité) pourrait avoir des conséquences économiques indésirables pour les collectivités éloignées, rurales et autochtones. Par exemple, bon nombre de communautés autochtones comptent sur des embarcations, des motoneiges et des véhicules tout terrain à essence pour chasser, pour pêcher et pour exercer leurs droits culturels définis dans les traités. Par ailleurs, les stations-service appartenant en tout ou en partie à la communauté, ou exerçant leurs activités dans la communauté, font souvent partie intégrante de l'économie locale. Le changement à grande échelle de source d'énergie dans les transports pourrait compromettre la santé économique de communautés déjà confrontées à des obstacles considérables dans leur participation à l'économie. Il faudra déterminer et considérer les effets du changement de source d'énergie sur les questions liées à la distribution de l'énergie pour définir adéquatement les mesures d'aide offertes aux ménages et collectivités vulnérables, au lieu de s'en tenir à une vision limitée au montant de la facture.

D'autres circonstances peuvent aussi se traduire par des différences fondamentales entre les ménages en ce qui concerne la volonté et la capacité de payer. La hausse du coût de la vie, et notamment des loyers et des taux hypothécaires, constitue un obstacle majeur pour tous les ménages. Les locataires sont des exemples de consommateurs qui pourraient avoir à supporter le coût de l'électrification sans pour autant avoir un quelconque pouvoir de décision sur le choix de leur source d'énergie domestique. Les propriétaires résidentiels qui voient augmenter leurs paiements hypothécaires pourraient quant à eux avoir du mal à supporter financièrement l'investissement nécessaire pour parvenir à une électrification abordable. Enfin, les propriétaires plus âgés qui ont terminé le remboursement de leurs prêts hypothécaires et auraient théoriquement les moyens d'investir dans une conversion énergétique peuvent se révéler peu disposés à le faire si la période de rentabilisation est longue. C'est ici que les mesures d'encouragement à court terme peuvent jouer un rôle clé. Il est donc important de considérer l'incidence de la situation de logement sur l'aptitude et la volonté de chaque personne à investir dans le changement de source d'énergie domestique. Les politiques stratégiques devraient être pensées de sorte que les consommateurs soient en mesure de participer à la transition énergétique et d'en tirer des avantages, quelle que soit leur situation de logement.

Le gouvernement doit étudier des mécanismes politiques qui favorisent l'adoption de nouvelles technologies énergétiques et aident les Ontariens, surtout ceux des ménages à faibles revenus, à réaliser les investissements nécessaires. Tout soutien gouvernemental devrait faire l'objet d'une évaluation minutieuse du rapport coût-avantage.

Recommandation 27 : Le gouvernement provincial devrait explorer des mécanismes favorisant une adoption large du changement de source d'énergie, de la décarbonation et des aides technologiques telles que les véhicules électriques, les installations de stockage et les thermopompes, pour appuyer son objectif d'une économie fondée sur l'énergie propre, pour stimuler le changement à une cadence et une échelle suffisantes, et pour s'assurer que tous les clients profitent effectivement de la transition énergétique. À cette fin, il devrait avoir recours à une consultation et une communication actives pour que les clients comprennent les possibilités, les avantages, les difficultés et les risques des technologies de décarbonation et soient en mesure de faire des choix éclairés. Il serait important que le gouvernement réfléchisse à des mécanismes visant à aider les clients à gérer les coûts initiaux.

  • Tout mécanisme adopté par le gouvernement devrait avoir fait l'objet d'une rigoureuse analyse coût-efficacité et considérer en toute transparence tant les coûts que les avantages pour les clients individuels et le système dans son ensemble, par exemple les effets sur la demande en électricité en période de pointe.
  • Le gouvernement provincial devrait également coordonner son action avec celle du gouvernement fédéral pour poursuivre ces objectifs en commun, en cherchant à établir comment les programmes fédéraux pourraient appuyer les objectifs provinciaux et comment cette collaboration pourrait maximiser la valeur ajoutée.
  • Le conseil consultatif sur la transition énergétique devrait suivre l'avancement du processus de changement de source d'énergie, pour s'assurer qu'il est profitable et efficace sur le plan des coûts, déterminer les obstacles et formuler des recommandations.

