Un véritable partenariat : tracer la voie pour les générations futures

La transition énergétique en Ontario est l'occasion d'une inclusion significative et coordonnée des communautés autochtones dans les premiers pas de ce qui s'annonce vraisemblablement comme une transformation radicale pour les générations à venir. C'est également le seul moyen par lequel l'Ontario réussira à mettre en place une économie fondée sur l'énergie propre.

Nous ne chercherons pas ici à formuler une définition universelle, pas plus qu'à proposer une démarche générique pour nouer des partenariats solides avec les communautés autochtones. On pourrait dire que l'esprit fondamental d'un vrai partenariat dépasse le cadre d'un simple accord technique et s'exprime plutôt dans l'engagement de toutes les parties à nouer, alimenter et maintenir une relation mutuellement profitable dans une optique de transparence, de confiance et de collaboration constante.

Nous allons traiter de l'interaction entre le cadre juridique actuel et l'objectif d'électrification et de transition énergétique. Nous aborderons la diversité des communautés autochtones, ainsi que les obstacles possibles et les occasions à saisir, y compris les nouvelles pistes prometteuses et les modèles de partenariats potentiels qui permettraient de faire progresser la participation complète des Autochtones en tant que partenaires dans l'économie fondée sur l'énergie propre. Trois champs d'actions clés sont définis pour appuyer une vision de la réussite à long terme pour la génération actuelle et les suivantes, champs qui se veulent complémentaires et aptes à se renforcer réciproquement; ils supposent la nécessité d'échanges précoces et coordonnés avec les Autochtones, l'appui à la réconciliation économique par des mécanismes de financement flexible et le renforcement de la participation et de la collaboration des Autochtones à la gouvernance.

La section se termine par quatre recommandations fondamentales visant à promouvoir une participation significative des Autochtones en tant que partenaires dans l'économie fondée sur l'énergie propre. Plusieurs autres recommandations figurant dans le présent rapport décrivent des mesures visant à soutenir les communautés autochtones et à leur permettre de participer pleinement. La liste complète des recommandations figure à la fin du présent rapport.

Cadre juridique actuel

La conclusion de partenariats avec les communautés autochtones est une pratique en pleine évolution qui reçoit graduellement – quoiqu'inégalement – l'adhésion de divers secteurs d'activité et divers gouvernements. Jusqu'aux années 1970, il n'existait aucun concept ou cadre juridique (reconnu par le gouvernement canadien) obligeant les gouvernements, les promoteurs ou les sociétés du secteur de l'énergie à consulter les communautés autochtonesfootnote 1. Les projets d'infrastructures et autres initiatives analogues pouvaient se mettre en route sans l'obligation légale de les consulter, et ce, malgré le lourd impact des projets d'aménagement sur ces groupes.

Les échanges avec les communautés autochtones ne peuvent pas suivre les mêmes modalités qu'avec les autres groupes d'intervenants. En effet, il importe d'avoir conscience de l'obligation légale qui incombe à la Couronne de consulter les communautés autochtones, de même que l'importance de l'inclusion des Autochtones dans l'ensemble du processus d'électrification et de transition énergétique. L'article 91 (alinéa 24) de la Loi constitutionnelle de 1867 établit que les Indiens et les terres réservées aux Indiens relèvent de l'autorité législative exclusive du gouvernement fédéral. La présence de 133 réserves indiennes dans la province de l'Ontariofootnote 2 implique que le pouvoir du gouvernement fédéral se superpose forcément à celui de la province. Dans toute la province, l'infrastructure énergétique – des centrales aux réseaux de distribution d'électricité et de combustibles – traverse des terres traditionnelles et des terres visées par des traités.

La Loi constitutionnelle de 1982 enracine les droits des peuples autochtones en reconnaissant et en affirmant les droits intrinsèques et les droits issus de traités de ces peuples au paragraphe 35(1). La doctrine de « l'obligation de consulter et d'accommoder » découle de la jurisprudence, suite à l'interprétation que divers tribunaux ont faite de cet article de la Constitution. Les contours de cette obligation continuent de se préciser à mesure que les affaires remontent jusqu'à la Cour suprême du Canada, ce qui pourrait avoir une incidence sur les mesures que les intervenants – dont les provinces et les promoteurs – doivent prendre pour y satisfaire.

L'obligation de consulter est pertinente pour l'électrification et la transition énergétique en Ontario en cela que les projets majeurs d'infrastructures énergétiques ne peuvent avancer sans la consultation et, s'il y a lieu, l'accommodement des Autochtones et des détenteurs de droits au titre des traités.

En 2021, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est entrée en vigueur dans le droit fédéral canadien. Après des dizaines d'années d'action militante pour défendre et définir les droits fondamentaux des peuples autochtones, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la Déclaration en septembre 2007 comme instrument international de défense des droits de ces peuples. Elle établit « les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde. »footnote 3

En parallèle avec la forte prise de conscience récente, en Ontario et dans le reste du Canada, du traitement infligé aux peuples autochtones – de la découverte de tombes non identifiées à d'anciens pensionnats autochtones, à l'accès inégal à l'eau potable dans l'ensemble du pays –, de nombreuses voix s'élèvent en Ontario pour exiger une démarche inclusive et significative pour les nouveaux projets se situant sur les terres traditionnelles et les terres visées par des traités. Cette obligation sociétale est l'une des raisons pour lesquelles les peuples autochtones doivent participer pleinement à la conversation sur l'énergie.

Partout au pays, les dirigeants autochtones à tous les niveaux appellent à des échanges précoces, francs et coordonnés avec les communautés autochtones. Aux premières étapes d'une transition profonde et délibérée vers une économie fondée sur l'énergie propre, l'occasion se présente aujourd'hui de redresser des torts historiques et d'avancer main dans la main, en véritables partenaires œuvrant au bien commun de toute la population de l'Ontario.

La réussite de la transition énergétique et de l'électrification en Ontario exige la pleine participation des communautés autochtones. Bien gérée, la transition offrira d'intéressantes possibilités de participation économique aux Autochtones et nous fera avancer sur le chemin de la réconciliation.footnote 4

On note une prise de conscience croissante partout au Canada de l'importance de nouer des relations significatives et des partenariats solides avec les nations et les communautés autochtones dans le cadre de divers projets, notamment en matière d'infrastructures et de développement énergétique.

Les objectifs de la réconciliation sont en parfaite harmonie avec ceux d'une transition réussie, notamment le travail collaboratif pour progresser vers un avenir sûr, fiable, transparent et durable pour toute la population de l'Ontario.

Les communautés autochtones de l'Ontario

Des communautés autochtones sont présentes dans toutes les provinces et tous les territoires canadiens; elles sont diverses par leurs cultures, leurs langues, leurs lois et leurs structures de gouvernance, ainsi que par leurs besoins et intérêts en matière d'énergie.

À lui seul, l'Ontario compte sur son territoire 23 % des peuples autochtones au Canada. On dénombre 133 communautés des Premières Nations dans les frontières de la province, qui se répartissent en aux moins sept groupes culturels et linguistiques majeurs. Ces communautés s'étendent de Windsor au sud jusqu'à la côte nord de la Baie d'Hudson. Cinq des 20 plus grandes bandes canadiennes se trouvent en Ontario.

Environ 18 communautés des Premières Nations de l'Ontario sont considérées comme éloignées, uniquement accessibles par la voie des airs à l'année ou par des routes de glace une grande partie de l'année. Il y a plus de Premières Nations éloignées en Ontario que dans toute autre région. Les centres urbains comptant une population autochtone substantielle vivant hors réserve sont Thunder Bay, Sudbury, Sault-Sainte-Marie, Timmins, Ottawa et Toronto.footnote 5

La nation Métis est également présente en Ontario.footnote 6 Le terme « Métis » à l'article 35 de la Constitution se rapporte aux collectifs métis qui, outre leur ascendance mixte, ont élaboré leurs propres coutumes et modes de vie ainsi qu'une identité distincte de celle de leurs antécédents des Premières Nations, inuits et européens.footnote 7

Métis Nation of Ontario (MNO) défend les droits et les intérêts de certains des peuples et des communautés Métis de tout l'Ontario en offrant : une structure de gouvernance à l'échelle de la province, dont un registre centralisé des citoyens Métis; les régions où se trouvent des communautés historiques de Métis; plusieurs conseils communautaires agréés représentant les citoyens Métis à l'échelle locale; un organe de gouvernance provincial; une fondation qui soutient et diffuse la culture et l'héritage Métis (la Métis Nation of Ontario Cultural Commission); enfin, un bras de développement économique (le Métis Voyageur Development Fund).

