Notre vision

  • Les connaissances et le dialogue sur la santé mentale augmentent.
  • La stigmatisation associée à la santé mentale diminue.
  • La disponibilité et la facilité d'accès à des services crédibles, utiles et adaptés pour favoriser le bien-être mental sont accrues.

Une approche holistique pour aborder un problème complexe

La santé mentale est un sujet difficile pour le grand public. C'est un sujet pétri de stigmatisation, de manque de compréhension et d'options de traitement opaques. C'est un sujet d'autant plus difficile dans les milieux policiers, où ce que les gens vivent au travail peut être plus intense et où la structure organisationnelle n'est souvent pas bien conçue pour offrir de l'aide.

La santé mentale est difficile à comprendre — la relation de cause à effet n'est pas nécessairement claire, comme dans le cas d'une jambe brisée. C'est un enchevêtrement complexe d'attributs personnels et d'expériences de vie qui se manifeste différemment chez chaque personne. En tant que société, nous avons encore du chemin à faire pour comprendre la santé mentale. Par conséquent, nous n'avons pas toujours un langage ou des attitudes utiles en ce qui concerne la santé mentale.

En tant que société, les services que nous offrons aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale sont complexes, inadéquats et décousus. Il en est de même dans la Police provinciale — il n'y a pas de train parfait de mesures ni un éventail parfait de ressources pour les membres qui connaissent des difficultés de santé mentale.

« Il devient lassant de recevoir des dépliants chaque fois qu'il y a un incident. C'est toujours le même dépliant et on dirait que c'est pour la forme, qu'on les distribue simplement pour dire qu'on l'a fait. » Membre de la Police provinciale

Nos discussions avec les membres de la Police provinciale et les écrits à ce sujet font clairement ressortir que la réaction de l'organisation lorsque les membres vivent une crise a une grande influence sur leurs chances de se rétablir. En d'autres mots, la façon dont l'organisation réagit — en fournissant des services crédibles offerts par des experts, et selon que les pairs sont une source de soutien ou de stigmatisation — peut soit aider la personne, soit lui causer d'autres traumatismesfootnote 1.

Des études ont démontré que les coûts associés aux troubles de santé mentale sont plus élevés que ceux associés aux handicaps physiques et sept fois plus susceptibles de réapparaître. Les raisons invoquées pour expliquer ces coûts sont les suivantes :

  • la chronicité des troubles mentaux
  • le taux élevé de rechute
  • l'accent plus important sur les symptômes plutôt que sur le niveau de fonctionnement
  • les difficultés liées aux mesures d'adaptation au travail
  • les difficultés cognitives ayant une incidence sur le fonctionnement et les initiatives de retour au travail
  • la stigmatisation
  • la difficulté d'obtenir des traitements fondés sur des données probantes
  • les retards dans l'obtention des traitements
  • un soutien limité lors du retour au travailfootnote 2

Le Comité a été encouragé de constater que la direction se concentre sur la nécessité d'apporter des changements le plus rapidement possible dans ce domaine, sur le plan tant du langage et des attitudes dans l'organisation en ce qui concerne la santé mentale, que des ressources et des services offerts aux membres et aux familles qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.

La prise de conscience dans l'organisation et l'éventail de ressources et de services offerts doivent tous être des priorités et ils doivent être fournis aux membres dans le cadre d'une approche holistique à la santé mentale. Il incombe à tous les cadres et aux membres d'accroître leurs propres connaissances en santé mentale et d'aider leurs collègues.

Évaluer les services

Le Comité a été informé qu'il n'y a pas eu d'examen des programmes fondé sur des données probantes ni une évaluation des programmes et des services de santé mentale offerts par la Police provinciale. À notre avis, ce devrait être l'une des premières tâches du BSMT.

Nous avons constaté que, parfois, les organisations invoquent le processus d'examen des programmes pour expliquer pourquoi les changements tardent à être apportés. Dans ce cas-ci, nous encourageons la Police provinciale à résister à cette tendance et à apporter les changements immédiats recommandés dans le présent Rapport, le Mental Health Review, l'OPP Suicide Report et le Rapport du comité d’experts du coroner en chef, pendant qu'elle procède également à un examen global.

Établir un langage commun

Comme nous l'avons mentionné, il est nécessaire d'augmenter le dialogue sur la santé mentale afin de réduire la stigmatisation et d'encourager les membres à demander de l'aide. Pour qu'un dialogue soit fructueux, les participants doivent utiliser un langage commun. En effet, l'établissement d'un langage commun sur la santé mentale serait utile pour la mise en œuvre de nombreuses stratégies recommandées dans le présent Rapport, y compris le leadership, la nécessité de montrer l'exemple et la réduction de la stigmatisation.

Le Comité a constaté que la formation offerte par le Collège de police de l'Ontario à toutes les recrues en Ontatio se fonde sur le langage commun établi dans le cadre du programme En route vers la préparation mentale (RVPM). Ce programme, initialement conçu par le ministère fédéral de la Défense nationale, est utilisé dans les forces militaires canadiennes, une source fréquente de nouvelles recrues pour la Police provinciale. La Commission de la santé mentale du Canada a adapté le programme RVPM pour offrir des formations aux employés et aux cadres du milieu policier visant à réduire la stigmatisation et à augmenter la résilience.footnote 3

Bien que le programme RVPM fasse partie des services offerts par l'actuelle Unité des services pour le mieux-être, il ne semble pas jouer un rôle important dans l'établissement d'un langage commun parmi les membres. De nombreux membres ont indiqué qu'ils sont rarement exposés au langage du RVPM au travail et que la formation RVPM offerte à l'interne ne les aide pas vraiment à mettre à profit la formation qu'ils ont reçue au Collège de police de l'Ontario et à l'Académie de la Police provinciale ni à intégrer efficacement cette pratique dans leur vie professionnelle.

Le Comité encourage le BSMT, de concert avec les groupes consultatifs provinciaux et régionaux pour le mieux-être, à explorer les avantages d'utiliser un langage commun dans les discussions sur la santé mentale et d'envisager d'utiliser les outils déjà fournis aux recrues. Ce serait déjà un bon point de départ.