L'abordabilité de l'énergie est également fondamentale pour les entreprises de l'Ontario. L'énergie sous toutes ses formes est un intrant crucial pour les petites, moyennes et grandes entreprises de toute la province et dans tous les domaines, même si son poids relatif dans les charges d'exploitation diffère largement d'un secteur d'activité à l'autre. Selon l'Enquête canadienne sur la situation des entreprises, troisième trimestre de 2023, la hausse du coût des intrants, y compris l'énergie, était le deuxième obstacle le plus souvent attendu par les entreprises de l'Ontario dans la conduite de leurs activités, quelle que soit leur taille, tout juste derrière l'inflation. Selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, les frais énergétiques continuent de figurer en tête des contraintes pour les petites entreprises de l'Ontario. Un coût inabordable de l'énergie menace ainsi la compétitivité des entreprises en augmentant leurs charges d'exploitation, en réduisant leur marge de bénéfice et en augmentant potentiellement les prix des biens et services.

Une énergie inabordable risque également de compromettre les occasions d'investissement et de croissance. Pour les grands consommateurs industriels en particulier, la prévisibilité à long terme de l'approvisionnement et du prix de l'électricité peut être un facteur décisif dans les décisions d'investir, y compris comme refuge par rapport au prix des combustibles, dont les cours sont de plus en plus volatiles en réaction aux circonstances économiques et sécuritaires. Fait important, le gaz naturel pourrait demeurer une importante source d'énergie abordable pour les procédés industriels de chauffe, notamment dans les industries exposées aux échanges internationaux. Les entreprises doivent pouvoir compter sur un accès sûr à l'énergie dont elles ont besoin – à un prix abordable – avant de s'engager à investir dans la province. Comme il a été mentionné à la section précédente de ce rapport, l'incertitude finit par réduire le potentiel de croissance de la province en minant la confiance des entreprises. L'abordabilité de l'énergie est donc un facteur déterminant de la compétitivité des entreprises ontariennes.

Programme de protection des tarifs

Les particuliers et les petites entreprises de l'Ontario bénéficient de plusieurs programmes de protection des tarifs conçus pour réduire le montant de leur facture d'électricité. Les programmes des particuliers comprennent la remise de l'Ontario pour l'électricité, qui s'adresse à tous les abonnés, et d'autres programmes ciblés sur les personnes à faible revenu ou habitant dans des régions données où le coût de l'électricité est plus élevé. Ces programmes sont financés à partir des recettes fiscales et leur coût global est prévu à environ 6,5 G$ en 2023-2024.

Le Comité s'est fait informer que des programmes actuels à condition de revenu – tels que le Programme ontarien d'aide relative aux frais d'électricité – peuvent se révéler complexes et difficiles d'accès pour bien des gens. Le Programme ontarien d'aide relative aux frais d'électricité (POAFE) fournit un crédit mensuel direct sur la facture de 35 à 113 $ par mois – selon la taille et le revenu du ménage – aux ménages à faible revenu admissibles. L'accessibilité des programmes à condition de revenu devrait être améliorée en étendant l'admissibilité aux locataires qui ne reçoivent pas une facture d'électricité à leur nom, en simplifiant la procédure de demande ou en rendant leur application automatique. Le gouvernement et la Commission de l'énergie de l'Ontario (CEO) procèdent à l'examen du POAFE et du Programme d'aide aux impayés d'énergie qui le complète en offrant une aide d'urgence aux ménages admissibles qui ont pris du retard sur leurs factures.

Le Comité a également été informé que les programmes sans condition de revenu pourraient potentiellement devenir non finançables à mesure que doivent être engagés les investissements nécessaires en faveur d'une économie fondée sur l'énergie propre. La remise de l'Ontario pour l'électricité (ROE) a notamment été citée comme programme nécessitant un nouveau ciblage. La ROE fournit une remise sur facture aux ménages, aux petites entreprises, aux exploitations agricoles et aux foyers de soins de longue durée de l'Ontario, remise qui s'est élevée en moyenne à 19 % de la facture hors taxes en 2021. Le pourcentage de remise est rajusté chaque année pour limiter la hausse des dépenses en électricité des ménages à deux points de pourcentage. La ROE représente à elle seule environ le tiers du total des subventions en matière d'énergie et d'électricité.