Tout comme ils sont divers aux plans géographique, culturel et linguistique, les peuples et nations autochtones en Ontario se distinguent par leurs besoins, leurs préférences et leurs intérêts en matière d'énergie; par ailleurs, ils ont leurs propres structures de gouvernance, lois, protocoles et processus décisionnels internes, qui déterminent la participation de la communauté à des projets énergétiques ainsi que la nature de cette participation.

La diversité des communautés autochtones en Ontario souligne l'importance de procéder à des échanges précoces, continus et coordonnés et de nouer un partenariat nation par nation, surtout lorsqu'un aménagement à grande échelle se met en branle pour réaliser l'objectif d'une économie fondée sur des énergies propres. L'engagement et l'investissement dans de véritables partenariats avec les communautés autochtones seront essentiels à la réussite de la transition énergétique et de l'électrification.

Contexte : La pleine participation des Autochtones au secteur de l'énergie

Réalités : autorités compétentes et gouvernance

Pour rendre possible la participation des Autochtones et nouer de véritables partenariats, il importe de comprendre les paramètres économiques des gouvernements autochtones et leurs particularités par rapport aux autres formes de gouvernements au Canada.

Par exemple, les Premières Nations continuent de naviguer entre plusieurs ordres de gouvernement, étant sujettes aux lois provinciales, aux règlements du Conseil de bande, et répondant au gouvernement fédéral. De plus, elles sont souvent exclues des règlements et des services municipaux, ce qui implique qu'étant elles-mêmes responsables de la santé publique de leur communauté, elles n'ont pourtant pas nécessairement le privilège de faire appel aux services de santé publique. Il est attendu des Premières Nations qu'elles assurent l'entretien et l'amélioration des infrastructures essentielles telles que les routes, les systèmes d'égouts, les usines de traitement des eaux et les services d'inspection des bâtiments, pour ne nommer que ces exemples. Fait significatif, les Premières Nations n'ont pas le droit de percevoir de taxes ou d'impôts des membres de la communauté vivant dans la réserve. Depuis des générations, leurs seules sources de financement sont les paiements de transfert qu'elles reçoivent directement – paiements qui ont toujours été strictement ciblés sur des priorités fédérales, puis provinciales. À ce jour, les fonds versés sont soumis à des contrôles stricts et s'ils ne sont pas dépensés sur des priorités gouvernementales, ils doivent être restitués au gouvernement fédéral.

En bref, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis n'ont pas toujours accès à un financement suffisant pour permettre leur consultation ou leur participation économique à des projets qui les touchent ou les intéressent. Toutefois, en raison de la protection constitutionnelle de leurs droits et de la doctrine de l'obligation de consulter et d'accommoder, si leurs droits ne sont pas pris en compte et si leurs communautés ne sont pas consultées, des groupes d'Autochtones pourront saisir avec succès les tribunaux pour bloquer les projets dans le secteur de l'énergie.

Compte tenu de la diversité des peuples et des communautés autochtones en Ontario, il faut entreprendre leur consultation pour cerner leurs besoins et leurs contextes particuliers. Il est essentiel que le processus soit axé sur la recherche d'une relation durable qui crée et favorise une communication ouverte et transparente.

Par un échange précoce et par l'investissement dans un véritable partenariat, le gouvernement et le secteur de l'énergie peuvent collaborer avec les communautés et les entités autochtones pour déterminer les modes opératoires qui ont donné de bons résultats afin de poursuivre sur cette voie, et pour trouver des solutions créatives permettant d'accroître l'inclusion et la participation des Autochtones.

Au carrefour des inégalités : un accès restreint à une énergie sûre, fiable et abordable

L'énergie est une ressource essentielle pour la vie quotidienne et pour l'activité économique. L'accès à une énergie sûre, fiable et abordable et son utilisation s'imposent de plus en plus comme des priorités stratégiques à l'échelle mondiale et demeurent des facteurs déterminants du bien-être et du niveau de vie des ménages.

À défaut d'un tel accès, le développement des collectivités s'en trouve restreint, ce qui peut freiner la croissance économique globale de la province. L'accès à l'électricité réduit la pauvreté, augmente les occasions de développement, améliore la santé, élève la productivité et le niveau de vie et alimente les appareils qui permettent de gagner en efficacité dans la vie quotidienne.

Des études empiriques sur les effets de la pauvreté énergétique ont révélé que par rapport aux ménages non touchés par cette forme de pauvreté, les ménages pauvres en énergie présentent une plus forte incidence de problèmes de santé, ont des dépenses médicales supérieures, atteignent un plus bas niveau d'études et ont des perspectives d'emploi médiocres.footnote 8

L'électrification et la transition énergétique offrent la promesse d'un accès à une énergie sûre, fiable et abordable pour toute la population de l'Ontario, mais des questions subsistent sur les mesures que prendront les gouvernements et le secteur pour veiller à ce que les avantages de la transition et de l'électrification soient répartis également et équitablement dans toute la province.

Les communautés autochtones demeurent sujettes à des taux disproportionnés de pauvreté par rapport aux autres communautés de la province,footnote 9 et notamment de pauvreté énergétique. Selon la Régie de l'énergie du Canada, on peut dire qu'un ménage est en situation de précarité thermique lorsque les services publics grugent plus de 10 % de ses revenus. Dans cette optique, on estime qu'au Canada, 8 % des ménages se retrouvent dans une telle situation.footnote 10 Selon certaines estimations, le tiers des ménages autochtones de l'Ontario – c'est-à-dire 42 000 ménages – sont en situation de pauvreté énergétique.footnote 11 En 2021, Statistique Canada a publié les résultats du recensement de 2016, qui révèlent que le taux de faible revenu est inférieur chez la population non autochtone que chez les groupes autochtones, et ce, dans toutes les zones géographiques du Canada. Le taux le plus élevé de faible revenu est observé chez les membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves, particulièrement chez les femmes monoparentales.footnote 12

Ces difficultés sont aggravées par la multiplication des épisodes climatiques extrêmes (feux de végétation, inondations, tempêtes de verglas, etc.), qui exacerbent les inégalités déjà présentes au sein des communautés, notamment en favorisant les maladies respiratoires, cardio-vasculaires, véhiculées par l'eau et les aliments, chroniques et infectieuses, de même que les difficultés financières et l'insécurité alimentaire.

Une étude fédérale de 2010 a constaté que les décès, les blessures et les destructions de biens causés par des incendies de logements dans les communautés des Premières Nations, surtout en région éloignée, dépassent de loin ce qu'on observe chez des collectivités semblables hors réserve.footnote 13

Les ménages à revenu inférieur font face à l'obstacle que constituent les dépenses en équipement et en installation nécessaires pour satisfaire aux besoins en énergie de leur logement, ou pour en améliorer l'efficacité énergétique ou la sécurité électrique. Dans certaines communautés, ces difficultés se traduisent par un nombre accru d'incendies résidentiels causés par une sécurité électrique défaillante ou par le recours à des sources d'énergie de remplacement, telles que les fours à bois, les radiateurs au propane ou les groupes électrogènes diesel.

Santé Canada s'est penché sur les risques associés à l'exposition à certains carburants et certaines sources d'énergie, notamment aux effets néfastes pour la santé du carburant diesel, et suggère de poursuivre les efforts pour réduire les émissions et l'exposition.footnote 14

Des occasions à saisir pour les communautés autochtones

Parmi les avantages potentiels de l'électrification et de la transition énergétique, citons une efficacité énergétique globale accrue aussi bien pour les logements que pour les entreprises, qui réduira la facture énergétique à long terme tout en apportant des avantages sensibles pour l'environnement et la santé par la baisse des émissions de carbone et une meilleure qualité de l'air, ainsi que divers avantages économiques tels que de nouvelles occasions d'affaires, des modèles de développement durable et la stimulation de l'emploi à l'échelle locale.

La promesse et le potentiel du changement d'énergie

Selon l'Agence internationale de l'énergie, les avantages d'un changement de source d'énergie comprennent une baisse de la facture énergétique pour le consommateur et la protection des ménages contre la crise mondiale des prix de l'énergie.footnote 15

Le basculement généralisé vers l'électricité représente un défi particulier pour les communautés autochtones, surtout pour les locataires et les ménages à faibles revenus, qui pourraient se retrouver exclus des avantages de l'électrification, ne pas avoir la possibilité de remplacer le système d'énergie de leur logement ou faire face à un coût disproportionné de changement d'énergie. L'accès médiocre à une énergie fiable dans les communautés autochtones alourdit le poids financier du changement d'énergie pour les ménages à faibles revenus, ce qui le rend d'autant moins envisageable.