S’orienter dans les options

Le Comité a pu constater qu'il est difficile et complexe de s'y retrouver dans les options et les obligations auxquelles font face les membres qui cherchent à obtenir de l'aide en santé mentale. Les membres ont à maintes reprises indiqué que ce labyrinthe décourage l'utilisation des services. Ce problème est d'autant plus exacerbé lorsque les membres vivent une crise de santé mentale ou lorsqu'ils sont en congé et qu'ils sont isolés des ressources. Cela décourage les membres de demander de l'aide ou de recourir aux ressources appropriées.

Les supérieurs immédiats et les cadres ont également exprimé une frustration compréhensible à l'égard des processus complexes et bureaucratiques. Ils ne se sentent pas en mesure de faire des recommandations utiles aux membres et ont indiqué qu'ils regrettent que leurs interactions avec les membres en congé soient limitées à des conversations liées à la paperasserie qui ne leur permettent pas de leur offrir un soutien humain et authentique.

L'organisation a déjà reconnu que les membres et les cadres ont besoin d'aide pour s'orienter dans les ressources offertes et qu'il faut accroître la crédibilité des services.footnote 4 Le Comité a été heureux de constater les efforts déployés 

par le gouvernement et l'APPO afin d'offrir une prise en charge globale aux membres, y compris de l'aide pour s'orienter dans les services.footnote 5 Lorsque ce sera en place, ce sera un service utile.

Le Comité est d'avis que la Police provinciale, par l'entremise du BSMT, doit fournir ses propres services d'orientation aux membres pour s'acquitter de ses responsabilités en matière de mieux-être. Ce soutien devrait englober toutes les options offertes à tous les membres, y compris celles offertes par les régimes d'assurance existants, les services améliorés susmentionnés et de nombreux autres. Tous les membres et les cadres ont besoin d'une approche « à guichet unique » pour les aider à comprendre les services de santé disponibles et à s'orienter dans les options. Il est crucial que le BSMT offre davantage de ressources d'orientation.

Au moment approprié, la Police provinciale et l'APPO devront travailler ensemble pour s'assurer que leurs services d'orientation se complètent et offrent le meilleur soutien possible aux membres. Compte tenu des intentions positives des deux parties et de la nature du dialogue actuel, le Comité est persuadé que ces efforts seront couronnés de succès.

Puisqu'il y a présentement beaucoup de changements dans la prestation des services en raison du présent Rapport et des autres efforts déployés par la Police provinciale, l'établissement d'un service d'orientation devrait être une priorité immédiate.

Recommandation 5 : Adopter une approche holistique en ce qui concerne les programmes de santé mentale

  1. L'approche relative au développement des connaissances et à l'offre de programmes de santé mentale devrait englober un éventail d'options, notamment des dialogues en personne avec des pairs et des cliniciens qualifiés, des ressources en ligne et des discussions de groupe. Ces options doivent être flexibles et facilement adaptables aux besoins variés et disparates des membres de la province. Il doit être aisé d'accéder à ces options et elles doivent être offertes localement.
  2. Puisque le BSMT sera focalisé sur la santé mentale et le mieux-être, l'organisation devrait procéder à un examen des programmes et évaluer l'efficacité des services de santé mentale actuels, avec le concours du comité provincial consultatif sur le mieux-être. Cependant, cet examen ne devrait pas retarder ou empêcher la prise de mesures immédiates pour améliorer l'accessibilité et la qualité des ressources en santé mentale offertes aux membres, y compris la mise en œuvre des mesures recommandées dans le présent Rapport.
  3. L'approche inculquée à toutes les recrues par l'entremise du programme En route vers la préparation mentale (RVPM) et d'autres programmes répandus visant à accroître les connaissances en santé mentale devrait être régulièrement renforcée et appliquée tout au long de la carrière des membres afin d'établir un langage commun pour discuter de la santé mentale et inciter tous les membres à utiliser ce langage.
  4. L'aide offerte aux membres qui cherchent à obtenir des services de mieux‑être doit comprendre un accès immédiat à une personne qui peut aider le membre à s'orienter parmi les options disponibles. Cette aide devrait être offerte à grande échelle aussi rapidement que possible en attendant que l'organisation apporte des ajustements à certains éléments de la prestation de services pour donner suite au présent Rapport et à d'autres rapports.

Connaissances sur la santé mentale et bilans

En général, le soutien offert pour les problèmes de santé mentale est réactif et consiste à fournir des ressources et des services aux membres qui vivent une crise. Cependant, une approche proactive et axée sur la prévention des problèmes de santé mentale est recommandée.footnote 6 On devrait encourager les membres à s'occuper de leur santé mentale de la même façon qu'ils s'occuperaient de leur santé physique ou dentaire — en se renseignant, en obtenant des soins réguliers et proactifs, en faisant des bilans de santé et en discutant avec des professionnels.

L'un des éléments cruciaux de la prévention est la connaissance. Beaucoup de travail a été effectué auprès de la population générale pour éduquer les gens sur, par exemple, les signes et les symptômes des maladies cardiaques, et la façon de les prévenir et de les traiter. Dans le milieu policier, on offre régulièrement et continuellement des formations sur les aspects du travail qui nécessite des connaissances et des capacités, comme le recours à la force.

« En bout de compte, nous devons éliminer la stigmatisation découlant du fait de demander de l'aide. Ce n'est jamais un signe de faiblesse. C'est en fait un signe de force. Et, surtout,  c'est humain. » Le commissaire James P. O’Neill du NYPD, Rapport du PERF, p. 10 

Le Comité estime que la Police provinciale devrait attacher beaucoup d'importance aux connaissances sur la santé mentale — le mieux-être et la résilience — pour ses membres. Le Comité recommande que les membres suivent, sur une base régulière, récurrente et obligatoire, des formations « en cours d'emploi » sur la santé mentale et qu'il y ait une composante de recertification similaire à celle exigée pour le recours à la force.footnote 7 Le Comité recommande fortement à la Police provinciale de s'assurer que cette formation soit dynamique et intéressante — en donnant la priorité à la formation en personne et non simplement à la formation en ligne ou à l'apprentissage à distance.

