Notre vision 

  • Le financement et les décisions opérationnelles favorisent le mieux-être et la résilience.
  • Les pressions administratives ou opérationnelles ont une moins grande incidence sur la santé mentale des membres de première ligne.
  • L'inclusion au sein du personnel renforce la résilience.

Le coût élevé des postes opérationnels vacants

Il ne manque pas de preuves démontrant que les problèmes de dotation associés aux postes opérationnels ont une incidence sur le mieux-être des membres. Partout dans la province, le Comité a entendu parler de pénuries de personnel, de longs quarts de travail, de cycles de quart difficiles et des pressions liées aux heures supplémentaires. Les membres ont déclaré qu'ils sentent plus isolés, car ils répondent souvent à des appels seuls, qu'ils sont plus épuisés, car ils répondent à un nombre plus élevé d'appels sans prendre de pause, qu'ils font beaucoup d'heures supplémentaires, qu'ils ont des préoccupations liées à la sécurité, et qu'ils sont plus exposés à d'autres facteurs de stress liés au travail.footnote 1

De nombreux membres ont également déclaré qu'ils se sentent coupables — qu'ils ont l'impression de ne pas pouvoir prendre des congés ou d'autres mesures pour gérer leurs propres difficultés physiques et psychologiques, car leurs unités manquent de personnel et leurs collègues se retrouveraient plus exposés. Les membres attendent que leurs problèmes de santé atteignent un point critique avant de demander de l'aide, ce qui nécessite davantage d'interventions et de plus longs congés et cause plus de dommages au membre individuel et à ses collègues.

« Il manque de personnel dans tous les bureaux. On demande constamment aux membres d'en faire plus avec moins. Les gens sont épuisés. Les superviseurs ont de la difficulté à trouver des gens pour faire des heures supplémentaires et cela cause des problèmes de sécurité. Les agents répondent à des appels même s'ils sont épuisés et souvent lorsqu'il n'y a pas de renforts à proximité. »  Membres de la Police provinciale 

Ce cercle vicieux d'exposition accrue en raison de pénuries de personnel, qui augmente la pression sur ceux qui restent de faire plus de quarts de travail, a été exacerbé par de récentes décisions financières qui tolèrent une plus grande réduction des effectifs de première ligne et des autres effectifs opérationnels, ce qui signifie que les postes libérés en raison de départs en congé ne sont pas tous pourvus.

De toute évidence, cela a des conséquences pour les membres individuels qui écopent de ces compressions. Cela a également des conséquences systémiques sur le fonctionnement financier et opérationnel de la Police provincial.

Au moment de la rédaction, environ 875 ou 21 % des membres de première ligne étaient en congé approuvé. Cela signifie que plus d'un cinquième du personnel de première ligne n'est pas disponible pour travailler.

La non-disponibilité de plus de 20 % des agents de première ligne a un prix élevé. Les heures supplémentaires coûtent plus cher que les heures régulières, les personnes qui sont absentes à court terme, p. ex. pour des congés de maladie, sont rarement remplacées et, lorsque des personnes sont remplacées, la Police provinciale doit payer l'agent qui est congé et la personne qui le remplace. Le coût des avantages sociaux et des soins pour les problèmes de santé mentale et liés au stress est élevé et ces problèmes ont un taux de rechute élevé.footnote 2

L'application d'une perspective fondée sur mieux-être

Le Comité estime que le gouvernement et la Police provinciale doivent adopter une politique sur les décisions financières et opérationnelles qui favorisent la santé mentale et physique des agents de première ligne. Il est possible de démontrer de façon explicite, dans une analyse de rentabilisation, le lien entre un effectif adéquat, un effectif en santé et une organisation plus efficiente et plus efficace sur le plan financier.

De nombreux éléments peuvent étayer cette analyse. Le Comité recommande fortement que cet exercice comprenne une révision des niveaux de dotation minimums jugés acceptables. De plus, le Comité a beaucoup entendu parler du stress associé aux appels qui s'accumulent et auxquels les agents de première ligne doivent répondre alors qu'il n'y a pas suffisamment de personnel pour le quart de travail. En d'autres mots, pendant que les membres répondent à un appel, un deuxième appel leur est attribué au lieu de le mettre dans un système de file d'attente. Cela crée beaucoup de pression et de stress sur l'agent qui doit gérer adéquatement le premier appel et également répondre à toute urgence liée au deuxième appel.

