Monsieur,

Merci de nous avoir donné l’occasion de contribuer à cette initiative cruciale. Nous souhaitons maintenant vous faire part de nos observations.

Le Comité estime que dans les 12 cas examinés, les systèmes ont manqué à leur responsabilité collective à plusieurs reprises en omettant de répondre aux besoins fondamentaux des jeunes qui leur avaient été confiés. On ne peut attribuer cet échec à une personne ou à un organisme en particulier, mais il faut reconnaître que derrière chaque organisme ou système se trouvent des personnes qui en assurent et en dictent le fonctionnement.

Les 12 jeunes dont le cas a été examiné par le Comité avaient été pris en charge par une société d’aide à l’enfance ou une société autochtone de bien-être de l’enfance et placés dans divers milieux, dont des foyers de groupe, des foyers de type familial, des foyers avec rotation de personnel, des foyers gérés par une agence, des établissements de traitement et des familles d’accueil avec traitement. Ils étaient tous atteints de problèmes de santé mentale ou de troubles du développement. Ensemble, ils constituent un échantillon représentatif des jeunes les plus vulnérables et à risque de l’Ontario.

Les organismes de protection de l’enfance se servent de l’outil « Évaluation de la sécurité – Ontario » pour évaluer le degré de danger immédiat auquel est exposé un enfant. Cet outil prend en compte le risque immédiat de préjudice ainsi que la gravité du tort ou du danger en fonction des circonstances et de l’information disponible. Lorsque l’enfant est exposé à un danger imminent, le processus détermine les interventions nécessaires pour atténuer la menace. L’évaluation peut se solder par trois résultats : en sécurité, en danger, ou en sécurité avec intervention. Le Comité a été frappé par la fréquence à laquelle les jeunes classés dans la catégorie « en sécurité avec intervention » n’avaient en fait bénéficié d’aucune sorte d’intervention constructive. Aucun d’entre eux n’était en sécurité, ni dans sa famille d’origine ni souvent (et surtout) dans son placement final. Les organismes de protection de l’enfance semblaient accorder une importance excessive au risque immédiat et, dans la majorité des cas, négliger les risques à long terme; or, le Comité est d’avis que ces risques étaient prévisibles et que leurs conséquences auraient pu être prévenues.

Le Comité a observé que les problèmes des jeunes et de leur famille suscitaient surtout des réponses réactives, axées sur la gestion de crise. Beaucoup de jeunes ont été considérés comme en sécurité avec intervention après avoir subi une crise de santé mentale (p. ex., comportements d’automutilation, tentative de suicide ou idées suicidaires). Dans la pratique, « en sécurité » était souvent synonyme de lit pour passer la nuit, et « intervention », de supervision individuelle. Pourtant, ces mesures n’offrent qu’un sursis jusqu’à la prochaine crise, sans fournir aux parents et aux jeunes le soutien nécessaire pour résoudre ou prévenir certains problèmes.

En tant que société, nous avons le devoir d’offrir à ces jeunes le soutien dont ils ont besoin, mais le système actuel ne le permet pas, même s’il existe des fournisseurs de soins et des travailleurs bien intentionnés et que beaucoup souhaitent faire du bon travail. Afin de répondre aux besoins des jeunes, une réorientation du système de services – y compris ceux destinés aux jeunes, à leur famille et aux communautés – est nécessaire. En Ontario, ce système est axé en grande partie sur des mesures réactives, fonctionne en vase clos, et fournit surtout des services individuels plutôt que communautaires ou familiaux. Nous devons offrir aux jeunes les plus vulnérables de l’Ontario, ceux qui ont des besoins multiples et vivent dans des environnements complexes, un système conçu pour fournir rapidement des soins holistiques, continus et axés sur la prévention, ainsi qu’un traitement adapté à la personne, à sa famille et à sa communauté – et nous devons le faire maintenant.

Nous pensons qu’avec la volonté nécessaire, le respect d’un ensemble de principes fondamentaux et la mise en œuvre de certaines recommandations ciblées, nous pouvons changer les choses. Les principes que nous décrivons ne sont pas nouveaux : ils reflètent les pratiques exemplaires, et des gouvernements, des organismes de services et de défense des droits, des comités, des commissions et des institutions les font valoir, les appuient et les recommandent depuis 25 ans. Le Comité reconnaît que certains changements ont été effectués au fil des années, mais il les juge insuffisants.

Les principes ci-joints, qui sont issus de nos discussions, doivent servir de balises essentielles. Nous croyons que l’adoption de la philosophie et des concepts décrits plus bas, autant dans les pratiques que dans les politiques, permettra de créer un système holistique qui améliorera la situation des personnes les plus vulnérables de l’Ontario – celles qui sont les plus à risque, et dont les besoins sont les plus grands.

Ces recommandations proposent des mesures pratiques et réalistes qui pourraient changer fondamentalement la vie des jeunes de l’Ontario, à court et à long terme. Même si certains efforts ont été déployés, nous considérons qu’ils sont loin d’être suffisants – qu’on parle d’efficacité ou de rapidité – pour assurer la sécurité des jeunes pris en charge par l’Ontario.

Le changement est nécessaire, et le besoin, criant. Nous demandons aux personnes en position de pouvoir et d’influence ainsi qu’aux responsables des systèmes d’assumer la restructuration de ces derniers : que la mort de ces jeunes leur serve de leçon, et qu’elles s’en inspirent pour entraîner un changement concret. Nous leur demandons de mettre à profit leur pouvoir et leur influence pour veiller à ce que ces recommandations ne soient pas ignorées, et nous demandons aux personnes en mesure de susciter le changement de prendre la responsabilité de leurs actions auprès du public et des jeunes en réponse à ces recommandations.

Merci encore de nous avoir donné l’occasion de participer.

Le Comité d’experts pour l’examen des décès d’enfants et de jeunes placés en établissement

Helen Cromarty
Sherry Copenace
Aryeh Gitterman
Joanne Lowe
Dr Nathan Scharf
Stella Schimmens
Kim Snow