En tant que mesure supplémentaire pour favoriser la proactivité en santé mentale, le Comité recommande fortement à la Police provinciale et aux groupes consultatifs provinciaux et régionaux pour le mieux-être de prévoir la réalisation d'un bilan psychologique pour tous les membres sur une base régulière. De plus, le Comité recommande fortement que les membres envisagent de réaliser un bilan psychologique lorsqu'ils prennent leur retraite.footnote 8

En faisant cette recommandation, le Comité a envisagé d'autres options, notamment de recommander la réalisation d'évaluations obligatoires de la santé mentale, ce qui a été recommandé par d'autres corps de police et préconisé par certains membres lors de nos discussions de groupe. Bien que cette approche ait un certain mérite, le Comité est d'avis que, à l'heure actuelle, le contexte n'est pas propice à cette recommandation, notamment parce qu'un tel processus serait coûteux, qu'il y a une pénurie de cliniciens qualifiés et que les avantages exacts de cette approche ne sont pas encore établis. D'autre part, le Comité a envisagé l'approche adoptée dans le programme « Safeguard », lequel cible certaines fonctions comportant un niveau de stress élevé. Cependant, le Comité a jugé que cette approche ne répond pas à la réalité de la Police provinciale où aucune fonction n'est à l'abri de subir des impacts psychologiques, que ce soit les accidents de la route, la médecine légale et la répartition des appels, pour n'en nommer que quelques-unes.

En recommandant fortement la réalisation de bilans psychologiques réguliers, le Comité recommande que la Police provinciale crée un environnement où les membres sont à l'aise de s'autoidentifier, où les cadres et les supérieurs immédiats sont formés pour observer et faire des recommandations, et où davantage de services et d'occasions d'obtenir de l'aide sont disponibles, comme la présence de cliniciens sur place. Le Comité espère que la Police provinciale mettra à profit les principes établis dans le programme « Safeguard » afin que les comptes rendus obligatoires après les incidents critiques soient mieux acceptés et qu'elle augmentera ses efforts pour inciter tous les membres à réaliser des bilans psychologiques sur une base régulière.

Aider les familles

Les membres et les experts ont souligné le rôle précieux que jouent les familles dans le mieux-être.footnote 9 Afin de cultiver et de maintenir ce rôle, et pour favoriser le mieux-être collectif des familles, il est important de mettre davantage l'accent sur les ressources offertes aux familles. Le soutien offert aux familles devrait commencer dès le recrutement et se poursuivre tout au long de la carrière des membres et leur retraite.

L'acquisition de connaissances en santé mentale est tout aussi importante pour les familles que pour les membres.footnote 10 La Police provinciale, par l'entremise des groupes consultatifs pour le mieux-être, pourrait explorer des options de partenariat communautaire pour offrir ce service aux familles des premiers intervenants et s'assurer que les familles ont facilement accès à un plus grand nombre de ressources en ligne et autres.

Le Comité recommande fortement à la Police provinciale, en partenariat avec l'APPO et la OPP Veterans’ Association (OPPVA), d'établir un réseau de soutien aux familles par les pairs. Le Comité est encouragé par ce qu'ont raconté les employés touchés et leurs familles qui ont parlé de leurs expériences dans les tribunes publiques. Ce concept devrait faire partie des discussions des groupes consultatifs provinciaux et régionaux pour le mieux-être.

Aider les membres à la retraite

Le départ à la retraite après une carrière dans la police crée de nouveaux défis pour les membres. Les problèmes de santé mentale ne disparaissent pas tout à coup lorsqu'un membre prend sa retraite. Ils peuvent même surgir pour la première fois à ce moment-là ou être exacerbés par le sentiment de perte d'identité et d'isolement.

Dans le sondage, les répondants à la retraite ont indiqué qu'ils se sentent plus isolés et moins soutenus que les membres actuels. Ils ont également indiqué que, lors de leur dernière année de travail, ils ont manqué plus de jours de travail en raison de facteurs de stress liés au travail — soit 16,4 jours en moyenne comparativement à 7,7 jours en moyenne pour les membres actuels.footnote 11

Hélas, parmi les 17 membres qui sont décédés par suicide depuis 2012, quatre d'entre eux étaient des membres retraités.

Le Comité estime que la Police provinciale devrait s'associer avec l'APPO et l'OPPVA pour établir un éventail solide de ressources destinées aux membres retraités qui comprendrait de l'information, des consultations, des services de soutien par les pairs et un dialogue continu avec les retraités pendant leur première année à la retraite. Le Comité croit que les membres à la retraite cumulent une vaste expérience et une grande expertise qui devraient être mises à profit pour concevoir et mettre en œuvre ce programme. footnote 12

Sensibiliser les gens et développer la résilience dès le début

Le Collège de police de l'Ontario, l'Académie de la Police provinciale et l'unité du Recrutement travaillent avec les nouvelles recrues pour les sensibiliser aux réalités du travail policier et développer leur résilience. Un certain nombre de sources ont indiqué au Comité qu'il serait utile d'évaluer et de sensibiliser les recrues potentielles à un stade plus précoce.

La Police provinciale devrait améliorer le dialogue avec les candidats, notamment sur les traumatismes et la résilience, et procéder à une évaluation plus rigoureuse des candidats lors du processus de sélection. Le Comité appuie la recommandation formulée dans le Mental Health Review selon laquelle le processus de sélection devrait prévoir un comité composé de deux personnes afin de mieux évaluer si le candidat a les bonnes dispositions psychologiques pour effectuer ce travail.footnote 13

Le Comité encourage également la Police provinciale à explorer les programmes de mieux-être destinés aux membres en début de carrière du Service de police de Toronto et du York Regional Police, lesquels prévoient tous les deux des évaluations psychologiques et des suivis au moment du recrutement et tout au long de la première année.