La plupart des subventions accordées au titre de la ROE sont versées aux ménages, y compris à des ménages à revenu moyen et élevé qui n'ont vraisemblablement aucun mal à payer leurs factures d'électricité. S'ils sont assurément ravis de voir baisser leurs factures d'électricité, ils finiront tout de même par les payer dans leurs impôts ou sur leurs futures factures d'électricité. En effet, les ménages aisés touchent en moyenne de bien plus grosses subventions. D'après le rapport Help those Who Need Help (2020) de l'Ontario Energy Association, en moyenne, plus élevé est le revenu, plus forte est la consommation d'électricité. La taille du logement est également corrélée au revenu : les ménages aisés vivent habituellement dans de plus grandes habitations. Par conséquent, l'effet net des programmes actuels de l'Ontario est de verser de plus grosses subventions aux ménages à revenu élevé, et d'énormes subventions aux ménages à revenu très élevé. Le rapport révèle qu'en 2020, un ménage occupant un appartement de 800 pieds carrés pouvait s'attendre à 203 $ de subventions financées par l'impôt sur un an. Une maison seule de 1 800 pieds carrés pouvait donner droit à 415 $, et une vaste résidence de 10 000 pieds carrés, à 1 750 $ de subventions.

En bref, selon la configuration actuelle du programme de protection des tarifs, une part disproportionnée de la ROE revient à des ménages à fort revenu qui n'ont sans doute pas besoin d'aide pour régler leurs factures d'électricité. Étant donné que la ROE est financée à partir de l'assiette fiscale, son mode de calcul et de distribution actuel représente un transfert de fonds publics à des ménages dont le revenu est supérieur à la moyenne. Le Comité estime qu'un meilleur ciblage de la ROE permettrait à la province d'offrir plus d'aide aux ménages à faible revenu qui en ont le plus besoin, et par le fait même, d'atténuer plus efficacement et plus équitablement la hausse de dépenses potentielle que pourrait entraîner la transition énergétique.

Compte tenu du montant potentiellement élevé des investissements nécessaires pour opérer cette transition, le Comité considère que les programmes de protection des tarifs resteront un important outil pour préserver l'abordabilité de l'énergie. Toutefois, il faut conclure que l'accessibilité et le ciblage de ces programmes sont à revoir pour les rediriger vers les personnes qui en ont le plus besoin.

Recommandation 28 : Il y aurait lieu de repenser les programmes existants de compensation et d'abordabilité des tarifs de l'électricité afin de mieux cibler les personnes qui en ont le plus besoin, et de simplifier les processus de demande et d'inscription pour les rendre plus accessibles.

Tout programme repensé ou nouvellement créé devrait être élaboré avec la pleine participation et l'entière collaboration de représentants des collectivités rurales ou éloignées – autochtones ou non – ainsi que des ménages urbains et collectivités vulnérables que ces programmes sont censés protéger.

Fiabilité, résilience et environnement

Comme il a été vu plus tôt, le secteur de l'électricité est une condition cruciale pour la bonne marche des tâches domestiques, de l'activité économique et des infrastructures essentielles telles que les télécommunications et le réseau de soins de santé. Lorsqu'une panne de secteur se produit, le coût social et économique indirect l'emporte souvent – et de beaucoup – sur les frais directs à engager pour rétablir le courant et réparer les dommages. Une panne à grande échelle et de longue durée peut entraîner des effets croisés sur la sécurité alimentaire, la sécurité de l'eau potable, la santé, les transports, les télécommunications et l'activité économique. C'est pourquoi la fiabilité et la résilience du réseau électrique sont depuis longtemps l'une des premières préoccupations des consommateurs d'énergie et des exploitants des réseaux et des systèmes. C'est ce qui est ressorti à maintes reprises lors des consultations du Comité.

L'importance de la résilience et de la fiabilité du réseau est appelée à s'accroître à mesure que les Ontariens électrifient les usages finaux en investissant dans des véhicules électriques ou des thermopompes. La dépendance accrue à l'électricité se traduira par une sensibilité croissante aux pannes de secteur et autres interruptions de service. Dans un même temps, l'accélération et l'intensification des effets du changement climatique mettent en exergue l'importance de la résilience et de la fiabilité des réseaux électriques. Le changement climatique a déjà de lourds impacts dans la province d'Ontario et la situation n'est pas prête de s'améliorer dans les années et les décennies à venir. Les hausses de températures moyennes déjà garanties par les émissions intérieures de gaz à effet de serre devraient entraîner une augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements météorologiques extrêmes tels que les pluies diluviennes et les chaleurs caniculaires, et à l'exacerbation des conditions qui mènent à la sécheresse, aux feux de végétation, aux orages, aux inondations, aux tornades et aux tempêtes de verglas. Ces effets météorologiques représentent des menaces pour l'intégrité physique de l'infrastructure électrique et du fait même, à la fiabilité et à la résilience du réseau.

