Innovation énergétique et développement économique

Depuis plus d'un siècle, un approvisionnement abordable et fiable en énergie a joué un rôle crucial pour attirer les investissements et alimenter la croissance de l'économie ontarienne. Aujourd'hui, la capacité de l'Ontario à fournir une électricité parmi les plus propres au monde représente une occasion non négligeable de renforcer la prospérité de la province. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la décarbonisation mondiale nécessitera un triplement des investissements annuels dans les énergies propres, qui atteindront environ 4 000 milliards de dollars d'ici à 2030. L'industrie et l'économie de l'énergie en Ontario sont bien positionnées pour tirer parti de cette transition mondiale et capter les bénéfices qu'elle promet en matière de développement économique et de croissance des exportations. En offrant une énergie abondante, propre, abordable et fiable, l'Ontario peut attirer des investissements prospectifs et assurer la croissance de son économie tout en répondant aux besoins en énergie de la population.

Le Comité a recueilli un large éventail de perspectives sur la façon d'aborder le développement économique, la technologie et l'innovation. Il a notamment été proposé de chercher à maximiser la valeur et l'efficience financière, les avantages économiques et le potentiel de décarbonisation, en s'adossant à des partenariats autochtones et à l'acceptation communautaire. Les personnes interrogées ont également souligné le besoin d'améliorer le cadre politique et réglementaire, ainsi que les défis et les possibilités des marchés dans le soutien à la transition relative à l'électrification et à l'énergie. D'autres intervenants ont fait valoir au Comité l'importance d'une approche technologiquement agnostique, ciblée sur l'objectif de l'économie fondée sur l'énergie propre.

Les participants à la consultation ont également insisté sur le besoin d'une collaboration significative et de partenariats avec les communautés autochtones. Comme il a été remarqué tout au long de ce rapport, la mise en place d'une économie fondée sur l'énergie propre nécessite la réalisation de projets sur des territoires traditionnels. La réalisation d'objectifs à long terme pour le secteur des affaires, pour le développement durable et pour les collectivités – tout comme notre progression sur le chemin de la réconciliation – nécessitera de solides relations avec les partenaires autochtones.

Le Comité s'est également fait dire que les questions liées à l'offre de main-d'œuvre sont d'une importance cruciale dans presque tous les secteurs d'activité en cette période de transition. Ces questions se situent hors du champ de compétence du Comité, qui se gardera de formuler des recommandations détaillées à cet égard. Retenons qu'il sera essentiel de développer une réserve adéquate de main-d'œuvre qualifiée pour mener l'électrification à une cadence et une échelle suffisantes et pour réaliser une économie fondée sur l'énergie propre. Le Comité exhorte le gouvernement, les fournisseurs d'énergie et l'ensemble du secteur à travailler main dans la main pour arrêter une stratégie à long terme en matière de main-d'œuvre dans le contexte de la transition relative à l'électrification et à l'énergie. La création proposée d'un conseil consultatif sur la transition énergétique contribuerait à éclairer ces délibérations, grâce à des missions et des études ciblées.

Favoriser la croissance économique

Le secteur de l'énergie de l'Ontario jouera un rôle fondamental dans la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre. La principale préoccupation du secteur doit être d'attirer les investissements prospectifs en offrant une énergie propre, abordable et fiable. Le secteur peut ainsi devenir le catalyseur d'une prospérité croissante et de la mise en place d'une économie dynamique. Il peut également jeter un pont entre les objectifs sociaux et économiques du développement économique en associant la nécessité absolue de parvenir à une véritable réconciliation avec les communautés autochtones. Une collaboration étroite avec des partenaires autochtones conditionnera une croissance économique panprovinciale et contribuera à une vision intégrée d'un développement économique qui maximise non seulement la compétitivité, mais aussi la santé socio-économique et le bien-être à long terme de toute la population de l'Ontario.