Parler des expériences

Un aspect crucial pour combattre la stigmatisation, développer la crédibilité et favoriser l'ouverture est d'encourager les membres à parler des expériences qu'ils ont vécues.footnote 14 Il est important pour les membres d'entendre les expériences de leurs collègues afin de développer l'empathie et la compassion, de combattre les stéréotypes et de renforcer leur propre résilience.

Le Comité recommande fortement à la Police provinciale d'incorporer le partage des expériences dans tous les aspects de sa stratégie de mobilisation pour la santé mentale.

Recommandation 6 : Interagir avec les membres et les familles sur une base régulière afin de favoriser le mieux-être

  1. Des formations permettant de développer les connaissances sur la santé mentale devraient être offertes à tous les membres sur une base continue, régulière et obligatoire. Les membres devraient être obligés d'obtenir une « recertification en résilience » tout comme c'est le cas pour d'autres formations opérationnelles, comme les formations sur le recours à la force. Les formations devraient aborder comment reconnaître les signes de stress, parler de la santé mentale, aider les pairs et gérer les crises.
  2. La Police provinciale devrait envisager la réalisation d'évaluations psychologiques régulières pour tous les membres, qu'ils aient ou non vécu un incident critique, et lorsque les membres prennent leur retraite.
  3. La Police provinciale devrait, en collaboration avec l'APPO, mettre en œuvre un programme de sensibilisation pour les familles et ce programme devrait interagir avec les familles tout au long de la carrière du membre au sein de la Police provinciale et leur fournir des renseignements sur les défis associés au travail policier, développer leurs connaissances sur la santé mentale et fournir des occasions d'échanger, de s'engager dans la communauté et d'avoir des contacts avec des pairs.
  4. La Police provinciale devrait travailler avec l'APPO et la OPP Veterans’ Association (OPPVA) pour offrir aux membres qui prennent leur retraite de bons soutiens, une évaluation psychologique avant le départ à la retraite, des rencontres et des renseignements sur les services disponibles, un réseau de soutien par les pairs pour les retraités et une série de prises de contact préétablies avec les membres à la retraite. 
  5. Il est important de poursuivre les efforts déployés par l'Académie de la Police provinciale et le Collège de police de l'Ontario afin de sensibiliser les nouvelles recrues et leurs familles aux réalités du travail policier et d'établir une bonne fondation de connaissances sur la santé mentale. Le soutien par les pairs et les dialogues en personne, y compris les programmes de soutien par les pairs destinés aux familles, devraient être intégrés à cette étape.
  6. Le recrutement de nouveaux membres devrait d'emblée comporter un dialogue sur la résilience et les réalités du travail policier. La Police provinciale devrait envisager d’améliorer le processus de recrutement en offrant de meilleurs renseignements sur la santé mentale et sur la possibilité que des traumatismes existants soient réactivés, une entrevue psychologique et un comité d'entrevue composé de deux personnes.
  7. Les membres ayant une expérience vécue devraient être encouragés à parler ouvertement de leurs expériences avec les autres membres et devraient obtenir le soutien nécessaire pour le faire. Ce dialogue, qui constitue un aspect crucial du soutien par les pairs, devrait également faire partie des activités de santé mentale offertes sur une base continue dans l'ensemble de la Police provinciale.

Il n'y a pas suffisamment de professionnels de la santé mentale pour soutenir les membres

Présentement, il y a un psychologue contractuel qui travaille au sein de la Police provinciale. Dans le cas d'une organisation qui fait face à une crise en santé mentale et qui a des milliers d'employés déployés sur un territoire comme celui de l'Ontario, cela est manifestement insuffisant.

« Je crois que, le fait que la Police provinciale reconnaît finalement l'importance de la santé mentale, est une chose très positive. J'espère qu'ils continueront de miser sur des stratégies qui encouragent les gens à s'ouvrir et qu'ils commenceront à embaucher des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux, etc., qui sont spécialisés en santé mentale. Même si je crois qu'il est bien d'éduquer nos employés, il sera vraiment bénéfique de pouvoir consulter des professionnels qualifiés au besoin. » Membre de la Police provinciale

Le Comité reconnaît qu'il n'est pas simple d'embaucher un plus grand nombre de professionnels de la santé mentale puisque cela s'accompagne de diverses considérations, comme la disponibilité et l'intérêt des professionnels, comment les attirer et les garder (ce qui varie selon la région), les coûts d'embauche et le fait que, même en augmentant le nombre de professionnels, il reste difficile de servir un territoire aussi grand.

Élargir les options

Ces obstacles ne sont pas insurmontables; il s'agit de les surmonter de manière créative et proactive. Le Comité recommande fortement au ministère du Solliciteur général et à la Police provinciale d'affecter immédiatement des fonds pour embaucher au moins un clinicien spécialisé dans chaque région. Le rôle de cette personne serait de fournir de l'aide aux membres de la région par l'entremise du BSMT et de mettre sur pied des réseaux de soutien régionaux et locaux additionnels afin que les membres aient accès à davantage de services de qualité, et d'élargir les listes de ressources communautaires en santé mentale.footnote 15

La province connaît présentement une pénurie de cliniciens en santé mentale qui possèdent les compétences spécialisées requises pour fournir des services dans les milieux policier, militaire et des premiers intervenants. Le Comité encourage la Police provinciale et le gouvernement à explorer de nouvelles possibilités et de nouveaux partenariats avec le milieu de l'éducation afin d'élargir le bassin de fournisseurs de services.