Pour les communautés qui disposent d'une infrastructure, d'un mode de vie et d'une économie reposant sur l'essence, le gaz naturel et d'autres sources d'énergie non renouvelables, il sera essentiel d'élaborer une approche flexible, collaborative et coordonnée pour réussir la transition énergétique et l'électrification tout en respectant les droits intrinsèques des Autochtones. Par exemple, bon nombre de communautés autochtones comptent sur des embarcations, des motoneiges et des véhicules tout terrain à essence pour chasser, pour pêcher et pour exercer leurs droits culturels définis dans les traités.

Par ailleurs, les stations-service appartenant en tout ou en partie à la communauté, ou exerçant leurs activités dans la communauté, font souvent partie intégrante de l'économie locale; ce peuvent être des lieux où tant les Autochtones que les Non-Autochtones achètent de l'essence et d'autres marchandises, y compris des produits locaux. Au moment où l'on assiste à l'installation d'un nombre croissant de stations de recharge pour véhicules électriques dans les collectivités de l'Ontario, des questions se font jour sur l'incidence que cette tendance aura sur l'économie locale des communautés autochtones et sur la répartition égale des avantages de l'électrification. Si elles se font en collaboration avec la communauté, l'électrification et la transition énergétique pourraient créer des occasions d'affaires favorables à l'économie locale, en associant les stations de recharge à des points de vente pour des produits et marchandises locaux à l'intention des Autochtones et des Non-Autochtones qui patientent pendant la recharge de leur véhicule.

Bon nombre de communautés autochtones ont reconnu l'importance de se tourner vers un système d'énergie renouvelable pour les générations à venir et insistent sur le fait que l'économie fondée sur l'énergie propre doit être réalisée avec l'entière participation des communautés autochtones dès les premières phases du processus décisionnel lié aux politiques, aux programmes et à la planification. Il faudra prévoir davantage de temps et d'aide pour accompagner ces communautés tout au long de la transition en assurant la protection de leurs droits spécifiques.

Tendances positives et modèles de partenariat prometteurs

Les exemples de partenariats et de participations autochtones à des projets d'énergies renouvelables et propres se multiplient partout au Canada, plusieurs gouvernements s'employant à élaborer et à mettre en œuvre diverses formes de politiques, de réglementation, de modèles d'approvisionnement ou de programme de soutien pour accroître et favoriser la participation des Autochtones.

Depuis une vingtaine d'années, le nombre de projets de production hydroélectrique, éolienne, solaire et bioénergétique de moyenne et grande puissance (c'est-à-dire produisant 1 mégawatt d'électricité ou plus) avec participation autochtone connaît une croissance substantielle. D'après certaines estimations, des entités des Premières Nations, Métis et Inuits sont partenaires ou bénéficiaires de presque 20 % de l'infrastructure de production électrique du Canada, dont une grande partie dans le secteur de l'énergie renouvelable.footnote 16 En Ontario, on dénombre plus de 450 projets d'énergies renouvelables en propriété exclusive de communautés autochtones ou réalisés en partenariat avec elles.footnote 17

On estime que depuis 2017, le nombre de projets d'énergie propre autochtones de moyenne et grande puissance a connu une croissance de 29,6 % au pays; il s'agit de projets hydroélectriques, éoliens, solaires, bioénergétiques et hybrides. On observe également une croissance des projets d'énergie propre autochtones de plus petite taille, où de nombreuses communautés autochtones installent des systèmes de production à l'échelle de la communauté ou de faible puissance pour offrir un approvisionnement local, en revendant éventuellement le surplus au réseau provincial et territorial.footnote 18 En parallèle, la participation des Autochtones à des projets d'exploitation du pétrole et du gaz naturel a connu une forte croissance ces dernières années, notamment à des oléoducs, des parcs de stockage et des installations de gaz naturel liquéfié, principalement dans l'Ouest canadien.

Depuis 2015, le Canada observe une hausse importante de la participation autochtone aux projets de transport d'électricité. Un total déclaré de 19 projets sont achevés ou en chantier, dont certains concernent le raccordement au réseau de projets majeurs (p. ex. La Romaine Hydro, Québec), l'interconnexion de communautés hors réseau (p. ex. Wataynikaneyap Power, Ontario) et le renforcement du réseau (p. ex. Bipole III, Manitoba). Cette évolution notable atteste d'une forte accélération des projets d'énergies renouvelables dans les communautés éloignées du Nord, qui contribue à réduire le recours à des générateurs diesel.

Le projet solaire de Giizis, dans la communauté ontarienne de Kiashke Zaaging Anishinabek, dont l'exploitation a débuté en 2020, est le premier projet entièrement intégré de production solaire et de stockage d'énergie du Canada, raccordé au réseau local de production et de distribution électriques.

La nature de la participation des Autochtones aux projets d'énergie va de la propriété ou copropriété au partage des recettes, en passant par les conventions de bail et les ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) ou diverses ententes de partenariat.

Participation au capital

La participation au capital des projets est l'un des modèles utilisés depuis quelque temps pour accroître la participation autochtone à divers projets d'énergie. L'Ontario compte plusieurs exemples ou les Autochtones ont des droits dans des projets d'énergie propre, allant d'une participation minoritaire forte de 25 à 50 % à une participation majoritaire.

Par exemple, Hydro One a lancé un modèle de partenariat par partage du capital, où les Premières Nations se verront offrir une participation de 50 % à tous les futurs projets de transport d'énergie d'envergure, c'est-à-dire dont la valeur dépassera les 100 millions de dollars. Les huit Premières Nations représentées par le Gwayakocchigewin Limited Partnership (GLP) et la Première Nation du lac des Mille Lacs détiendront 50 % des parts du projet de la ligne de transport de Waasigan. Ce projet concerne une ligne de transport à double circuit de 230 kV située entre le poste de transformation de Lakehead, dans la municipalité de Shuniah, et celui de Mackenzie, dans la ville d'Atikokan, ainsi qu'une nouvelle ligne de transport à simple circuit de 230 kV entre le poste de transformation de Mackenzie et celui de Dryden, dans la ville de Dryden.

Le projet de transport d'énergie de Wataynikaneyap

Bon nombre de communautés autochtones continuent de subir régulièrement des restrictions et des coupures de courant prolongées en raison d'un accès médiocre à une source d'énergie sûre et fiable. C'était notamment le cas de la Première Nation Pikangikum, située à environ 500 km au nord-ouest de Thunder Bay, l'une des 17 communautés de la région qui n'avait aucun accès routier praticable à l'année et qui devait se fier à des générateurs diesel comme unique source d'électricité.

Pikangikum consommait de 12 000 à 15 000 litres de carburant diesel par jour. Cette communauté isolée devait se faire livrer la plus grande partie du carburant par la voie des airs, à grands frais, juste pour avoir de quoi s'éclairer. Les fréquentes restrictions de consommation limitaient la quantité d'électricité que les résidents pouvaient consommer et un moratoire était souvent imposé sur les utilisations non essentielles. Ces restrictions ainsi que le manque d'accès à une source propre et stable d'énergie empêchaient la communauté de construire les nouvelles habitations dont elle avait besoin pour répondre à une pénurie de logements, et compromettaient également la prestation des services essentiels, notamment les programmes de lutte contre l'insécurité alimentaire.

En 2018, Pikangikum est devenue la première communauté éloignée des Premières Nations à se voir raccordée au réseau provincial grâce au projet de transport d'électricité de Wataynikaneyap.

Ce projet comprend la ligne à destination de Pickle Lake – nouveau dispositif de renforcement de 300 km entre le secteur de Dryden et le lac Pickle – ainsi que le prolongement du réseau à 16 communautés éloignées des Premières Nations du nord-ouest de l'Ontario l'installation de 1500 km d'infrastructure nouvelle. Avec des travaux devant se terminer en 2024, le projet sera le plus important projet d'infrastructure dirigé par des Autochtones au Canada et le raccordement au réseau électrique de l'Ontario le plus ambitieux de l'histoire de la province. Une fois terminé, il fournira à plus de 18 000 membres des Premières nations vivant au nord-ouest de l'Ontario un approvisionnement en électricité propre, fiable et abordable.

La société de transport d'électricité agréée appartient à parts égales à 24 communautés des Premières Nations (51 %), en partenariat avec Fortis Inc. et d'autres investisseurs du secteur privé. Les communautés ont l'option d'accroître leur participation et leur contrôle jusqu'à 100 %. Le gouvernement de l'Ontario accorde un prêt pouvant aller jusqu'à 1,34 G$ pour les coûts de construction du projet Watay Power. Le prêt de l'Ontario fera économiser aux contribuables en finançant le projet à un taux inférieur à celui qu'il serait possible avec un financement exclusivement privé. Par ailleurs, les coûts du projet sont en partie couverts par le gouvernement fédéral, qui s'est engagé à verser 1,56 milliard de dollars à son achèvement.