Par ailleurs, une chance unique s'offre au secteur de l'énergie de devenir lui-même un moteur de croissance économique dans la province. On estime que la réalisation de l'économie fondée sur l'énergie propre en Ontario nécessitera de doubler au moins la capacité totale de production d'électricité. L'indispensable développement de l'infrastructure qu'implique un tel accroissement des capacités ainsi que le créneau ouvert aux solutions innovantes dans une économie décarbonée représentent des occasions d'investissement à grande échelle et de développement économique. L'Ontario se trouve devant l'impossibilité de se positionner comme un chef de file des technologies confirmées et émergentes telles que les centrales nucléaires classiques et les petits réacteurs modulaires (PRM), le stockage de l'énergie, l'hydrogène, la captation, l'utilisation et le stockage du carbone, la modernisation du réseau et d'autres solutions qui seront essentielles à la décarbonisation globale.

Un héritage d'abordabilité et de fiabilité

Le faible coût et la fiabilité de l'approvisionnement en énergie sont reconnus de longue date comme deux facteurs déterminants de la compétitivité d'une économie. Les entreprises doivent pouvoir compter sur un approvisionnement abondant en électricité à prix raisonnable. Toute incertitude quant à cet intrant critique fait peser une lourde menace sur l'investissement et la croissance, surtout dans les secteurs industriels intenses en énergie. L'abordabilité et la fiabilité sont les piliers du développement du secteur de l'énergie et leur importance n'est pas appelée à diminuer. En particulier, en raison de l'électrification des services de transport et de chauffage et de la prolifération d'appareils numériques intelligents dans toutes les facettes de la vie des Ontariens – travail, vie quotidienne et divertissement –, la fiabilité de l'approvisionnement est plus importante que jamais. Devant la multiplication des événements météorologiques extrêmes découlant du changement climatique, le secteur de l'énergie doit travailler à sa fiabilité et à sa résilience.

L'un des facteurs clés pour attirer les investissements et ouvrir la porte au développement économique est l'accès à de l'énergie au bon endroit et au bon moment. Dans le contexte de la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre, l'équilibre risque-rendement entre la réalisation proactive d'une infrastructure énergétique et la planification réactive de l'approvisionnement énergétique a changé. La planification énergétique doit adopter une approche proactive visant à assurer la disponibilité immédiate d'un approvisionnement adéquat, abordable et fiable, ce afin d'appuyer les projets de développement économique et attirer l'investissement. Un moyen d'y parvenir est d'améliorer et de renforcer les mécanismes existants permettant une coordination active entre les ministères chargés de l'énergie et du développement économique pour prévoir la demande sur le plan géographique et temporel, afin d'orienter l'investissement vers des sites adaptés qui assureront une un raccordement en temps opportun et efficace sur le plan des coûts.

Il s'agit également de gagner en efficacité dans les processus de planification, d'attribution de permis et d'approbation relativement aux projets d'énergie propre. De nombreux ressorts territoriaux en Amérique du Nord et dans le monde sont actuellement aux prises avec le défi de simplifier et d'accélérer le développement et la réalisation de l'infrastructure énergétique. Dans une étude publiée dernièrement, l'AIE démontre l'importance cruciale de l'amélioration et de l'extension du réseau d'électricité pour atteindre les cibles d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour assurer la sécurité énergétique ainsi qu'une transition efficace sur le plan des coûts. L'Ontario ne fait pas exception. Le Comité a recueilli des commentaires sur le manque de clarté, de prévisibilité et de rapidité du processus réglementaire d'attribution de permis, autant de problèmes qui créent de l'incertitude pour les investisseurs. Les participants ont souligné le besoin de simplifier davantage les processus de délivrance de permis, de pair avec une meilleure séparation et harmonisation des compétences fédérales et provinciales, afin d'éviter les doublons et les processus qui traînent en longueur. Dans son rapport Étude sur les voies de la décarbonisation, la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité (SIERE) énonce l'importance de simplifier et de provisionner adéquatement les processus de réglementation et d'autorisation, pour accélérer la planification, la délivrance de permis et la localisation des nouveaux projets d'infrastructure énergétique. L'accélération de ce processus se traduit par un besoin flagrant de favoriser la décarbonisation. Il sera essentiel de planifier proactivement le développement de l'infrastructure énergétique, d'assurer la clarté et la prévisibilité des exigences réglementaires et d'octroyer les autorisations le plus rapidement possible pour assurer la disponibilité d'une énergie propre, fiable et abordable aux investisseurs potentiels.