Cette exploration devrait également englober des partenariats possibles avec des fournisseurs locaux de services de santé mentale et des organismes locaux qui œuvrent dans ce domaine. À cet égard, le Comité a été encouragé par les projets pilotes déployés dans certains corps de police municipaux et détachements de la Police provinciale et dans le cadre desquels des cliniciens en santé mentale s'associent aux agents de première ligne pour répondre à des appels de service liés à la santé mentale dans les collectivités. Ces partenariats ont un important avantage secondaire, soit l'augmentation des occasions de dialogue et d'aiguillage pour les membres qui connaissent des problèmes de santé mentale.footnote 16

Afin de permettre aux membres d'accéder rapidement à des ressources crédibles en santé mentale partout dans la province, la Police provinciale devrait explorer les options technologiques, comme les rencontres par vidéoconférence entre membres et cliniciens. Bien que la technologie ne soit pas un substitut parfait aux rencontres en personne, c'est de loin préférable à un accès plus limité ou inexistant. Entre autres, il serait possible d'offrir une combinaison de rencontres en personne et à distance.footnote 17

Le rôle du PAEF dans l'accès à des cliniciens en santé mentale

La Police provinciale, et le reste de la fonction publique, dépend beaucoup du Programme d'aide aux employés et à leurs familles (PAEF), un service externe qui offre un accès rapide, mais limité, à des professionnels de la santé mentale et à d'autres ressources offertes par des experts, habituellement au téléphone. Les membres ont constamment exprimé leur insatisfaction à l'égard du service, indiquant que les fournisseurs de services ne semblent pas comprendre les défis particuliers du travail policier et n'offrent pas des suggestions crédibles. De plus, le service offert est très limité puisqu'il ne prévoit que trois séances.footnote 18

Selon les réponses au sondage, le PAEF est le service que le plus grand nombre de répondants ont utilisé (soit 38 % des membres actuels qui ont répondu au sondage), mais c'est également le service que le plus grand nombre de répondants ont jugé peu utile (à raison de 65%).footnote 19

Le Comité ne remet pas en question la qualité des services offerts par le PAEF; il s'interroge plutôt sur l'importance que la Police provinciale lui accorde à titre de ressource pour aider les membres qui ont des problèmes de santé mentale. Le PAEF s'est avéré utile dans la fonction publique de l'Ontario à titre de premier point de contact et de ressource pour les gens qui sont aux prises avec des problèmes de dépendance, des problèmes familiaux ou d'autres défis.

Cependant, étant donné la complexité des défis en santé mentale associés au travail policier et la nature à plus long terme de l'aide requise, la PAEF n'est peut-être pas le service le plus efficace.

Par conséquent, dans le cadre des efforts globaux déployés par la Police provinciale pour aider les membres à accéder à des professionnels de la santé mentale, le Comité recommande fortement à la Police provinciale d'évaluer, et de possiblement revoir, le rôle que joue le PAEF.

Recommandation 7 : Augmenter le nombre de cliniciens et de modèles de services disponibles pour fournir des services de santé mentale aux membres, et explorer de nouvelles options

  1. Le ministère du Solliciteur général et la Police provinciale devraient affecter des fonds pour embaucher au moins un clinicien spécialisé par région. Cette personne travaillera avec le BSMT régional et offrira de l'aide aux membres de la région.
  2. Travailler avec les entités pertinentes du domaine médical et de l'éducation pour élargir le groupe de professions, y compris les infirmières et les travailleurs sociaux, qui peuvent fournir différents services de santé mentale aux personnes qui travaillent dans le milieu policier et aux autres premiers intervenants de la province :
    • Le BSMT devrait s'associer aux organismes de formation de ces professions afin d'augmenter le bassin de personnes qualifiées pour fournir une aide propre au travail policier et aux traumatismes que l'on peut y vivre.
    • Le ministère du Solliciteur général et le ministère des Collèges et Universités devraient explorer la possibilité d'établir des partenariats ciblés avec des universités et des collèges dans des régions moins bien servies, comme l'Université Lakehead et l'Université Laurentienne dans le Nord, afin de renforcer les capacités régionales et locales d'offrir des services de santé mentale.
    • Le ministère du Solliciteur général et le ministère des Collèges et Universités devraient explorer la possibilité de permettre aux professionnels de la santé mentale d'obtenir une attestation de spécialisation en traitement des agents de police, des militaires et des premiers intervenants.
  3. Le ministère du Solliciteur général et le ministère de la Santé devraient affecter des fonds pour financer des modèles de services qui aideraient les membres et le public à accéder à des cliniciens, notamment en incorporant des cliniciens dans les détachements. Ces modèles pourraient comprendre des partenariats standardisés avec des fournisseurs de services comme l'Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) afin de fournir des services intégrés.
  4. L'utilisation de services numériques, notamment la télémédecine ou les vidéoconférences pour obtenir un soutien psychologique, devrait être considérée comme une option pour compléter les services en personne et optimiser l'accès aux services et aux ressources.
  5. La Police provinciale devrait revoir le rôle joué par le Programme d'aide aux employés et à leurs familles (PAEF) dans l'éventail des services offerts en tenant compte des recommandations du présent Rapport, de l'OPP Suicide Report et du Mental Health Review afin que les membres puissent obtenir des services qui répondent à leurs besoins.

L'importance du soutien par les pairs et l'accès à ce soutien au-delà des incidents critiques

Les membres d'un bout à l'autre de la province ont dit au Comité que les programmes de soutien par les pairs jouent un rôle important dans la santé mentale. Les membres accordent une grande importance à « l'expérience vécue » et préfèrent souvent se tourner vers des pairs plutôt que vers des professionnels de la santé mentale, car, en général, ils ne croient pas que ces derniers puissent réellement comprendre le travail policier.

Le Comité est d'accord avec les membres que le soutien par les pairs est essentiel — et non seulement lorsqu'un incident critique se produit. De nombreux membres ont indiqué au Comité que l'impact émotionnel s'est manifesté plus tard, parfois plusieurs mois après l'incident, et qu'ils ne se sont pas sentis à l'aise de soulever la question au sein de l'organisation, compte tenu du temps qui s'était écoulé. Le Comité encourage l'élargissement du soutien par les pairs de sorte à reconnaître qu'il y a d'autres moments très stressants où le soutien par les pairs peut s'avérer utile, par exemple, après le décès d'un collègue ou durant une enquête du Bureau des normes professionnelles (BNP). De plus, le Comité encourage la Police provinciale à étendre le soutien par les pairs aux membres qui vivent une expérience cumulative, et non seulement aux membres qui viennent d'être impliqués dans un incident critique.