Wataynikaneyap Power collabore avec le promoteur du projet pour assurer le respect des exigences environnementales et des protocoles communautaires, qui visent notamment l'interdiction de l'usage de pesticides afin de prévenir les effets néfastes sur la santé des membres de la communauté et sur l'environnement des terres avoisinantes.

De propriété 100 % autochtone, Opiikapawiin Services LP (OSLP) assume la gestion des projets et des programmes de Wataynikaneyap Power. Les programmes sont ancrés dans les connaissances, la culture et les cérémonies des Premières Nations et contribuent au développement des compétences et à la formation des Autochtones, afin d'améliorer leurs perspectives d'emploi et de renforcer leur participation au projet de bout en bout. En date du 31 mars 2023, 50 programmes de formation ont été offerts et 603 personnes ont achevé leur formation.

Malgré les obstacles qui ont ralenti l'avancement de ce projet d'envergure, il s'agit d'un exemple de la voie que peuvent emprunter le gouvernement et l'industrie pour appuyer des partenariats collaboratifs, flexibles et innovants avec les communautés autochtones. Le projet a été désigné prioritaire tant par les gouvernements fédéral que provincial, ce qui a aidé à obtenir plus rapidement les approbations nécessaires et témoigne de son importance.

Il reçoit également le soutien du Programme de garanties d'emprunt pour les Autochtones (ALGP) de l'Ontario, lequel appuie la participation autochtone aux nouveaux projets de transport et de production d'énergie renouvelable, telle qu'éolienne, solaire et hydroélectrique. Ce programme offre une garantie provinciale de prêt à une entité autochtone pour financer une partie de l'investissement en capital de projets admissibles.

Le projet aura également divers effets positifs et avantages mutuels : permettre aux communautés de piloter elles-mêmes les projets; combler les carences en infrastructures des communautés; faciliter l'accès à une énergie sûre et fiable; enfin, accroître la participation des Autochtones aux projets, notamment à leur capital, pour leur apporter des avantages économiques à long terme à titre de partenaires.

L'un des principaux enseignements tirés du projet est l'importance d'appréhender les coûts selon une optique globale qui inclue les volets environnemental, social et culturel. Le projet aura également incité les gouvernements et les promoteurs à tenir compte des coûts environnementaux, sociaux et culturels qu'aurait l'exclusion des Autochtones du capital et du pilotage d'un projet d'énergie.

La prise de participation des Autochtones au capital des projets est une nouvelle idée prometteuse qui mérite un soutien actif et davantage d'investissements du gouvernement et du secteur de l'énergie. Même si le fait de posséder des parts au capital représente une occasion d'avantages économiques à long terme, le gouvernement et le secteur devraient s'employer à sensibiliser les communautés et entités autochtones aux avantages immédiats et à moyen terme qui peuvent également en découler. Citons à titre d'exemple un financement stable du renforcement des capacités et du développement des compétences pour favoriser un débat éclairé sur l'énergie et stimuler la participation à la planification énergétique communautaire, régionale et provinciale.

En plus de réfléchir à la façon dont les modèles de partenariat avec participation au capital peuvent encourager l'engagement et apporter des avantages socio-économiques plus larges, le gouvernement et le secteur devraient élaborer un plan clair, fondé sur l'information recueillie auprès des communautés autochtones, pour définir les moyens permettant aux organisations d'appuyer et de financer dans la durée la participation des Autochtones au capital des projets.

Participation des Autochtones aux initiatives d'énergie propre et amélioration de la résilience

L'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations dans les communautés autochtones représente une occasion importante de réduire la consommation et le coût de l'énergie, de favoriser l'emploi et l'investissement à l'échelle locale et de produire des effets positifs pour la santé et le bien-être dans la communauté grâce à des logements plus sûrs. Le Comité s'est entretenu avec plusieurs organisations autochtones qui ont rappelé l'importance d'assurer un financement fédéral adéquat pour la qualité, la sécurité et l'abordabilité du logement dans la réserve, condition préalable à la réussite des initiatives d'efficacité énergétique.

Le programme d'efficacité énergétique à l'intention des Premières Nations éloignées (Remote First Nation Energy Efficiency Program), qui reçoit le soutien de la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité (SIERE), est un programme pilote offert aux Premières Nations Kasabonika Lake, North Caribou Lake, Sachigo Lake et Wunnumin Lake depuis 2019. Le programme a été étendu à d'autres communautés éloignées des Premières Nations; il est offert sans frais aux participants. Il finance des coordonnateurs et agents d'exécution désignés de la communauté pour la réalisation d'un audit énergétique et le recensement des possibilités d'installation de produits écoénergétique pour améliorer les logements, les petites entreprises, les centres récréatifs et les bâtiments publics de la bande. Le programme finance notamment les améliorations énergétiques de base, le remplacement des électroménagers ainsi que les travaux d'isolation et d'étanchéité, autant de facteurs qui contribuent à des économies à long terme sur les factures d'énergie et à l'amélioration de la sécurité et du confort des habitations et des entreprises.

Les communautés autochtones – et particulièrement celles du Nord et des régions éloignées – subissent de façon disproportionnée les répercussions du changement climatique, notamment sous la forme d'événements météorologiques extrêmes pouvant causer des dommages à l'infrastructure essentielle ou nécessiter l'évacuation de territoires traditionnels, ce qui compromet les droits de chasse et de cueillette, aggrave l'insécurité alimentaire et exacerbe d'autres injustices socio-économiques et en matière de santé.footnote 20

L'amélioration de la résilience dans tout l'Ontario – particulièrement dans les communautés autochtones, du Nord et des régions éloignées – est essentielle à la réussite de la transition énergétique et de l'électrification.

Le stockage de l'électricité est un composant fondamental du réseau, qui complète la production éolienne, solaire, hydroélectrique, nucléaire et thermique fossile de même que les ressources de microproduction locale et les actifs d'efficacité des systèmes. En définitive, le stockage est une technologie d'assistance qui peut aider les consommateurs à économiser, renforcer la fiabilité et la résilience des systèmes et réduire les répercussions sur l'environnement.

Par exemple, le stockage de l'énergie est essentiel à la décarbonation, car il permet de couvrir une plus grande partie de la charge électrique de base et de pointe avec des sources d'énergie renouvelable sans émission. Le rythme accéléré de l'électrification et de la transition énergétique représente l'occasion de poursuivre l'exploration des projets énergétiques innovants menés conjointement par les communautés autochtones, les fournisseurs de services publics et les organismes de planification de l'électricité.

Le projet de stockage d'Oneida est une proposition de la Six Nations of the Grand River Development Corporation et de son partenaire NRStor, qui consiste à installer des accumulateurs pour ouvrir les périodes de pointe du réseau. D'après les promoteurs, le projet devrait rapporter pas moins de 1 million de dollars par année à la communauté des Six Nations sur sa durée de vie prévue de plus de 20 ans. Le projet devrait réduire les émissions de carbone de plus de 4,1 millions de tonnes et créer 900 000 heures d'emploi local sur une période de 20 ans. Ce sera le premier projet de cette envergure, qui démontrera le potentiel économique d'un partenariat autochtone pour les projets d'énergie à faible émission de carbone.footnote 20

Une vision à long terme, gage de réussite

La pleine participation des communautés autochtones, en véritables partenaires, à la planification énergétique et à toutes les facettes des projets d'énergie – élaboration, investissement, participation au capital et exploitation – apporte la promesse d'une électrification et d'une transition énergétique plus ouvertes et participatives, dont les avantages seraient répartis localement et collectivement.

Malgré une prise de conscience croissante de l'importance des partenariats avec les communautés autochtones et de leur participation accrue, voire prépondérante, aux projets et à la planification énergétiques, le gouvernement et le secteur doivent jouer un rôle plus actif et systématique à cet égard pour réussir la transition énergétique dans tout l'Ontario et pour avancer sur le chemin de la réconciliation.

Il est fondamental d'échanger avec les communautés autochtones pour déterminer comment la transition doit progresser et cerner les conditions nécessaires à la sécurité et à l'épanouissement des communautés et à la réalisation de leur vision immédiate et à moyen et long terme. Il est également essentiel d'aider les communautés autochtones à déterminer la forme du partenariat souhaité avec le gouvernement et leur niveau de participation à la planification énergétique et à l'élaboration des projets, qui peut aller jusqu'au pilotage des projets et à la prise de participation au capital.