Vers un système d'énergie propre et durable pour renforcer la compétitivité

Outre l'abordabilité et la fiabilité, la durabilité de l'approvisionnement en énergie est en train de s'imposer comme un facteur d'importance pour la compétitivité économique. Dans tous les secteurs, les entreprises s'inquiètent de la continuité de leur activité dans un monde menacé par les répercussions physiques du changement climatique. L'électricité propre et une feuille de route claire vers une économie énergétique propre et résiliente deviennent des facteurs concurrentiels additionnels pour les entreprises et des arguments clés pour attirer de nouveaux investissements.

Les industriels s'intéressent de plus près aux émissions intrinsèques de leur appareil de production, surtout dans les gammes de produits émergentes qui constituent des marchés fortement concurrentiels à l'échelle mondiale tels que l'hydrogène, l'acier et l'aluminium verts et les véhicules zéro émissions ainsi que leurs batteries, entre autres. Par exemple, le constructeur automobile allemand Volkswagen a cité électricité propre, abondante et abordable de l'Ontario comme un facteur clé pour avoir choisi la province comme lieu d'implantation de son usine de batteries de véhicules de sept milliards de dollars.

Des intervenants – surtout de l'industrie lourde – consultés par le Comité ont affirmé qu'en plus de gaz naturel abordable, un approvisionnement abondant en électricité propre devient un facteur critique de la décarbonisation, qui permet de retenir l'industrie et préserver la compétitivité face à l'émergence croissante de mesures environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).

Les États-Unis et l'union européenne, deux des principaux partenaires commerciaux de l'Ontario, évoluent vers une réglementation de plus en plus draconienne sur les obligations déclaratives en matière de durabilité, pour contraindre les sociétés à déclarer leurs risques liés au climat et leurs répercussions potentielles sur leurs performances financières. Les États-Unis, l'Union européenne et le gouvernement fédéral canadien sont également en train de mettre en œuvre ou d'étudier des mécanismes transfrontaliers de compensation du prix différentiel du carbone en fixant le prix des émissions de carbone intrinsèques de la production des produits importés.

Dans le futur environnement d'ajustements à la frontière pour le carbone et de strictes exigences déclaratives en matière de durabilité pour les entreprises, la perspective d'une réduction de l'intensité carbone des procédés de fabrication en offrant une électricité propre et abondante se traduira par un avantage concurrentiel crucial. En veillant à ce que l'Ontario dispose d'un approvisionnement abondant en électricité propre, fourni en temps voulu grâce à une planification proactive, le secteur de l'énergie pourrait jeter les bases de la croissance économique future.

Enfin, les intérêts des peuples autochtones sont nettement en phase avec les perspectives ESG. À mesure qu'augmente le poids de l'ESG dans le processus décisionnel des entreprises, les perspectives autochtones devraient être prises en compte dans tous les piliers de l'ESG. Comme il a été décrit à la section 4, gouvernement devrait œuvrer à la réconciliation économique en offrant des modèles et mécanismes de financement flexibles qui encouragent la prise en charge par les Autochtones de projets énergétiques.

Recommandation 23 : Conscient du rôle clé d'une énergie propre, fiable et abordable dans le développement d'industries concurrentielles à l'international et orientées vers l'avenir, le Ministère devrait :

  1. Dans la planification, l'élaboration de politiques et les orientations données à la SIERE et la Commission de l'énergie de l'Ontario (CEO), prendre en considération le fait que, devant l'accélération de l'électrification et de la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre, l'équilibre risque-rendement entre la réalisation proactive d'une infrastructure énergétique et la planification réactive de l'approvisionnement énergétique a changé.
  2. Voir à ce que les processus de planification, délivrance de permis et d'autorisation soient clairs, prévisibles, efficaces et efficients et mènent à l'accélération des décisions et de la phase de développement des projets avec le soutien des communautés locales et autochtones. S'associer à d'autres ordres de gouvernement au besoin pour poursuivre cet objectif, comme il est évoqué à la recommandation 3.
  3. Définir les nouvelles chaînes de valeurs de l'énergie propre, encourager la profondeur sectorielle de l'énergie à l'échelle locale, et donner un coup d'envoi stratégique à l'innovation en matière d'énergie.