Le Comité reconnaît qu'il pourrait être nécessaire d'apporter des améliorations aux programmes actuels de soutien par les pairs — le Programme de gestion du stress en cas d'incident critique (GSIC) — et appuie les recommandations formulées dans le Mental Health Reviewfootnote 20 et l'OPP Suicide Report.footnote 21

Ce même principe, soit que les facteurs de stress en santé mentale peuvent se manifester même s'il n'y a pas eu d'incident critique ou dramatique, devrait s'étendre à l'application du programme « Safeguard » de la Police provinciale. Même si le Comité reconnaît que ce programme fait présentement l'objet d’un examen, il encourage la Police provinciale à conserver les principes de soutien qui sous-tendent le programme et à les étendre au-delà de l'application originale.

Un projet pilote pour améliorer l'accès aux programmes

De nombreux membres ont parlé au Comité des défis auxquels les membres font face en matière de protection de la vie privée et de stigmatisation lorsqu'ils cherchent à obtenir de l'aide, que ce soit au sein du détachement ou des services de santé locaux dans la collectivité — le Comité comprend ces défis. Ce défi est ressenti dans l'ensemble de la communauté des agents de police et des premiers intervenants.

Le Comité s'intéresse à l'approche adoptée par la York Regional Police, laquelle a répondu à cette préoccupation en déplaçant les services de mieux-être dans un autre immeuble que le quartier général et en les séparant des autres services de santé — une « maison des membres ». Le Comité semble comprendre, d'après ce qu'on lui a dit informellement, que cette approche a permis d'augmenter le nombre de membres et de familles qui utilisent les services de soutien. 

Bien que l'établissement d'une unique « maison des membres » ne fonctionnerait pas dans le cas de la Police provinciale en raison du territoire qu'elle dessert, le Comité encourage la Police provinciale, par l'entremise du BSMT, à travailler avec d'autres premiers intervenants pour explorer la possibilité de mener un projet pilote qui offrirait un carrefour de services hors site aux membres et aux familles d'une région.

Partenariats avec des organismes autochtones afin d'offrir des services de soutien adaptés à la culture

La possibilité d'obtenir des services de soutien adaptés à la culture offre manifestement des avantages pour les membres. À cette fin, le Comité encourage fortement la Police provinciale, par l'entremise du BSMT, à l'échelle provinciale et régionale, à explorer la possibilité d'établir des partenariats avec des services de police des Premières nations et des organismes qui offrent des soins de santé aux personnes autochtones afin de faciliter l'accès à des services de soutien en santé mentale adaptés à la culture, tant pour les membres autochtones de la Police provinciale que les membres autochtones des services de police des Premières nations qui travaillent avec la Police provinciale. Le Comité remercie les chefs et les chefs de police adjoints des services de police des Premières nations qui ont exprimé leur intérêt à explorer de tels partenariats.

Recommandation 8 : Soutenir et améliorer les programmes de santé mentale ciblés

  1. Les programmes de soutien par les pairs, y compris le GSIC, devraient faire l'objet d'une évaluation et être améliorés afin que les membres aient accès à un plus grand nombre de pairs qualifiés. Les programmes de soutien par les pairs devraient continuer de mettre l’accent sur les discussions ou le soutien immédiat après un incident critique. Ils devraient également être élargis pour fournir un soutien au-delà des incidents critiques, notamment après le décès d'un collègue et lorsqu'un membre est suspendu ou visé par une enquête.
  2. Puisque les facteurs de stress qui influent sur la santé mentale ne se limitent pas à certains types de fonctions policières ou à certains types d'expérience, l'organisation devrait tenir compte des principes établis dans le programme « Safeguard » pour réorienter et élargir ses efforts visant à améliorer le mieux-être dans l'ensemble de la Police provinciale.
  3. Le BSMT, en partenariat avec d'autres organismes de premiers intervenants, devrait explorer la possibilité de mener un projet pilote pour offrir des services de soutien aux membres et aux familles dans un endroit hors site.
  4. Le BSMT devrait explorer la possibilité d'établir des partenariats avec des services de police des Premières nations en Ontario en vue de favoriser la santé mentale et la résilience des membres. Les partenariats établis au stade de l'élaboration et de l'exécution des programmes aideront les membres autochtones de la Police provinciale et des services de police des Premières nations qui travaillent étroitement avec la Police provinciale à obtenir des ressources de santé mentale et de mieux-être qui sont adaptées à la culture.

Un processus de retour au travail déficient

Le Comité a beaucoup entendu parler des défis associés aux processus actuels d'adaptation des fonctions et de retour au travail. De nombreux membres ont indiqué au Comité que leur retour au travail a été retardé en raison de difficultés connexes et que cela a exacerbé leurs blessures. Les membres ont également fait état de ces difficultés lors du processus de consultation pour le Mental Health Review.footnote 22

Le processus de retour au travail est une partie importante du processus de guérison pour les membres. C'est un temps d'extrême vulnérabilité, où les membres qui étaient en congé doivent trouver le courage de faire face à leurs pairs et de retourner dans un environnement stressant qui pourrait ramener des choses à la surface. Pour de nombreux membres, le processus est un échec.footnote 23

Il y a eu beaucoup de discussions sur les options constructives pour les personnes qui ne peuvent reprendre leurs pleines fonctions immédiatement après un congé, tant parmi les membres que dans les rapports et les études sur le travail policier.footnote 24 Les membres ont indiqué que, souvent, les options de retour au travail selon des fonctions adaptées ne favorisent pas la santé mentale ne font pas la meilleure utilisation des compétences du membre pour lui permettre de contribuer au travail de son unité. Les membres se retrouvent sous-utilisés au travail, ce qui accroît leur propre sentiment d'isolement et d'inutilité. Ces sentiments sont souvent aggravés par le sentiment que les mesures d'adaptation prises pour un membre ne parviennent pas non plus à réduire la pression opérationnelle sur les autres membres de leur unité.