Voici les principaux champs d'action, qui se veulent mutuellement complémentaires et que le gouvernement devrait envisager pour élaborer conjointement de véritables partenariats avec les Autochtones et jeter les bases d'un parcours sûr pour parvenir à une économie fondée sur l'énergie propre :

  • Échanges précoces et coordonnés
  • Réconciliation économique et mécanismes de financement flexibles
  • Participation et collaboration à la gouvernance

Échanges précoces et coordonnés

Les dirigeants et les communautés autochtones n'ont cessé d'insister sur l'importance d'un échange précoce et coordonné avec eux lors de la planification et de l'élaboration des projets énergétiques. Même si ce rapprochement précoce ne suffit pas en soi pour mener à de véritables partenariats, il joue un rôle fondamental à cet égard en aidant à définir chacune des collaborations distinctes qu'il conviendrait d'établir entre les diverses communautés autochtones et la province ainsi que les promoteurs.

Un échange précoce et coordonné avec les communautés autochtones s'avère essentiel dans le contexte de l'accélération et de l'intensification de l'électrification et de la transition énergétique. Ce faisant, il faut traiter en priorité le développement des relations afin de favoriser la transparence et la redevabilité envers les communautés autochtones. À cette fin, il faut mener des discussions sur les coûts projetés et les répercussions de l'électrification et de la transition énergétique, et montrer comment les commentaires recueillis auprès des intervenants autochtones ont été mis à profit pour orienter les politiques et les décisions.

En ce qui concerne les pratiques avisées qui permettraient d'opérer ce rapprochement, bon nombre de communautés autochtones disposent de protocoles et de lignes directrices en matière de discussion et de consultation qui sont à la disposition du grand public; elles décrivent leurs attentes à l'égard du gouvernement et des promoteurs en matière d'approche et de consultation. Certaines communautés autochtones ont partagé leurs politiques, lois, constitutions et règlements qui appuient la prise de décision sur les projets et les investissements concernant leurs terres.

Par exemple, la Manito Aki Inakonigaawin, c'est-à-dire la Grande loi de la Terre du Grand conseil du Traité no 3, promulguée le 3 octobre 1997, validée par une cérémonie traditionnelle et ratifiée par l'Assemblée nationale, pose les valeurs autochtones comme facteurs déterminants du processus décisionnel s'appliquant notamment aux projets d'énergie et d'infrastructure devant avoir lieu sur le territoire du Traité no 3. En février 2023, le Grand conseil du Traité no 3 a annoncé le lancement officiel de la boîte à outils de la Manito Aki Inaakonigewin (MAI). À la disposition du grand public, cette boîte à outils soutient la relation entre les membres du Traité no 3, les promoteurs, la Couronne et les autres intervenants, la conclusion de partenariats, la communication claire et transparente, enfin, la protection de l'environnement, y compris des sites sacrés et cérémoniels qui parsèment le territoire.

Certaines nations autochtones ont suivi d'autres approches pour orienter la prise de décisions fondées sur les valeurs autochtones, où les membres de la communauté guident la participation aux projets et déterminent les répercussions de ceux-ci. Il serait profitable au gouvernement et aux promoteurs d'accroître leurs capacités internes afin de mieux se familiariser avec les politiques, les lois et les constitutions des Nations avant de se lancer dans les échanges et la consultation. En effet, une meilleure connaissance et compréhension des approches communautaires contribuerait à créer un climat de confiance et à assurer des échanges et des consultations plus cohérents et mieux coordonnés dans le secteur de l'énergie.

Un échange précoce et coordonné avec les communautés autochtones et leur consultation nécessitent un financement stable des capacités. Le financement stable des capacités des communautés autochtones est un facteur déterminant pour permettre des échanges significatifs; il est également essentiel pour la tenue de discussions ouvertes sur les moyens que peut prendre la province pour mieux appuyer les partenariats collaboratifs, renforcer la sécurité et assurer l'épanouissement des communautés par la transition énergétique et faire progresser la participation, l'inclusion et le leadership des communautés autochtones dans la planification énergétique et l'élaboration des projets.

Le renforcement des capacités pour stimuler l'échange et la participation

De nombreuses communautés autochtones sont inondées de demandes d'échange et de consultation sur des projets dans le secteur de l'énergie et d'autres domaines, souvent trop peu de temps pour faire intégrer efficacement leurs perspectives, et avec un financement insuffisant de leurs capacités pour permettre une participation significative.

En conséquence de cet héritage colonial, bon nombre de communautés doivent gérer simultanément plusieurs crises qui, en plus, se chevauchent souvent, et ce, avec très peu de personnel spécialisé disponible pour échanger correctement sur les projets énergétiques et mener des discussions techniques de planification énergétique.

Un financement permanent des capacités pour permettre des échanges précoces, significatifs et coordonnés serait un levier essentiel pour faire tomber les obstacles qui bloquent la participation autochtone au système de l'énergie. Sachant qu'il faudra du temps pour que les efforts de renforcement des capacités approfondissent les connaissances techniques des communautés, il reviendrait au gouvernement et au secteur de réserver un espace pour les perspectives autochtones dans les discussions de planification technique et énergétique.

Compte tenu du rythme potentiellement rapide de l'électrification et de la transition énergétique, le gouvernement et le secteur devraient appuyer des efforts de renforcement des capacités à plus grande échelle afin de permettre une participation complète des Autochtones à la planification, et notamment aux discussions techniques provinciales et régionales, et créer des occasions de réfléchir aux effets cumulatifs des projets d'aménagement du secteur de l'énergie.

La portée et l'échelle des activités de renforcement des capacités peuvent varier d'une communauté à l'autre, en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts respectifs en matière d'énergie. Voici quelques exemples d'activités essentielles de renforcement des capacités :

  • Approfondir les connaissances sur le système d'énergie de l'Ontario, par exemple, sur les rôles et les responsabilités de la province, des organismes, des transporteurs, des sociétés de distribution locale (SDL), etc.
  • Outils de formation et d'apprentissage sur-mesure pour les dirigeants autochtones ayant pour but de les aider à animer des conversations éclairées sur l'énergie dans la communauté.
  • Éducation et renforcement des compétences pour permettre la participation à la planification régionale et provinciale dans le secteur de l'énergie, y compris aux discussions techniques.
  • Formation et financement des membres/agents désignés de la communauté pour évaluer régulièrement les besoins et les intérêts de la communauté en matière d'énergie.

Renforcement des capacités par les organismes

La SIERE offre une série de programmes de soutien énergétique pour les Autochtones qui ont pour but de faciliter la participation au secteur de l'énergie en donnant aux communautés et organisations autochtones les moyens d'élaborer des plans et des projets énergétiques et de former des travailleurs en énergie dans les communautés. En 2022, la SIERE a financé 83 projets de 53 bénéficiaires, soit un financement total de 9,8 millions de dollars, ainsi que 28 travailleurs spécialisés en énergie dans l'ensemble de la province.

Lors de ses travaux, le Comité a observé que l'adoption d'une approche de financement flexible pour du personnel spécialisé renforçant les capacités de la communauté était une pratique avisée pour approfondir les connaissances et accroître la participation aux conversations sur l'énergie. Sont également perçus comme des éléments positifs des programmes le financement à plus long terme et des hausses de salaire pour le personnel spécialisé (par exemple les champions communautaires de l'énergie, qui aident à planifier, à mettre en œuvre et à évaluer les priorités en matière d'énergie), le financement d'une formation pertinente et le financement du matériel et des fournitures nécessaires à l'exécution des programmes, le tout, pour favoriser la participation des Autochtones à la planification énergétique.

Renforcement des capacités par les Autochtones eux-mêmes

Le programme 20/20 Catalyst offert par Indigenous Clean Energy Inc. (ICE) se démarque en tant que programme existant dirigé par les Autochtones eux-mêmes pour assurer le renforcement des capacités dans les communautés autochtones. Le programme propose un apprentissage pratique et appliqué sur les projets d'énergie renouvelable, la planification énergétique communautaire, l'efficacité énergétique et l'économie d'énergie, l'administration des affaires et les systèmes énergétiques de pointe. Les participants reçoivent de l'aide pour faire avancer les projets d'énergie propre dans des conditions réelles.

Le programme présente la participation des communautés autochtones aux projets d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable comme l'un des fondements de leur santé et de leur bien-être. Le financement de la construction d'habitations et écoénergétique et de la rénovation de logements existants pour améliorer leur performance énergétique est un élément essentiel de l'adaptation au changement climatique et du développement durable, car de tels travaux contribuent à la baisse des émissions liées à l'énergie et favorisent l'emploi autochtone.