Recommandation 20 : Le gouvernement devrait œuvrer à la réconciliation économique en offrant des modèles et mécanismes de financement flexibles qui encouragent la prise en charge par les Autochtones de projets de petite, moyenne ou grande envergure. Par exemple :

  1. Expansion du Programme de garanties d'emprunt pour les Autochtones et élaboration d'autres programmes, après évaluation des éventuels obstacles à l'accès aux programmes.
  2. Possibilités de mise en commun du financement et de négociation d'ententes de partage des coûts, quand la chose est possible, avec le gouvernement fédéral et les autres gouvernements provinciaux, selon le cas.
  3. Possibilités de mettre à l'essai des instruments ou mécanismes de financement flexibles d'un genre nouveau, tels que des obligations thématiques sur la valeur pour les Autochtones.
  4. Examen des cadres de gestion des organismes actuels du secteur de l'énergie, dont la réglementation et les politiques d'approvisionnement, pour déceler les occasions d'accroître la flexibilité et d'encourager la prise de participation au capital par les Autochtones.

Innovation et possibilités stratégiques

Le Comité estime que le secteur de l'énergie peut potentiellement accomplir beaucoup plus que simplement favoriser la croissance économique. Il peut agir comme le catalyseur de la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre, en maximisant du même coup la prospérité de l'Ontario. La province se trouve quant à elle devant une occasion de donner une impulsion à l'innovation et à la croissance en appuyant le développement des technologies d'énergie propre. Le soutien stratégique des technologies d'énergie novatrices peut tirer parti des atouts actuels de l'Ontario et contribuer à faire monter en puissance les entreprises innovantes afin de positionner la province dans les chaînes de valeur de l'économie fondée sur l'énergie propre et d'attirer les investissements futurs.

Une transition économique d'une telle échelle exige un cadre stratégique ciblé, que le gouvernement pourrait trouver dans l'objectif d'une économie fondée sur l'énergie propre. D'autres gouvernements ont eu recours à une politique axée sur la mission pour mobiliser les divers acteurs autour de défis ou objectifs communs aussi ambitieux que celui-ci. Le programme Apollon des États-Unis et le projet Energy Breakthrough du gouvernement de l'Alberta, qui visait à développer la technologie d'extraction in situ des sables pétrolifères dans les années 1970, sont des exemples de cadres stratégiques qui ont réalisé leur mission fondamentale et qui ont mené à d'importants débouchés techniques et économiques.

Une politique industrielle axée sur la mission, comme le nom l'indique, s'articule autour d'une mission donnée – ici la réalisation d'une économie fondée sur l'énergie propre – pour stimuler l'activité du secteur privé en ciblant ses attentes sur des occasions de croissance précises. Avec une telle approche, le gouvernement crée de la valeur en coordonnant les ressources, les acteurs et les institutions autour d'un objectif commun, afin d'accélérer les rapprochements qui autrement seraient trop lents et trop mal coordonnés pour permettre d'atteindre la rapidité et l'intensité voulues pour opérer un changement économique et technologique mondial.

Le Comité a consulté des intervenants de l'Ontario qui sont bien positionnés pour saisir plusieurs occasions économiques industrielles liées au secteur de l'énergie, à savoir :

  • Possibilité de développer le réseau d'énergie propre par la mise en œuvre de centrales nucléaires et hydroélectriques, de ressources énergétiques décentralisées et d'installations de stockage de l'énergie.
  • Possibilité d'implanter les industries éoliennes et solaires et de mettre en place leurs chaînes d'approvisionnement, de créer les conditions permettant des économies d'échelle et de remplacer les importations.
  • Possibilité de valoriser les gisements minéraux Nord et du Nord-Ouest en s'associant à des partenaires autochtones et en mettant en place un solide approvisionnement en électricité dans la région grâce au raccordement au réseau de masse et au développement des énergies renouvelables.
  • Production de biocarburants et de carburants renouvelables pour répondre à la demande nationale et pour réduire les risques en matière de sécurité de l'approvisionnement en carburant et de l'emploi.
  • Possibilité de démonstration et de déploiement de technologies contribuant à concrétiser des occasions d'investissement et de développement industriel, par exemple, par l'établissement de carrefours de l'hydrogène dans des régions telles que Sarnia-Lambton, Hamilton et Durham, ou d'installations de captation, d'utilisation et de stockage du carbone dans les secteurs où la réduction des émissions est difficile à réaliser.