Souvent, les attentes relatives à la capacité d'un membre à reprendre ses pleines fonctions sont un obstacle pour le retour au travail. Bien que l'évaluation des capacités et des limitations fonctionnelles soit un objectif valable — aider un employé à s'acquitter de ses fonctions de façon sécuritaire et réduire autant que possible les risques pour l'employé et les autres employés —, c'est une tâche particulièrement complexe dans le contexte policier. Afin de déterminer si un membre est apte à reprendre ses fonctions policières opérationnelles, il pourrait être nécessaire d'évaluer les éléments déclencheurs possibles, l'autorisation pour le membre de recourir à la force, les écarts entre la compréhension qu'ont les professionnels de la santé mentale du travail policier et les exigences de ce travail, la stigmatisation et les préjugés sur les capacités des membres qui ont des problèmes de santé mentale, et un processus qui ne favorise pas la bienveillance et l'esprit de collaboration.

« La direction respecte les règles, mais parfois les règles sont erronées. Il est impossible d'avoir des règles qui tiennent compte de tous les problèmes de santé mentale possibles. » Membre de la Police 

Des membres ont parlé des affectations à « l'Unité du soutien aux services de première ligne » de la Police provinciale, une unité qui a la réputation d'être l'endroit où l'on envoie les membres dont les fonctions ont été adaptées, ce qui stigmatise encore plus les personnes qui y travaillent. Certains membres ont également indiqué qu'ils ont dû créer leurs propres fonctions dans le détachement et certains ont indiqué qu'ils n'ont pas pu retourner au travail, car il n'y avait rien à faire pour eux. Par contraste, le Comité a également entendu parler de détachements qui ont adopté une approche créative et concertée pour explorer les fonctions modifiées et les aménagements possibles, ce qui a généré des résultats plus positifs pour les membres visés et leurs collègues.

Comme mentionné ci-dessus, le processus de retour au travail est particulièrement marqué par la stigmatisation dans le milieu de travail. Des membres nous ont fait part des commentaires et des critiques exprimés par leurs pairs quant à l’utilité perçue de leurs fonctions adaptées et de leur valeur en tant qu'agents de police. Ces membres se sont sentis amoindris et isolés et ont eu l'impression de perdre leur identité en tant que membres d'une équipe. Ces sentiments ont été exacerbés par le retrait de leur droit de recourir à la force. Des membres ont également indiqué qu'ils ont ressenti de la culpabilité et de la honte parce qu'ils ne pouvaient pas épauler les membres de leur équipe.footnote 25

Certains membres, y compris certains cadres, ont parlé au Comité de la relation antagoniste avec les Ressources humaines et la CSPAAT pendant le processus de retour au travail. De nombreux membres se sont sentis amoindris ou antagonisés lorsque les Ressources humaines ont remis en question la suffisance de l'information fournie par leur médecin ou leur thérapeute et ont indiqué qu'ils avaient l'impression que les Ressources humaines accordaient plus d'importance au processus bureaucratique qu'à la situation personnelle des membres. Les membres n'arrivent pas à comprendre le pourquoi des actions des RH. Les cadres ont exprimé des préoccupations similaires et ont indiqué qu'ils se retrouvent pris au milieu alors qu'ils tentent réellement d'aider les membres tout en devant transmettre les messages des Ressources humaines.footnote 26

Occasions d'amélioration

Le Comité est encouragé par les vastes efforts qui sont déployés, sur une base continuelle, dans le secteur des services policiers, y compris par la GRC et l'Association canadienne des chefs de police (ACCP), afin d'élaborer des lignes directrices utiles et des pratiques exemplaires pour le processus de retour au travail.footnote 27 Le Comité a également été encouragé par les sentiments exprimés durant ses cinq tables rondes régionales où les participants ont régulièrement souligné les avantages des fonctions adaptées. Afin de voir des améliorations au sein de la Police provinciale, il sera crucial de veiller à ce que l'application pratique du processus de retour au travail soit axée sur les personnes, la collaboration et l'inclusion. Il faut clairement mettre la priorité sur l'atteinte de meilleurs résultats pour l'individu et le milieu de travail.

Le Comité appuie la recommandation formulée dans le Mental Health Review selon laquelle les cas complexes de retour au travail devraient être examinés par une équipe interdisciplinaire pour aider le membre et le supérieur immédiat.footnote 28 Dans tous les cas, les points de vue du membre, du supérieur et du professionnel de la santé doivent être pris en compte.

Une attention particulière devrait être portée à la politique sur le retrait et le rétablissement du droit de recourir à la force. Le Comité encourage la Police provinciale à discuter davantage de cette question avec des experts, d'autres corps de police et les groupes consultatifs provinciaux et régionaux pour le mieux-être afin de peaufiner l'approche en matière de retrait et de rétablissement du droit de recourir à la force. La politique doit soigneusement équilibrer la stigmatisation et la honte associées au retrait du droit de recourir à la force (et par conséquent, les chances que les membres éviteront de demander de l'aide) avec la nécessité de réduire autant que possible le risque de décès par suicide. En engageant davantage le dialogue avec les professionnels de la santé mentale, au cas par cas et en vue d'élaborer une politique à ce sujet, il sera possible de mieux comprendre les divers facteurs à l’œuvre.footnote 29

Le Comité encourage la Police provinciale à élaborer des messages clairs pour les membres en ce qui concerne le processus de retour de travail. Ces messages devraient mettre l'accent sur l'esprit de collaboration et le respect, et décrire clairement diverses options pour le retour au travail en ayant des rôles et des responsabilités que les membres peuvent comprendre. Cette ressource devrait être aisément accessible afin que les membres puissent comprendre le déroulement d'un retour au travail et s'y préparer. La communication continue avec les membres qui sont en congé est essentielle pour les soutenir et réduire l'isolement.

L'équipe de direction de la Police provinciale doit expliquer l'importance des différents types de fonctions policières et encourager les cadres et les membres à planifier les retours de travail de façon pratique, créative et empathique pour les membres civils et en uniforme. Les cadres doivent donner l'exemple en ce qui concerne le soutien et le respect des membres qui retournent au travail, sensibiliser le membre et ses collègues à l'utilité de la contribution du membre tout en assurant la confidentialité des renseignements médicaux personnels du membre et le respect de sa vie privée.