Une intense activité de collaboration et de partage de connaissances est en cours dans le secteur, allant des évaluations de la vulnérabilité au changement climatique entreprises par les exploitants de réseau au partage de ressources et aux ententes d'aide réciproque, en passant par des travaux plus approfondis à l'échelle des entreprises et des industries pour intégrer les effets du changement climatique dans la planification de leurs activités. À la demande du ministre de l'Énergie, la CEO a commencé à étudier les questions de la résilience, de la réactivité et de la rentabilité du secteur de la distribution. Il existe un besoin d'apprentissage continu et d'affinement des approches et des politiques à mesure qu'évoluent les connaissances des effets localisés du changement climatique sur le système d'énergie. Il sera tout aussi important d'assurer la collaboration avec les municipalités et autres organisations d'échelle locale, ce qui pourrait se faire par la planification énergétique locale globale dont il a été question à la section 5.

Comme il a été vu à la section 4, les communautés autochtones – et particulièrement celles du Nord et des régions éloignées – subissent de façon disproportionnée les répercussions du changement climatique, notamment sous la forme de dommages à l'infrastructure essentielle et d'évacuations forcées et d'éloignement des territoires traditionnels, ce qui compromet les droits de chasse et de cueillette et exacerbe d'autres injustices socio-économiques. L'amélioration de la résilience dans tout l'Ontario – particulièrement dans les communautés autochtones, du Nord et des régions éloignées – est essentielle à la réussite de la transition énergétique.

Recommandation 29 : Le gouvernement, la SIERE et la CEO devraient favoriser le renforcement des capacités des fournisseurs de services publics et des collectivités, procéder à l'évaluation des répercussions du changement climatique sur l'infrastructure énergétique et appuyer la prise de mesures efficaces pour bâtir la résilience climatique et la planification et mise en œuvre des mesures d'adaptation. Les éventuels coûts liés à l'investissement dans les mesures d'adaptation ne devraient pas reposer injustement sur les épaules des consommateurs à faible revenu, des consommateurs de régions confrontées à un coût élevé de l'électricité, des consommateurs qui ont besoin de dispositifs médicaux à forte consommation d'électricité ou d'autres consommateurs vulnérables.

Le déplacement vers une économie fondée sur l'énergie propre aura un effet positif sur la santé publique et sur l'environnement en Ontario. Des études menées aux États-Unis et au Canada ont montré que la transition vers les énergies propres apportera des avantages particulièrement sensibles en ce qui a trait à la pollution de l'air à l'échelle locale. L'Ontario a déjà réduit ce risque en abandonnant la production d'électricité à partir de charbon, mais la poursuite de la décolonisation devrait avoir des avantages pour la santé publique aller croissants. Une étude effectuée par Navius pour le compte de l'Association canadienne de médecins pour l'environnement a estimé les dépenses en santé évitables au Canada à hauteur de 30 à 100 G$ d'ici 2050. Les estimations effectuées aux États-Unis montrent une réduction de 50 000 décès prématurés par année et une économie de 608 G$ en frais de santé sous l'effet de l'élimination des émissions liées à l'énergie. Il sera important de tenir compte de ces avantages dans les décisions et de les communiquer clairement au public.

Priorité aux choix du consommateur

Il est indispensable de donner un pouvoir de décision au consommateur en lui offrant des choix. Il a été suggéré au Comité que la poursuite de la transition énergétique en Ontario devrait plutôt chercher à remettre le pouvoir de décision au consommateur au lieu de limiter ses choix. Les parties consultées ont insisté sur le fait que les consommateurs devraient avoir la possibilité de choisir, par exemple, entre la compensation des émissions causées par leur consommation d'énergie, le recours à des carburants à faible teneur en carbone et renouvelables, et les avantages de la production d'énergie décentralisée. L'offre d'un éventail d'options de sources et de services d'énergie encourage la participation du consommateur à la transition énergétique en lui donnant le pouvoir de décider lui-même comment décarboniser sa consommation d'énergie, au lieu de lui imposer des décisions, des technologies ou des méthodes. Des marchés concurrentiels correctement réglementés peuvent améliorer considérablement cette liberté de choix, d'autant plus s'ils s'accompagnent d'une information pratique et accessible sur les options, notamment sur le coût initial et les frais d'utilisation.