Les innovations nécessaires à la décarbonisation mondiale sont parfois des valeurs sûres, parfois des paris risqués en matière de développement technologique et d'application. D'après le rapport de Vers un Canada carboneutre (2021) de l'Institut climatique du Canada, des valeurs sûres sont les solutions qui reposent sur des technologies commerciales déjà utilisées, ne présentent aucun obstacle majeur à un déploiement rapide à grande échelle et devraient raisonnablement voir leurs coûts continuer à baisser. À l'inverse, les paris risqués sont des solutions qui peuvent jouer un rôle important dans l'atteinte des objectifs, mais qui n'ont pas encore fait leurs preuves parce qu'elles en sont au premier stade de leur cycle de développement. La réalisation d'une économie fondée sur l'énergie propre nécessitera à la fois des valeurs sûres et des paris risqués. Pour l'Ontario, les améliorations de technologies existantes comme les innovations radicales sont autant d'occasions à saisir dans le domaine de l'énergie propre.

Le Comité ne s'estime pas compétent pour recommander les pistes qui seraient les plus avantageuses pour la province ou qui devaient près bénéficier d'un soutien ciblé du gouvernement. Aidé par une analyse prospective rigoureuse, le gouvernement est bien placé pour définir les dimensions économiques, sociales, environnementales et politiques de ces possibilités.

Le Comité estime que le ciblage stratégique des occasions de croissance dans le secteur de l'énergie – vu comme un catalyseur pour attirer des investissements axés sur l'avenir – représente la meilleure occasion qui soit de maximiser les avantages de la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre. Une vision commune du développement de ce secteur stratégique aiderait à coordonner la stratégie industrielle et donnerait les moyens à l'Ontario – petite économie dans le système économique mondial – à trouver les créneaux stratégiques où il pourra évoluer. Une grande partie du travail devrait consister à tirer parti des atouts existants tout en s'engageant prudemment dans le développement de nouvelles capacités.

Un bon exemple serait le soutien continu de la province au développement de la technologie des petits réacteurs modulaires (PRM). Ce soutien aux PRM offre aux entreprises de l'Ontario l'occasion de se positionner dans la prestation de matériel nucléaire et de services de maintenance. Ces nouvelles affaires servent ensuite de catalyseur à des investissements additionnels pour étendre les activités et desservir le marché croissant des PRM, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Ainsi, le soutien stratégique visant des occasions économiques et industrielles précises peut aider l'Ontario à se tailler une place dans l'économie mondiale de l'énergie propre.

L'Ontario peut pousser plus loin l'exploitation de ces débouchés par diverses initiatives, notamment le protocole d'entente de coopération économique récemment signé avec le Michigan pour appuyer des initiatives communes dans des domaines prioritaires tels que les véhicules électriques et les chaînes d'approvisionnement connexes, ou encore, la stratégie élargie en faveur des échanges qui se concrétise dans la recherche d'ententes stratégiques en matière d'investissement et d'approvisionnement avec les États américains.

D'autres gouvernements travaillent à définir les cibles prioritaires pour le financement des technologies et de l'innovation visant à soutenir la croissance de l'économie fondée sur l'énergie propre. Le Net Zero Innovation Portfolio du Royaume-Uni, de la BC Net Zero Innovation Network et le California Testbed Initiative de la Commission de l'énergie de la Californie sont des exemples de programmes conçus pour soutenir stratégiquement le développement et la commercialisation de technologies d'énergie propre.

Le Comité a recueilli les préoccupations d'intervenants des industries exposées aux échanges extérieurs, qui subiraient des perturbations importantes si le Canada et l'Ontario ne suivaient pas la cadence d'autres gouvernements en ce qui concerne les mesures d'encouragement du développement technologique et économique de l'énergie propre. Ils ont notamment cité la loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA), qui fait appel à des crédits d'impôt, des garanties de prêts et de subventions pour donner le coup d'envoi au développement des industries de fabrication vertes et au déploiement à grande échelle des innovations vertes.