L'analyse de rentabilisation doit démontrer que, lorsque les niveaux de dotation se situent en deçà des niveaux acceptables sur une base continue et constante, cela est dommageable pour la santé et le mieux-être des membres de la Police provinciale, coûte plus cher aux contribuables de l'Ontario et peut avoir des répercussions sur la sécurité du public. C'est ce que signifie l'application d'une « perspective fondée sur le mieux-être ».

Recommandation 14 : Tenir compte du mieux-être en tant que priorité de la direction lorsque l’on prend des décisions budgétaires et sur les niveaux de dotation relatifs au personnel opérationnel

  1. Le gouvernement, y compris le ministère du Solliciteur général et le Secrétariat du Conseil du Trésor, devrait appliquer une perspective fondée sur le mieux-être à toutes les décisions budgétaires liées à l’effectif opérationnel au sein de la Police provinciale.
  2. La Police provinciale devrait appliquer une perspective fondée sur le mieux-être à toutes les décisions opérationnelles liées à la dotation dans l'ensemble de la province.
  3. La perspective fondée sur le mieux-être devrait reconnaître que des niveaux de dotation adéquats ont des avantages financiers sur le plan opérationnel et à long terme en favorisant la santé et la résilience du personnel.

Les défis qu’engendrent les contraintes financières

Il faut au-delà des engagements financiers pour se pencher sur les pressions organisationnelles qui contribuent au stress lié au travail et améliorer la résilience du personnel afin qu'il puisse composer avec ces pressions. C'est un exercice qui comporte de multiples facettes.

En plus des niveaux de dotation insuffisants, les membres ont parlé au Comité d'autres pressions administratives et organisationnelles sur les ressources qui augmentent le stress ressenti par les membres, y compris la nature du travail par quarts de travail, la pression de faire des heures supplémentaires, l'isolement lors des quarts de travail et les appels de service qui s'accumulent.

Dans le sondage, 66 % des répondants ont indiqué qu'ils ressentent du stress en raison des pénuries de personnel et des pressions liées aux ressources constamment ou très souvent. Ce chiffre atteint 72 % dans le cas des agents en uniforme.footnote 3

L'une des premières étapes essentielles est de reconnaître que ces pressions sur les ressources ont une incidence négative sur la résilience du personnel. La prochaine étape est de se donner les moyens de changer de cap, notamment en prenant des engagements financiers en ce qui concerne les niveaux de dotation, sans toutefois se limiter à cela.

La responsabilité d'alléger le fardeau que ressentent les membres en raison des pressions organisationnelles et relatives aux ressources incombe largement à un certain nombre d'entités, notamment le gouvernement, par l'entremise du ministère du Solliciteur général et du Conseil du Trésor; l'équipe de direction de la Police provinciale; l'équipe de gestion de la Police provinciale partout dans la province; les membres, qui doivent se soutenir les uns les autres et se faire les défenseurs d'un personnel en santé; et les agents négociateurs.

Le Comité recommande fortement aux parties de tenir compte de deux concepts importants afin de mettre en œuvre des politiques de dotation et d'établissement des horaires qui tiennent compte du mieux-être :

  1. protéger le temps consacré au repos et à la récupération;
  2. réduire l'isolement des membres.

Protéger le temps consacré au repos et à la récupération

Les membres ont indiqué que la fatigue qu'ils éprouvent découle des heures supplémentaires, des appels qui s'accumulent sans pouvoir prendre une pause, des comparutions devant le tribunal qui ont lieu pendant leurs jours de congé, et du manque de repos automatique ou présumé après un incident critique.

Bien que certains de ces défis soient parfois inévitables, la nature des pressions exercées sur les ressources semble accroître le nombre de conditions engendrant de la fatigue chez les membres de première ligne.

Le repos et un temps de récupération adéquats sont essentiels à la santé mentale en général et à la résilience, et pour permettre à une personne de composer avec des incidents traumatisants ou critiques.footnote 4 Le Comité recommande fortement à la Police provinciale de protéger le temps de repos et de récupération lorsqu'elle prend des décisions sur l'établissement des horaires et la dotation.

Réduire l'isolement

Réduire l'isolement physique

Il est bien en dehors de la portée du mandat du Comité de faire des recommandations précises sur la dotation et l'établissement des horaires. Cependant, le Comité estime qu'un engagement à réduire l'isolement physique des membres favoriserait le mieux-être et la résilience des membres.

