Principes

Le Comité a défini 10 principes qui sous-tendent ses recommandations :

  1. Tous les jeunes doivent participer aux soins qu’ils reçoivent, être au centre de ceux-ci et les influencer en fonction de leur connaissance d’eux-mêmes et de leur situation. Leurs voix doivent être entendues; nous devons les croire et leur accorder la priorité.
  2. Tous les jeunes doivent avoir l’occasion de découvrir et de comprendre leur histoire, leur culture et les coutumes et enseignements traditionnels.
  3. La prestation de services et de soins aux jeunes, aux familles et aux communautés doit être holistique, axée sur la prévention et adaptée aux besoins. Elle doit combler les besoins physiques, mentaux, émotionnels et spirituels des jeunes.
  4. Nous devons encourager les communautés autochtones à exprimer leurs besoins et à perfectionner les moyens d’y répondre, et leur offrir le soutien et le financement nécessaire pour y parvenir.
  5. Nous devons encourager les communautés autochtones à développer leur autonomie et à entretenir une relation d’égal à égal avec l’Ontario, et leur offrir le soutien et le financement nécessaires pour y parvenir.
  6. Soigner, c’est agir. La prestation des soins doit susciter un sentiment d’accomplissement continu, et s’articuler autour de l’avenir des jeunes.
  7. Les soins sont une responsabilité partagée qui dépasse les frontières organisationnelles, sectorielles, géographiques et juridictionnelles. Nous devons abolir les cloisons entre les systèmes ou les rendre invisibles aux yeux des clients.
  8. Les enfants doivent vivre à la maison tant que c’est possible; sinon, on doit les placer dans un foyer stable et chaleureux aussi longtemps que nécessaire et limiter les transferts et les transitions, dans la mesure du possible.
  9. Nous devons offrir des services aux jeunes et à leur famille dans leur région, ou aussi près de chez eux que possible.
  10. Tous les jeunes doivent aller à l’école ou effectuer un apprentissage équivalent.

Recommandations

Le Comité a formulé cinq recommandations qui pourraient changer considérablement la vie des jeunes de l’Ontario et réduire le fardeau qui pèse sur le système de services sociaux de la province, à court et à long terme.

Aux gouvernements du Canada et de l’Ontario :

  1. Offrir dès maintenant des services équitables et adaptés à la culture et à la spiritualité aux jeunes, aux familles et aux communautés autochtones de l’Ontario.

Plus précisément :

  • S’attaquer aux obstacles structuraux au bien-être, et veiller à ce que tous les Ontariens, y compris ceux vivant dans une réserve, aient accès à de la nourriture, à de l’eau potable, à un logement et à une éducation.
  • Améliorer la disponibilité des services dans les communautés autochtones; plus précisément, la disponibilité de placements sûrs pour les jeunes dans les réserves, dans des endroits choisis par les communautés. 
  • Fournir des ressources équitables pour concevoir, élaborer et offrir des soins familiaux adaptés à la culture et une gamme de services de prévention et de soutien continu, ainsi que pour augmenter la capacité locale dans le but de répondre rapidement aux besoins.
  • Encourager les sociétés autochtones de bien-être de l,enfance à développer leurs propres modèles de soins en maintenant les modèles actuels, et prévoir une période de transition et du soutien pendant la mise en place des modèles de soins privilégiés par les Autochtones. 
  • Offrir du financement et des programmes pour appuyer la guérison des familles des traumatismes intergénérationnels dans les communautés autochtones.

Commentaires du Comité

Parmi les jeunes dont le cas a été étudié, huit étaient autochtones. Tous étaient originaires de réserves du Nord de l’Ontario; or, plusieurs de ces réserves sont éloignées. Ceux dont les familles d’origine habitaient dans une réserve étaient particulièrement désavantagés par rapport aux autres jeunes du groupe étudié par le Comité.

En se basant sur beaucoup de cas analysés et sur les commentaires recueillis auprès des jeunes ayant vécu dans le système, le Comité croit qu’il est évident qu’il existe des inégalités frappantes et alarmantes, et des obstacles structuraux qui ont limité le potentiel de ces jeunes. Dans certains cas, ils n’avaient pas accès à de la nourriture, à de l’eau potable et à un logement adéquat. De même, l’accès à l’éducation, à des loisirs et à des soins de santé était soit limité, soit impossible. Le Comité a fait valoir que lorsqu’on ne répond pas aux besoins fondamentaux des membres des familles et des communautés à se soutenir entre eux et à prendre soin les uns des autres, leur capacité est compromise de façon majeure.