La critique qu'on oppose depuis longtemps à ce genre de politique industrielle est qu'elle revient à une sélection « des gagnants et des perdants » par les gouvernements. Il est vrai que des interventions gouvernementales malavisées sur des marchés qui relèvent du secteur privé peuvent aboutir à des résultats inefficaces et des mesures d'encouragement aux effets indésirables. Toutefois, ce ne devrait pas être une raison pour renoncer à la pensée stratégique critique et aux investissements qui sont nécessaires pour suivre la tendance mondiale actuelle. Une stratégie industrielle axée sur l'avenir, assortie d'une vision intégrée à long terme du développement des marchés futurs, est essentielle pour se doter des atouts sectoriels profonds et des chaînes de valeur matures qui feront en sorte que l'Ontario tire son épingle du jeu dans l'économie verte mondiale émergente.

Dans le secteur de l'énergie, en particulier, l'Ontario se trouve devant l'occasion de soutenir des innovations qui tirent parti des atouts existants et des actifs régionaux et positionnent la province comme un joueur incontournable dans les chaînes de valeur de l'économie verte mondiale. L'Ontario devra adopter une approche mesurée et réaliste qui se concentre sur les domaines où la province a déjà acquis une certaine expertise et dispose d'avantages concurrentiels confirmés par rapport à d'autres gouvernements, par exemple la technologie nucléaire, la modernisation du réseau de distribution et la numérisation.

Ce ciblage stratégique sera essentiel. L'Institut pour l'intélliProspérité, l'Accélérateur de transition et le Pacific Institute for Climate Solutions ont produit une étude sur le rôle crucial de la stratégie et de la pensée prospective connaître le succès dans l'économie fondée sur l'énergie propre. En tant qu'économie relativement petite et axée sur le commerce, l'Ontario n'a qu'une capacité limitée à influer sur les chaînes de valeur mondiales matures, surtout celles qui sont d'ores et déjà dominées par des acteurs économiques majeurs. Même dans les industries émergentes, le maintien d'un avantage concurrentiel peut se révéler difficile avec des technologies et des produits ayant potentiellement un marché mondial de masse. Pour être compétitif dans l'économie future axée sur l'énergie propre, l'Ontario doit se montrer plus volontariste dans le ciblage des secteurs de croissance qui offrent des occasions d'avantages concurrentiels à long terme, lesquels reposent souvent sur des atouts existants. Sans cette vision stratégique, la province court le risque de réaliser des dépenses et des investissements non coordonnés qui n'aboutiront pas à des atouts sectoriels tangibles.

Dans leur analyse des débouchés stratégiques pour le Canada en matière de croissance économique verte, l'Institut pour l'intélliProspérité et ses collaborateurs ont défini les principaux paramètres qui permettent d'évaluer les occasions qui s'offrent au pays dans la future économie fondée sur l'énergie propre. Il s'agit notamment de la possibilité d'acquérir de conserver un avantage à long terme sur le plan des coûts grâce à la disponibilité des ressources naturelles et des intrants en amont, la probabilité de se profiter d'avantages grâce à l'innovation, enfin, le potentiel commercial du produit dans un monde décarboné. Le maintien de cette vision stratégique permettra à l'Ontario de mieux cibler les secteurs de croissance potentielle, en tirant parti des secteurs où la province détient déjà des atouts déterminants.

Cette stratégie exigera de la part de l'Ontario d'effectuer une analyse minutieuse afin de déterminer quels investissements seraient les plus avantageux pour accroître la compétitivité de la province dans une économie fondée sur l'énergie propre. L'exécution d'une telle stratégie nécessitera également l'harmonisation des politiques avec les priorités clés du développement économique et énergétique et la collaboration avec le gouvernement fédéral et les autres provinces, comme il est mentionné à la section 5.