Recommandation 9 : Les mesures d'adaptation et le retour au travail doivent être déstigmatisés et constructifs

  1. Le BSMT devrait immédiatement entreprendre un examen et une révision du protocole de retour au travail en se fondant sur les pratiques exemplaires et en visant spécifiquement à favoriser le mieux-être des membres. Ce travail devrait être guidé par les discussions du groupe consultatif provincial pour le mieux-être.
  2. Des communications claires sur le protocole de retour au travail devraient être préparées et transmises à tous les membres. Les cadres doivent recevoir une formation sur le processus de retour au travail pour aider les membres à retourner au travail sans craindre la stigmatisation, des représailles ou d'être ostracisés. Les cadres doivent communiquer clairement l'utilité du travail des membres qui retournent au travail selon des fonctions adaptées.
  3. L'organisation doit aider les cadres et le personnel à trouver des fonctions utiles et valorisantes pour les membres qui retournent au travail afin de favoriser le mieux-être mental et de réduire la stigmatisation. Cela doit comprendre l'exploration des options avec le membre en question et son supérieur.
  4. La communication régulière avec les membres qui sont en congé devrait être une composante obligatoire de la gestion des cas. Les cadres de première ligne et les gestionnaires des opérations doivent obtenir des formations et du soutien pour s'assurer que leurs contacts avec les membres sont appropriés, utiles et permettent aux membres de se sentir soutenus.

L’importance d’une bonne communication et d’un bon soutien en cas de décès d’un membre par suicide

Le Comité a centré son attention et ses recommandations sur l'amélioration du dialogue et de l'accès aux ressources et au soutien pour les membres qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et leurs familles. Dans la même veine que l'OPP Suicide Review, le Comité espère que les recommandations visant à améliorer la culture organisationnelle et les services offerts aux membres tout en réduisant la stigmatisation liée à la santé mentale permettront de réduire les cas de décès par suicide chez les membres.

Cependant, cela demeure une réalité tragique et constante pour la Police provinciale et toutes les organisations policières.

Lorsque les membres apprennent que l'un des leurs est décédé par suicide, l'impact se fait sentir à l'échelle de l'organisation. Parmi les répondants au sondage, 51 % ont indiqué que le suicide d'un membre de la Police provinciale au eu un impact émotionnel sur eux, qu'ils aient connu le membre personnellement ou non.footnote 30

Les collègues du défunt vivent des traumatismes encore plus importants, qui s'accompagnent souvent de culpabilité, car ils se demandent s'ils auraient pu en faire plus pour aider le défunt. Dans les collectivités où la Police provinciale fournit des services, il se peut que des membres doivent se rendre sur la scène du décès de leur collègue. L'impact émotionnel de ce travail ne peut être sous-estimé.

La direction doit communiquer de façon cohérente et empathique lorsqu'un membre décède par suicide, tant à l'interne, auprès des membres, qu'à l'externe, auprès du public. Des membres ont parlé au Comité de l'incidence négative que peuvent avoir les communications publiques qui manquent d'empathie de la part de la direction à la suite du décès par suicide d'un membre.

Il y a des points de vue contradictoires quant à la façon dont une organisation policière devrait réagir au décès d'un membre par suicide. Certains experts recommandent que, dans le cas d'un décès par suicide, les communications honorent le service du membre au public afin de réduire la stigmatisation associée à la santé mentale. D'autres recommandent d'éviter les communications qui pourraient avoir un « effet de contagion » par exposition à la discussion. Les préoccupations relatives à la protection de la vie privée doivent également être prises en compte.footnote 31

Le Comité recommande fortement à la Police provinciale de continuer de peaufiner son approche afin que les communications soient respectueuses afin de soutenir les membres et les familles et de réduire la stigmatisation associée au décès par suicide.

Le Comité encourage également la direction à continuer de peaufiner son approche pour honorer la mémoire des membres qui décèdent par suicide, en collaboration avec les collègues et les familles. La Police provinciale pourrait envisager de mettre l'accent sur les vies et les contributions des membres plutôt que sur la cause du décès uniquement.footnote 32

Les familles et les collègues des membres doivent recevoir un soutien immédiat et à long terme, et ce soutien doit comporter du soutien par les pairs, un soutien psychologique fourni par des experts, et une aide pratique et immédiate pour assurer la stabilité financière des familles après le décès. Le maintien d'un dialogue régulier avec les familles et les collègues devrait faire partie de l'engagement à long terme de l'organisation.footnote 33

Le Comité appuie la recommandation formulée par l'OPP Suicide Report selon laquelle la Police provinciale devrait créer un processus d'examen continu en ce qui concerne les suicides. Dans le cadre de ce processus d'examen, la Police provinciale pourrait cerner et examiner les points communs ainsi que les thèmes et les lacunes dans les services afin d'améliorer les services de prévention et de soutien. Il est essentiel de continuer d'explorer les options pour offrir de meilleures interventions et un soutien accru.footnote 34

Recommandation 10 : Définir l’approche organisationnelle à adopter en cas de décès d’un membre par suicide et s’assurer de faire connaître cette approche

  1. Les mesures régionales, locales et prises à l'échelle d'un service lorsqu'un membre décède par suicide devraient comprendre des communications internes et externes claires qui réduisent la stigmatisation et aident à soutenir les membres et les familles.
  2. À tite de mesure immédiate, la Police provinciale devrait établir un plan de soutien coordonné pour les familles et les collègues qui prévoit des interventions actives et sur place de la part de cliniciens et de pairs qualifiés, et il devrait être possible d’enclencher ce plan rapidement. À long terme, ce plan devrait prévoir des mesures de soutien et un dialogue régulier avec les familles et les collègues.
  3. À titre de priorité immédiate, la Police provinciale devrait engager un dialogue fondé sur la collaboration avec les membres et les familles afin d'échanger sur la meilleure façon de rendre hommage aux membres qui décèdent par suicide et d'honorer leur mémoire.

Notes en bas de page