Nous encourageons la Police provinciale à veiller à ce qu'il y ait un nombre adéquat de membres des opérations pendant chaque quart de travail, à ce que les secteurs de patrouille soient établis de façon à réduire le temps sans renforts possibles, et à prévoir du temps au début et à la fin de chaque quart de travail pour des comptes rendus et des discussions en personne.

Le Comité estime que les niveaux de dotation dans certaines régions de la province ont atteint proportions critiques. En particulier, il y a un manque d'effectif criant dans le Nord et les membres qui travaillent dans les détachements du Nord font état de conditions qui nuisent à leur santé et à leur mieux-être.

Selon le sondage du Comité, les membres qui travaillent dans le Nord-Ouest :

  • se sentent plus anxieux (41 % comparativement à 36 % dans les autres régions)
  • se sentent plus isolés (36 % comparativement à 30 % dans les autres régions)
  • ont indiqué qu'ils s'absentent plus souvent du travail en raison de facteurs de stress liés au travail (14,3 jours en moyenne pendant la dernière année comparativement à 6 à 13 jours dans les autres régions)footnote 5

La Police provinciale a de la difficulté à recruter des membres dans les collectivités du Nord et les collectivités éloignées parce qu'elle recourt à des « affectations temporaires » de membres provenant d'autres régions. Cela augmente l'isolement de ces membres et pourrait avoir un effet négatif sur la relation entre la Police provinciale et les collectivités du Nord. Le Comité a entendu des renseignements contradictoires sur les études requises et d'autres exigences de recrutement de la Police provinciale ainsi que sur le succès des efforts de recrutement dans le Nord. Entre autres, on semble croire qu'un diplôme universitaire est requis.

Les défis auxquels font face les membres qui travaillent dans les collectivités du Nord sont aggravés par l'isolement découlant de l'éloignement des collectivités, de la distance entre les collectivités et de la difficulté d'obtenir des services de santé et de mieux-être.

Le Comité comprend que ces difficultés ne peuvent être réglées facilement. Cependant, le Comité recommande fortement à la Police provinciale d'adopter une approche immédiate et ciblée pour gérer les pressions sur les ressources dans le Nord, en augmentant notamment le nombre d'employés, en établissant de nouvelles approches de recrutement dans le Nord et en trouvant d'autres moyens de fournir du soutien aux membres. Le Comité a clairement constaté qu'il y a d'excellentes recrues potentielles dans le Nord. Il incombe à la Police provinciale de déployer tous les efforts nécessaires pour les recruter.

Le Comité fait remarquer que, bien que nous ayons mentionné que la région du Nord nécessite une attention immédiate pour illustrer le problème, il y ait d'autres régions et d'autres unités ou détachements particuliers qui ont de graves problèmes de dotation. Il y a d'autres régions qui ont des besoins criants et qui devraient être considérées comme des priorités immédiates pour la Police provinciale.

Le mieux-être et la résilience nécessitent une inclusion intentionnelle

Le rôle que jouent la diversité et l'inclusion dans la santé d'une organisation devrait être considéré comme une nécessité opérationnelle et non comme un « projet » ou une unité au sein des Ressources humaines. La diversité parmi les membres ajoute une dimension précieuse aux questions relatives au mieux-être mental et social, au sentiment d'appartenance et au leadership, et offre des perspectives importantes sur la résolution des conflits et le dialogue avec le public. L'inclusion permet de s'assurer que les gains réalisés grâce à la diversité au sein du personnel bénéficient à tous les membres.

« [Nous] devons déployer de plus grands efforts pour promouvoir l'organisation partout dans la province, non seulement dans les régions urbaines et rurales, mais également auprès des personnes de différentes cultures, origines, races et confessions qui vivent en Ontario. » Membre de la Police provinciale

L'approche actuelle de la Police provinciale en matière de diversité et d'inclusion n'est pas adéquate. L'effectif de la Police provinciale ne reflète pas la population de l'Ontario, que ce soit sur le plan du sexe, des origines ethniques ou des identités. Le Comité est conscient que le conseil en matière d'inclusion de la Police provinciale est présentement en train de faire un examen.

Au sein de la Police provinciale, les ressources ou les communautés disponibles pour les membres qui ne ressemblent pas à la majorité sont limitées. Il importe de mentionner que, en juin 2019, le GHG a hissé pour la première fois le drapeau de la Fierté alors qu'elle n'avait auparavant qu'affiché le drapeau dans le hall d'entrée.