Recommandation 24 : Avec l'engagement d'une économie fondée sur l'énergie propre en ligne de mire, le gouvernement devrait envisager une approche axée sur la mission pour définir la mission stratégie industrielle qui s'appliquera à l'ensemble de l'économie. Une telle approche stratégique pourrait guider les efforts du gouvernement et mobiliser les acteurs du secteur privé, y compris des finances, pour développer et faire gagner en puissance les principaux secteurs économiques qui serviront de piliers à la future économie fondée sur l'énergie propre, tout en faisant une utilisation avisée des ressources disponibles. Il s'agirait de tirer parti des grappes régionales et des atouts de divers secteurs industriels, afin de positionner l'Ontario comme acteur clé dans des chaînes de valeurs choisies de l'économie verte mondiale.

Dans le secteur de l'énergie, le gouvernement devrait réfléchir aux technologies et secteurs existants et émergents qui sont susceptibles de jouer un rôle essentiel dans la future économie fondée sur l'énergie propre et où l'Ontario peut conserver ou acquérir des avantages concurrentiels à terme. Il faudra pour cela procéder à une évaluation réaliste des atouts existants et émergents ainsi que du potentiel technologique et économique. L'étude actuelle sur les filières énergétiques rentables menée pour le compte de la province pourra contribuer à alimenter ces évaluations.

Mécanismes de financement de la transition énergétique

Le Comité a recueilli les divers mécanismes de financement – encouragements fiscaux, subventions, assiette tarifaire et financement privé – à prévoir pour réaliser les investissements nécessaires à la mise en place d'une économie fondée sur l'énergie propre.

Le Comité estime qu'il ne faut pas s'attendre à ce que les abonnés de l'électricité soient les seuls à financer la transition énergétique en Ontario. Une économie fondée sur une énergie propre constitue un objectif collectif qui apportera d'importants avantages sociaux, environnementaux et économiques, non seulement pour les abonnés de l'électricité, mais pour tous les Ontariens. La transformation exigera des investissements ne profitant pas uniquement, ni principalement, aux payeurs de tarifs et l'ampleur des investissements nécessaires dépasserait largement les capacités de l'assiette tarifaire. C'est d'autant plus vrai dans le cas où des investissements sont réalisés dans le secteur de l'énergie pour appuyer le développement économique et la décarbonisation.

Un exemple serait l'extension proposée de l'infrastructure de transport de l'électricité pour permettre l'électrification d'aciéries et de sites d'extraction de minéraux d'importance critique dans le Nord ontarien. Ces projets sont essentiels pour soutenir le développement économique dans les secteurs de l'économie fondée sur l'énergie propre d'importance stratégique, ainsi que pour contribuer au développement économique régional, à la décarbonisation et à la réconciliation économique avec les communautés autochtones. Leurs avantages sont également d'ordre social et économique, justifiant ainsi le transfert potentiel d'une partie des coûts de l'assiette tarifaire à l'assiette fiscale.

Recommandation 25 : Le gouvernement devrait établir clairement une vision stratégique du mode de financement de la transition relative à l'électrification et à l'énergie, en procédant notamment à une évaluation réaliste des effets sur le mode de distribution des choix de financement sur différents groupes. Il devrait envisager et utiliser un large éventail d'options et de mécanismes de financement, dont le financement par l'assiette fiscale ou par l'assiette tarifaire, l'offre de subventions et de crédits d'impôt pour stimuler l'investissement, ainsi que l'obligation d'une participation du privé au financement dans la mesure du possible, éventuellement avec contrepartie de la province. Il devrait également chercher autant que possible à tirer parti de sources fédérales et municipales de financement.

Le principe directeur devrait être de faire payer le bénéficiaire, entendu que la définition de bénéficiaire est assez large dans le contexte de la transition énergétique. Si les développements et les investissements liés à la transition relative à l'électrification et à l'énergie ne profitent qu'au seul système d'approvisionnement en électricité et à ses abonnés de l'électricité, c'est à ces derniers qu'il reviendra de supporter les coûts. Mais si on s'attend à ce que la transition relative à l'électrification et à l'énergie apporte des avantages économiques, transitionnels et sociaux d'une portée beaucoup plus large pour la province, le gouvernement devra transférer une partie des coûts à l'assiette fiscale et offrir plus de clarté aux entités du secteur sur la façon d'intégrer ce mode opératoire dans la planification et la prise de décisions.

La province devrait élaborer sa vision stratégique avec rigueur et transparence dans la comptabilisation des coûts, des avantages et des effets sur la distribution à prévoir.