Les effets historiques et actuels du colonialisme et des traumatismes intergénérationnels qui perdurent dans plusieurs communautés autochtones, dont les communautés d’origine des jeunes étudiés par le Comité, ont aussi un effet sur cette capacité. 

Le Comité conclut que jusqu’au moment où ces inégalités seront éliminées et que les communautés autochtones seront soutenues et auront la possibilité de pratiquer la guérison et de mettre en place les modèles de soins qu’ils privilégient, les jeunes continueront d’être exposés, de façon disproportionnée, à des désavantages et des préjudices importants à long terme, ainsi qu’à des prises en charge. 

Aux ministères des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, de l’Éducation, de la Santé et des Soins de longue durée, et des Affaires autochtones :

  1. Définir et offrir un ensemble de services essentiels, bâtir un système de soins intégré pour les jeunes et leur famille et adopter une approche holistique adaptée à chaque enfant de l’Ontario. Les services offerts doivent couvrir les domaines de la santé, de la santé mentale, du bien-être, de l’éducation, des loisirs, de la garde d’enfants, de la santé mentale chez les enfants, de l’intervention précoce, de la prévention et de la déficience intellectuelle. La prestation de services devrait être axée sur la nature des besoins de chaque jeune et de sa famille.

Plus précisément :

  • Effectuer une évaluation des besoins de la communauté pour cibler des lacunes dans les services et des possibilités de réorientation des services selon les différents services essentiels établis.
  • S’attaquer aux pressions systémiques, aux iniquités et aux lacunes relatives à la disponibilité des lits de traitement en santé mentale pour les jeunes.
  • Définir et établir des normes publiques selon la disponibilité géographique de chaque service essentiel.  

Commentaires du Comité

Le Comité a observé qu’aucun des 12 jeunes, ni leur famille et leur communauté, n’ont bénéficié de soins coordonnés et intégrés dès le début de leur interaction avec les systèmes supposés les protéger et les aider, dont la protection de l’enfance, les services liés à la santé mentale des enfants, les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle ainsi que d’autres organisations. Dans tous les récits, il était clair que les fournisseurs de services ne communiquaient pas entre eux et qu’ils n’avaient pas une vue d’ensemble des besoins des jeunes, ce qui occasionnait des lacunes dans les soins. L’éducation ne semble pas avoir été une priorité, et les renseignements sur le parcours scolaire des jeunes étaient souvent lacunaires. Il a donc été difficile d’établir à quel point les jeunes avaient eu accès à l’éducation ou avaient été exposés à des modèles pédagogiques qui répondaient à leurs besoins. La prestation de soins en santé mentale était particulièrement rare, et dans certains cas, inexistante, malgré les besoins évidents qui avaient été ciblés.

Parmi les 12 jeunes, plusieurs ont été pris en charge par divers systèmes de soins. Les services reçus étaient fragmentés et, la plupart du temps, la prestation de services était guidée par les structures et les systèmes en place plutôt que par les besoins des jeunes, de leur famille et de leur communauté. Par exemple, dans bien des cas, la protection de l’enfance a facilité l’accès des jeunes à des services en santé mentale ou à des consultations parce qu’il s’agissait des fournisseurs de services les plus adéquats dans une zone géographique donnée. Dans d’autres cas, la paucité des structures en place limitait tellement l’offre de services que les jeunes, leur famille et leur communauté n’ont pas reçu les services dont ils avaient besoin; souvent, ces services n’étaient même pas offerts. Ces situations étaient plus fréquentes dans les communautés autochtones du Grand Nord, mais il ne s’agit pas des seules populations touchées. Le Comité a noté des limites et des obstacles semblables dans le Sud de l’Ontario, ainsi que dans certains contextes non autochtones.

Le Comité a observé une capacité en apparence minimale de répondre aux besoins complexes de ces 12 jeunes, notamment à leurs besoins en santé mentale, sur tout le territoire ontarien. Il est clair que certains jeunes en Ontario ont besoin de placements spécialisés en traitement de la santé mentale. La disponibilité des lits en santé mentale est en diminution en Ontario et inégale à l’échelle de la province. L’Ontario devrait planifier ses services de façon à pouvoir répondre aux besoins futurs des jeunes, afin de veiller à ce qu’ils ne tombent pas entre deux chaises et qu’ils ne soient pas placés dans des environnements inadéquats, faute d’établissements offrant un traitement spécialisé.