Il n'y a pas de réseaux pour les femmes, les personnes de couleur, les personnes autochtones, les personnes LGBTQ2+ ou les autres groupes. Il existe de solides communautés au sein de la fonction publique de l'Ontario qui sont ouvertes aux membres de la Police provinciale, comme le Réseau des employés noirs de la fonction publique de l'Ontario, le Réseau de la Fierté de la FPO, FrancoGO et d'autres, mais ces réseaux ne sont pas propres au milieu policier et leurs activités ont principalement lieu à Toronto.

L'isolement que ressentent les membres des groupes non majoritaires est aggravé par le territoire disparate que sert la Police provinciale. Il est possible qu'un membre soit la seule personne « différente » dans un détachement ou pendant son quart de travail. Il y a très peu de membres de ces groupes dans l'équipe de gestion ou de direction.

Il incombe à la haute direction de la Police provinciale de reconnaître le manque de diversité ou d'inclusion utile à l'heure actuelle et de traiter cette problématique comme une menace opérationnelle à la résilience et au mieux-être. Souvent, les organisations et les dirigeants, même après avoir reconnu que l'inclusion est nécessaire et avantageuse, estiment que cette responsabilité revient aux personnes qui la revendiquent. En d'autres mots, les femmes devraient se regrouper pour revendiquer l'équité. Cette vision est erronée et ne fonctionne pas. Elle a plutôt pour effet d'opposer les groupes les uns aux autres, la majorité et la direction, tout en perpétuant la différence dans les dynamiques de pouvoir.

Le commissaire et l'équipe de direction devraient mener une campagne concertée pour augmenter la diversité au sein de la Police provinciale et renforcer l'inclusion constructive. Pour en arriver à une inclusion constructive, la direction doit s'y engager et prendre des mesures en ce sens.

Recommandation 15 : La dotation et l'établissement des horaires doivent tenir compte du mieux-être et se fonder sur des approches stratégiques afin que les membres reflètent et soutiennent la population de l'Ontario

  1. L'approche pour l'établissement des horaires devrait tenir compte du mieux-être dans ses recommandations, notamment :
    • réduire le recours aux heures supplémentaires
    • réserver un temps suffisant pendant les quarts de travail pour faire des comptes rendus (officiels et non officiels) à la fin de quarts de travail occupés
    • réduire l'isolement des membres pendant leurs quarts de travail
    • prévoir la possibilité de prendre congé le lendemain d'un incident critique.
    • prévoir une plus grande flexibilité pour les quarts de travail afin de tenir compte des responsabilités personnelles et liées au travail, y compris les comparutions devant les tribunaux
  2. En plus des recommandations formulées dans le présent Rapport, l'OPP Suicide Review et le Mental Health Review en vue d'améliorer le mieux-être et la résilience des membres, la Police provinciale devrait continuer de travailler en collaboration avec les membres et les agents négociateurs pour trouver des moyens d'accroître le nombre de membres disponibles pour les postes opérationnels, en portant attention aux pénuries les plus graves.
  3. L'établissement d'une approche stratégique urgente pour remédier aux pénuries de personnel dans les détachements du Nord est nécessaire. Cela devrait comprendre :
    • certaines augmentations ciblées des dépenses de dotation
    • une campagne de recrutement améliorée pour trouver de nouvelles recrues dans les collectivités du Nord et les communautés autochtones
    • une approche stratégique visant à favoriser le mieux-être mental des membres déployés dans le Nord, ce qui comprend un meilleur accès aux services de soutien et à des vérifications proactives de la santé des membres.
  4. En plus des constatations qui ressortiront de l'examen du conseil en matière d'inclusion de la Police provinciale, les efforts prioritaires devraient viser à assurer une inclusion authentique au sein de la Police provinciale, ce qui devrait comprendre des communications provenant de tous les échelons de la direction pour souligner l’importance de la diversité et de l'inclusion pour favoriser un milieu de travail sain ainsi que l’établissement de communautés de membres habilitées à l'échelle centrale, régionale et locale.
  5. Un mandat plus agressif pour améliorer l'inclusivité au sein de la Police provinciale est requis afin de recruter des membres qui reflètent plus adéquatement le caractère diversifié de la population de l'Ontario. Une campagne de recrutement plus vaste devrait comprendre des activités d'approche directe auprès de communautés diversifiées ou sous-représentées.

Notes en bas de page