Dans le même ordre d'idée, Conservation on the Coast (COTC) se concentre sur la prestation de programmes de gestion de la demande d'économie d'énergie dans trois communautés de la Baie James – les Premières Nations d'Attawapiskat, de Kashechewan et de Fort Albany – qui possèdent leurs propres sociétés locales de distribution. En partenariat avec Five Nations Energy Inc. et la SIERE, COTC a mené à bien la rénovation poussée de 40 habitations, notamment par l'installation de ventilateurs récupérateurs de chaleur.

Les partenariats se sont révélés d'une importance cruciale pour la réussite de ces activités communautaires de renforcement des capacités, tout comme un soutien flexible, régulier et relationnel de la part du gouvernement.

Il faudrait s'intéresser aux possibilités d'extension et de montée en puissance des programmes actuels de renforcement des capacités, par exemple en offrant un soutien complémentaire pour favoriser la participation des communautés, ou en sollicitant l'aide de personnel désigné pour mener les programmes communautaires.

Comme il y a été mentionné ci-dessus, le renforcement des capacités dans les communautés autochtones devrait se refléter dans un engagement continu du gouvernement et du secteur à renforcer leurs propres capacités internes pour accroître leurs compétences culturelles vis-à-vis des Autochtones, pour améliorer leur sensibilisation et leur compréhension des traités et des protocoles d'échange avec les communautés ainsi que des structures de gouvernance, et pour mieux montrer comment les perspectives autochtones sont intégrées au processus décisionnel.

Plusieurs organisations du secteur de l'énergie ont établi – ou y travaillent – un plan d'action relativement aux Autochtones ou à la réconciliation, améliorent leurs services de relations avec les Autochtones et cherchent à renforcer leurs partenariats avec leurs communautés. Ces actions laissent entrevoir l'enracinement d'un message d'espoir; elles recèlent le potentiel d'un apprentissage et d'un partage des connaissances plus aboutis qui mèneront à des pratiques plus sages dans le secteur de l'énergie en Ontario.

Le rôle du gouvernement relativement aux échanges avec les communautés

Outre un financement stable des capacités des communautés autochtones, le Ministère a un autre rôle crucial à jouer, celui de se rapprocher des communautés autochtones pour échanger avec elles et les consulter, de sorte qu'elles puissent participer pleinement au processus et qu'elles en retirent des avantages de bout en bout. C'est une condition essentielle que doit remplir la province pour tenir le rythme devant l'intensification de la demande en électrification et en transition énergétique.

En effet, la plupart des solutions proposées pour parvenir à une économie fondée sur l'énergie propre reposent sur l'utilisation des terres et des ressources des Autochtones afin de réaliser une infrastructure d'énergie propre et renouvelable ainsi que des projets d'extraction minière. Ces projets sont la construction de nouvelles centrales électriques sans émission, l'extension des lignes de transport, le stockage de l'énergie, la production d'hydrogène-combustible et l'ouverture de nouvelles mines pour extraire les matières premières nécessaires à la production des batteries de véhicules électriques. Étant donné que tous ces projets seront réalisés sur des terres autochtones, les oppositions et les retards auraient un lourd impact sur la capacité de la province à saisir les occasions et économiques que représente l'électrification et la transition énergétique.

À l'heure actuelle, le ministre de l'Énergie entreprend et coordonne la prise de contact avec les communautés autochtones ainsi que leur consultation sur les mesures stratégiques proposées et les projets énergétiques en Ontario et délègue souvent le volet procédural de l'obligation de consulter aux promoteurs des projets. L'Unité des politiques en matière d'énergie pour les Autochtones du Ministère fournit également des conseils aux promoteurs pour appuyer les échanges et la consultation et se rapproche des communautés et des promoteurs pour chercher ensemble des solutions aux éventuels problèmes pouvant se présenter lors de ce processus.

Il sera essentiel d'assurer une affectation suffisante de ressources et de capacités pour s'acquitter de l'obligation de consulter à mesure que croît le volume de projets d'aménagement liés à l'électrification et à la transition énergétique. Le renforcement de ses capacités pour mieux répondre à une hausse des demandes d'échanges et de consultation aidera également le Ministère à nouer et entretenir des relations à long terme avec les communautés autochtones, à favoriser des discussions proactives, coordonnées et plus ouvertes avec les communautés tout au long de la transition et à favoriser des partenariats collaboratifs et une pleine participation des Autochtones à l'économie émergente de l'énergie propre.

Une fois que le gouvernement et les promoteurs auront pris le temps d'investir dans des relations à long terme avec les communautés autochtones, les échanges et la consultation seront vraisemblablement constructifs et productifs. Au lieu de prendre contact avec les communautés autochtones uniquement quand de nouveaux projets apparaissent, l'établissement de canaux permanents aurait pour effet d'entretenir une relation positive et de favoriser des conversations collaboratives et transparentes sur la planification énergétique, l'élaboration des politiques et la prise de décisions, pendant que progresse l'électrification et la transition énergétique.

Réconciliation et partenariat économique

Pour en donner une définition simple, la réconciliation économique peut s'entendre comme l'inclusion des peuples, des communautés et des entreprises autochtones dans toutes les facettes de l'activité économique. Comme l'expose la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (CVR) dans son rapport final, tous les efforts de réconciliation exigent le respect des principes fondamentaux du renforcement de la confiance, du partage des pouvoirs, de la responsabilisation, de la transparence et d'un investissement substantiel de ressources.

Il ne suffit pas de nouer des contacts avec les communautés autochtones pour faire progresser un véritable partenariat qui mène à la réussite économique. La prise en compte des perspectives autochtones sur les avantages et l'évaluation des risques des projets majeurs, les décisions d'investissement pilotées par les Autochtones et la participation des Autochtones au capital des projets sont de plus en plus courantes.

Depuis des générations, les dirigeants autochtones militent pour l'obligation d'inclure les perspectives autochtones dans les projets qui ont des répercussions sur leurs terres et leurs communautés. La reconnaissance et la défense des droits des Autochtones grâce aux efforts des militants et aux décisions judiciaires affirment l'importance d'inclure le point de vue des Autochtones dans les projets essentiels en matière d'énergie et d'extraction minière.

Bon nombre de communautés autochtones perçoivent l'économie comme une réalité liée à la terre, aux ressources, à la politique, aux cérémonies et à la spiritualité. L'adoption d'une vision intégrée et holistique de l'économie mène à percevoir les « actionnaires » comme des membres de la communauté. Les valeurs et les objectifs d'un partenariat autochtone sont non seulement la maximisation des profits, mais aussi un développement économique favorable à la santé et au bien-être économique et social à long terme des communautés.

Il existe déjà des organisations autochtones et communautaires qui ont pour vocation d'aider à conclure des partenariats positifs avec les communautés autochtones dans le cadre de projets d'aménagements énergétiques majeurs.

L'un des volets les plus importants des travaux de la Coalition des Premières Nations pour les grands projets (FNMPC) est d'accompagner les Premières Nations et les entreprises qui cherchent à nouer des partenariats pour mener des projets majeurs. L'organisme affirme le caractère fondamental de l'approche adoptée pour conclure et mettre en œuvre des partenariats avec les communautés ou entités autochtones, et qu'elle comprend la nécessité d'offrir une assurance de réussite du projet aux marchés de capitaux, au gouvernement et au public. Les promoteurs du secteur s'intéressent de plus en plus à une meilleure compréhension des pratiques sages et des leçons clés qu'offrent les partenariats réussis entre Autochtones et industrie dans le cadre de projets majeurs.footnote 22

Dotées de ressources stables et suffisantes, les organisations dirigées par les Autochtones pourraient continuer d'appuyer la mise sur pied de partenariats équitables entre communautés autochtones, gouvernements et promoteurs, et à s'assurer que ces partenariats apportent une réussite économique commune à toutes les parties, en plus d'une amélioration de la santé et du bien-être globaux des communautés.

Accès au capital et cadre de financement flexible

Bridées par les politiques fédérales telles que la Loi sur les Indiens, les communautés autochtones sont souvent privées d'un accès raisonnable et concurrentiel à du capital pour leurs investissements et leur développement économique.footnote 23 Les obstacles systémiques tels que la Loi sur les Indiens ont empêché les entreprises autochtones de réunir du capital, fait qui s'additionne à une situation géographique souvent isolée et au manque de ressources humaines et financières pour handicaper lourdement les communautés autochtones sur le plan de la compétitivité.footnote 22

Les gouvernements jouent un rôle vital dans la réussite des grands projets en allégeant le fardeau réglementaire et en offrant des programmes tels que le Programme de garanties d'emprunt pour les Autochtones (PGEA). Le PGEA est un exemple de mécanisme de financement créatif qui aide à favoriser la participation des Autochtones et à compenser certaines des difficultés que leurs communautés rencontrent pour réunir suffisamment de capital afin de participer à des projets concurrentiels situés sur leurs territoires.

Le PGEA a notamment soutenu, en partie, le projet de la basse Mattagami, partenariat entre la Moose Cree First Nation et Ontario Power Generation. Aux termes de l'accord Amisk-oo-Skow, la Moose Cree First Nation a reçu 25 % des parts du projet. Il s'agit du plus grand projet hydroélectrique du Nord de l'Ontario des 40 dernières années, qui a augmenté l'approvisionnement en électricité propre et renouvelable de la province d'environ 440 mégawatts. L'accord de partenariat a également apporté des formations et des emplois. Les entreprises Moose Cree se sont vu attribuer 300 millions de dollars de contrats liés au projet, lequel, au plus fort du chantier, a employé 250 travailleurs autochtones.

Une éventuelle extension du PGEA et les leçons tirées de sa mise en œuvre pourraient profiter aux communautés et entités autochtones qui souhaitent participer à divers projets sur leurs territoires, surtout au moment où l'on s'attend à une hausse du nombre de projets sous l'effet de la transition énergétique.

Inclusion des Autochtones aux cadres stratégiques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)

L'analyse des stratégies environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et des programmes connexes pour déterminer l'efficacité d'une organisation et l'attractivité d'un investissement est de plus en plus au cœur des débats dans les secteurs de l'entreprise et de l'investissement et au sein du gouvernement, surtout au moment où les investisseurs s'attendent à une gouvernance et une supervision renforcées. À l'échelle mondiale, des discussions sont en cours sur l'élaboration et la mise en œuvre de politiques, de règlements et de cibles en matière d'ESG, y compris l'obligation de faire rapport sur les critères ESG. L'ESG est en vogue à travers le monde. En date de 2020, 88 % des sociétés cotées en bourse, 79 % des sociétés à capital-risque et à capital-investissement et 67 % des sociétés de droit privé ont mis en place des initiatives ESG.footnote 24

L'ESG est actuellement envisagé dans l'optique des investisseurs, et continuera de l'être. Face à des attentes croissantes en matière d'auto-évaluation et de communication des performances ESG, les organisations seront de plus en plus contraintes de démontrer, par leurs indicateurs de rendement et leurs données, qu'elles évaluent et améliorent leurs résultats en matière d'environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance. Il est probable qu'elles seront confrontées à une obligation croissante de démontrer la prise en compte des risques du changement climatique, y compris les risques physiques pour leurs actifs et les risques qu'implique la transition de l'Ontario vers une économie fondée sur l'énergie propre.

L'importance croissante de l'ESG offre l'occasion d'inclure la perspective autochtone dans chacun des trois piliers, au vu de la correspondance claire entre les intérêts des Autochtones et l'ESG.

Comme il a été remarqué précédemment, la mise en place d'une économie fondée sur l'énergie propre nécessite la réalisation de projets sur des territoires traditionnels. Il faut pour cela des relations fructueuses et une collaboration solide avec les nations et les communautés autochtones, qui peuvent contribuer à la réalisation des objectifs à long terme, à savoir la rentabilité pour les entreprises, le développement durable et les objectifs collectifs. Par exemple, les peuples autochtones qui vivent sur ces terres depuis des temps immémoriaux sont conscients des effets du changement climatique, de la transition énergétique et des aménagements liés à l'énergie sur leur bien-être collectif et sur leurs droits culturels et leurs droits visés par les traités. Bon nombre de nations et de communautés autochtones mettent l'accent sur les liens entre les gens et la terre; dans ce contexte, la durabilité est perçue comme une relation active et réciproque entre l'être humain et l'environnement.

Les échanges avec les communautés autochtones offrent l'occasion d'obtenir des conseils significatifs sur l'intégration adéquate de leur perspective dans la gouvernance des organisations, dans les processus décisionnels et dans la définition collaborative d'indicateurs inclusifs sur l'exploitation et la gouvernance. Ils offrent également l'occasion d'inclure explicitement les perspectives autochtones dans les normes et les cadres de communication en matière d'ESG.

Des discussions sont en cours entre les dirigeants autochtones, les entreprises et les organismes sur le lien entre les critères ESG et l'amélioration de l'accès des communautés autochtones à du capital aux fins d'investissement et de développement. Les nations et les communautés autochtones participent de plus en plus à des projets d'investissement d'une façon qui respecte leurs valeurs et leurs objectifs, ce qui contribue à la réalisation des objectifs larges de l'investissement ESG. La possibilité d'envisager la participation des Autochtones au capital comme une obligation potentielle pour tout investissement ESG est une idée qui mérite réflexion.footnote 25

Obligations thématiques sur la valeur pour les Autochtones

Sans nier l'importance du simple rendement financier pour les investisseurs, les résultats environnementaux et sociaux se révèlent de plus en plus attrayants. Valorisé à plus de 120 000 milliards de dollars US, le marché obligataire (en incluant tous les types d'obligations) est le plus gros marché de capitaux au monde. Au vu de l'intérêt croissant des investisseurs et de l'élargissement des types d'obligations pour inclure les obligations thématiques sur la valeur pour les Autochtones, il serait opportun de dimensionner le financement de manière à attirer les investissements vers le développement économique autochtone.

Par exemple, depuis 2014, l'Autorité financière des Premières Nations a émis au moins neuf obligations/débentures pour réunir des fonds afin d'offrir des prêts à long terme à taux fixe aux Premières Nations. En mars 2022, l'Autorité a notamment émis une débenture valorisée à 354 millions de dollars CA. Cette obligation appuie des projets de 19 communautés des Premières Nations partout au Canada, notamment un parc solaire en Ontario, un projet hydroélectrique au Québec, un établissement de soins aux aînés, des logements et d'autres infrastructures.

Fonds souverain

Pour en donner une définition simple, un fonds souverain est un fonds de placements financiers constitué par un État, qui sert à investir dans diverses catégories d'actifs matériels et financiers, par exemple, actions, obligations, immobilier, capital-investissement et fonds spéculatifs.

En juillet 2018, l'Ontario a annoncé l'exécution de la vente de plus de 14 millions d'actions d'Hydro One à l'Ontario First Nations Power Holdings LP, société en commandite appartenant à 100 % à Ontario First Nations Sovereign Wealth LP, qui, elle, appartient à 129 Premières Nations de l'Ontario. Cette transaction représente environ 2,4 % des actions ordinaires alors en circulation.

L'opération a été financée au moyen d'un prêt sur 25 ans consenti par la province à son propre taux d'emprunt, plus 15 points de base. Les actions vendues font office de garantie pour le prêt. La province a également fourni un capital d'amorçage d'environ 29 millions de dollars canadiens en numéraire pour la constitution d'un nouveau fonds de placement en propriété exclusive de l'Ontario First Nations Sovereign Wealth (société en commandite).

L'OFN touche un dividende trimestriel d'Hydro One, qu'elle utilise pour payer les intérêts du prêt, le solde étant réinvesti par un gestionnaire de placements indépendants pour réaliser une plus-value supplémentaire. Les services publics sont une source sûre de dividendes, même s'il ne faut pas négliger la récession et ses effets sur le marché. Ce cadre financier a démontré sa capacité à apporter des avantages économiques continus et à long terme, dans l'intérêt collectif de nombreuses communautés des Premières Nations de l'Ontario.

Comme on l'a vu ci-dessus, une panoplie de mécanismes et d'instruments financiers ont été utilisés pour appuyer le développement économique et la participation des Autochtones et nouer des partenariats avec leurs communautés. Le recours à des modèles de financement flexibles est essentiel pour que les communautés et entités autochtones aient accès à suffisamment de capital pour avoir des chances égales de participer à une économie concurrentielle, surtout à une époque où les projets et les nouvelles technologies apparaissent à un rythme effréné pour faire progresser l'électrification et la transition énergétique.

L'intégration des valeurs et des perspectives autochtones pour orienter les ententes de partenariat est une pratique sage, car elle permet une focalisation précoce sur le développement des relations et représente du temps investi pour cerner les valeurs, les objectifs et les limites des partenaires aux projets. Dans le cas du projet Wataynikaneyap, les partenaires ont négocié des conditions, dans le cadre de leur entente de partenariat, pour intégrer les valeurs de la communauté et protéger la santé et le bien-être des personnes et de la terre pendant sur toute la durée de vie du projet.

Participation intégrée et collaborative à la gouvernance

Les partenaires autochtones apportent une masse de connaissances, d'expérience et de perspectives ainsi que des approches d'une grande utilité pour leurs pairs. Pour le gouvernement, la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre offre l'occasion de collaborer avec les nations et communautés autochtones au processus décisionnel et à des modèles de gouvernance synergétiques, notamment en assurant la participation des Autochtones aux conseils de direction ou d'administration et aux comités mixtes, et en adoptant leurs façons d'aborder diverses problématiques telles que la résolution des litiges et la gestion des terres et des ressources.

La notion de participation intégrée à la gouvernance consiste en une participation accrue des Autochtones et en la prise en compte de leurs perspectives dans les structures qui régissent et réglementent le système énergétique de l'Ontario. Par exemple, il s'agirait de prévoir une représentation des Autochtones de l'Ontario aux Conseils d'administration de la Commission de l'énergie de l'Ontario (CEO) et de la SIERE. En plus d'inclure des Autochtones aux conseils de direction et d'administration, les organismes et les promoteurs devraient clairement démontrer que les processus politiques et décisionnels intègrent les perspectives autochtones.

La présence de représentants autochtones aux Conseils d'administration des organismes gouvernementaux signalerait clairement à certains acteurs de l'industrie l'importance d'inclure une telle représentation à leurs propres conseils de direction.

La notion de participation collaborative à la gouvernance, elle, se rapporte à de nouvelles approches de gouvernance partagée entre gouvernement, promoteurs et communautés autochtones. Elle exige des échanges précoces avec les communautés autochtones et une bonne compréhension de leurs diverses structures de gouvernance et lois, qui peuvent orienter les décisions d'une nation et son approche de partenariat privilégiée.

Par exemple, l'équipe du projet de la ligne de transport Waasigan d'Hydro One comprend un représentant du Gwayakocchigewin Limited Partnership (GLP), une coalition de huit Premières Nations. Le GLP réunit huit des neuf communautés des Premières Nations qui ont signé un partenariat sur la ligne avec Hydro One prévoyant une participation de 50 % au capital. Un membre de l'équipe de GLP est désigné membre permanent de l'équipe du projet Waasigan d'Hydro One. Cette personne joue un rôle clé lors des réunions internes d'Hydro One; elle contribue au bon déroulement du projet et organise les réunions avec GLP, les communautés membres et le public. Des structures de gouvernance de projet comme celle-ci offrent le potentiel d'une transparence accrue ainsi que de l'amélioration des communications et de la compréhension entre partenaires au projet.

Les enseignements potentiels émanant d'autres secteurs pourraient se révéler utiles pour mener à la prise en compte de diverses approches améliorant la participation autochtone à l'économie fondée sur l'énergie propre. Le Wabun Tribal Council est au service de six Premières Nations de la région de Timmins. En 2016, il a élaboré une politique visant à favoriser une participation significative des Premières Nations à l'exploration minière et à d'exploitation minière. Reposant sur plusieurs accords d'exploration, d'analyse des risques et avantages et d'exploitation, le modèle Wabun d'exploitation des ressources vise à établir des relations significatives avec l'industrie minière. Le Conseil a joué un rôle clé dans la planification régionale et l'élaboration de politique.

Il a signé plus de 55 protocoles d'entente (PE) avec diverses sociétés minières ou exploitantes de ressources. Ces ententes sont négociées sur la base d'un modèle standard, où les promoteurs prennent l'engagement à offrir une rémunération des Premières Nations pour financer la compensation des répercussions, des occasions d'affaires, des emplois et de la formation, la création d'un comité d'aînés et de détenteurs de connaissances, de l'aide pour les diverses études (archéologiques, examen par les pairs, etc.) qui pourraient se révéler nécessaires, l'engagement à mener des négociations d'ERA dans l'éventualité de l'ouverture d'une mine et le financement des négociations. Les ententes établissent un cadre d'échanges et de consultation, ainsi que la possibilité de collaborer au processus et à la structure de gouvernance.

Comme il a été mentionné plus tôt, la Manito Aki Inakonigaawin, ou Grande loi de la Terre du Grand conseil du Traité no 3, jette un pont important entre les droits et responsabilités applicables au territoire du Traité no 3, d'une part, et les lois et politiques, d'autre part, qui ont une incidence sur le secteur de l'énergie en Ontario. Ce genre de loi du Traité no 3 est souvent millénaire et traite aussi bien des affaires internes qu'externes; elle offre la chance au gouvernement de collaborer de plus près avec les communautés autochtones à l'harmonisation des leurs intérêts avec ceux des promoteurs.

Toute création ou installation d'une entité de planification énergétique devrait inclure une représentation autochtone pour assurer la prise en compte des perspectives des Premières Nations à toutes les étapes de la planification. La création d'une nouvelle entité de planification est également l'occasion d'expérimenter des approches de gouvernance collaborative avec les communautés autochtones.

Recommandations

Le Comité a formulé quatre recommandations fondamentales pour favoriser une participation significative des Autochtones en tant que partenaires dans l'économie fondée sur l'énergie propre. Plusieurs autres recommandations figurant dans le présent rapport décrivent des mesures visant à soutenir les communautés autochtones et à leur permettre de participer activement. La liste complète des recommandations figure à la fin du présent rapport.

Recommandation 19 : Le gouvernement devrait chercher à favoriser une participation significative des Autochtones à l'économie fondée sur une énergie propre au moyen d'initiatives cohérentes et d'envergure visant à accroître leurs capacités, notamment :

  1. Élaboration et développement d'initiatives d'augmentation des capacités pilotées par les Autochtones et leurs communautés
  2. Financement stable et flexible afin de rendre possible une participation significative des Autochtones dans les échanges et consultations avec le Ministère et les promoteurs sur la planification énergétique et l'élaboration de projets.
  3. Montée en puissance du programme de soutien énergétique pour les Autochtones de la SIERE (notamment par une hausse du budget global, un financement accru des champions en énergie désignés, des aides complémentaires pour la communauté et un régime d'exécution de programme flexible).
  4. Des ressources d'apprentissage sur-mesure et accessibles pour améliorer la compréhension du système d'énergie en pleine évolution de l'Ontario, et pour accroître la participation des Autochtones à la planification énergétique communautaire, régionale et provinciale ainsi qu'aux discussions de planification technique.

Recommandation 20 : Le gouvernement devrait œuvrer à la réconciliation économique en offrant des modèles et mécanismes de financement flexibles qui encouragent la prise en charge par les Autochtones de projets énergétiques de petite, moyenne ou grande envergure. Par exemple :

  1. Expansion du Programme de garanties d'emprunt pour les Autochtones et élaboration d'autres programmes, après évaluation des éventuels obstacles à l'accès aux programmes.
  2. Possibilités de mise en commun du financement et de négociation d'ententes de partage des coûts, quand la chose est possible, avec le gouvernement fédéral et les autres gouvernements provinciaux, selon le cas.
  3. Étudier la possibilité de mettre à l'essai des instruments ou mécanismes de financement flexibles d'un genre nouveau, tels que des obligations thématiques sur la valeur pour les Autochtones.
  4. Examiner les cadres de gestion des organismes actuels du secteur de l'énergie, dont la réglementation et les politiques d'approvisionnement, pour déceler les occasions d'accroître la flexibilité et d'encourager la prise de participation au capital par les Autochtones.

Recommandation 21 : Afin d'accroître la participation à un processus de gouvernance intégré, le gouvernement devrait modifier le mandat des SIERE et CEO pour exiger une représentation autochtone au conseil d'administration.

Recommandation 22 : Le ministère de l'Énergie devrait examiner ses ressources actuelles pour renforcer sa capacité à répondre à la demande du processus d'électrification et de transition énergétique, notamment :

  1. Affectation de ressources suffisantes à l'Unité des politiques en matière d'énergie pour les Autochtones pour assurer une approche proactive et l'intensification des prises de contact et des consultations avec les communautés autochtones.
  2. Maintien d'une équipe stratégique et juridique dédiée pour appuyer les activités précoces de prise de contact et de consultations des communautés autochtones, qui consistent notamment à : 
    • Répondre et remédier aux préoccupations des communautés.
    • Comprendre la portée des efforts de prise de contact et des consultations.
    • Identifier les communautés concernées par les échanges et les consultations.
    • Déléguer les aspects procéduraux des consultations, s'il y a lieu.
    • Veiller à ce que le Ministère s'acquitte avec assiduité de ses obligations constitutionnelles de consultation.

Notes en bas de page