Plusieurs jeunes n’ont pas eu accès à des services importants à distance raisonnable, ce qui a entraîné des déménagements fréquents ou un manque d’accès à ces services. Bien que le Comité reconnaisse que tous les services essentiels ne peuvent être offerts dans chaque communauté ontarienne, des normes prévoyant une distance maximale pour l’accès à des services essentiels devraient être établies. Par exemple, des écoles devraient être accessibles dans chaque collectivité de l’Ontario, y compris dans toutes les Premières Nations.

3.     Élaborer une approche holistique permettant de cibler, de mettre sur pied et d’offrir des services aux jeunes à risque élevé (avec ou sans intervention des services de bien-être de l’enfance) qui assure la continuité des soins jusqu’à l’âge de 21 ans.

Plus précisément :

  • Élaborer et mettre en place un processus d’évaluation holistique normalisée pour tous les jeunes auprès de qui des sociétés de protection de l’enfance interviennent, et ce, dès la première intervention ainsi que lors de toutes les interventions subséquentes, dans le but de cibler les jeunes qui présentent un risque élevé.
  • Effectuer une évaluation exhaustive des besoins des jeunes à risque élevé le plus tôt possible.
  • Assigner un navigateur à chaque jeune à risque élevé, afin qu’il soit une présence stable dans la vie du jeune, qu’il agisse comme un défenseur naturel, comme un administrateur des fournisseurs de services et comme une personne responsable de la continuité des soins.
  • Mettre en place des équipes multidisciplinaires locales pour assurer la planification des services pour les jeunes à risque élevé, indépendamment de l’intervention des services de protection de l’enfance. Inclure les navigateurs et les aînés autochtones à ces équipes.
  • Permettre le partage de l’information entre les fournisseurs de services dans une optique de prestation de services conjointe, avec ou sans le consentement du client.

Commentaires du Comité

Bon nombre des jeunes à l’étude étaient sans aucun doute à risque élevé, mais ils ne semblent pas avoir été évalués en conséquence. Bien que les risques liés à la sécurité aient été fréquemment évalués durant l’intervention de la protection de l’enfance à l’aide des outils exigés par ces services, ceux-ci ne sont pas conçus pour cibler l’ensemble des facteurs associés au risque élevé de ces jeunes et ne permettent donc pas de le faire. Les interventions des services de protection de l’enfance ne semblaient pas toujours y parvenir non plus. Bon nombre de ces jeunes étaient considérés à risque élevé pour des raisons qui n’étaient pas directement associées aux motifs de l’intervention de la protection de l’enfance (p. ex.., capacité cognitive, multiples besoins complexes, soutien minimal). Cette intervention n’était donc pas nécessairement celle qui répondait le mieux à leurs besoins, mais dans certains cas, aucun autre fournisseur de services ne participait activement à la prise en charge de ces jeunes. Les risques à long terme pour le bien-être des jeunes et les issues probables en cas de non-prestation de services ne semblent pas avoir été pris en compte dans beaucoup des cas.

Le Comité recommande d’élaborer et de mettre en œuvre un outil d’évaluation normalisé et pertinent pour mieux cibler les jeunes à risque élevé qui pourraient être vulnérables ou avoir besoin de recevoir des services de façon plus intensive. De nombreux outils d’évaluation existent et pourraient être adoptés ou modifiés rapidement pour répondre à cet objectif précis. De plus, certaines avenues pour l’administration des outils devraient être explorées : beaucoup d’entre eux pourraient être administrés par des personnes formées dans la communauté plutôt que par des employés de la société ou par d’autres personnes possédant des compétences professionnelles. Ceci pourrait permettre de réduire le coût et le fardeau administratif associés à la mise en œuvre de l’évaluation.

Une fois que les besoins des jeunes sont ciblés, il est essentiel de les comprendre pour offrir des services permettant d’y répondre. La plupart des récits à l’étude présentaient de nombreuses lacunes importantes quant à la connaissance et à la compréhension de leurs besoins. Dans certains cas, les évaluations n’avaient jamais été terminées, ou si elles l’étaient, aucun suivi n’avait été fait par la suite.

L’évaluation exhaustive des jeunes aidera à cibler leurs besoins et les fournisseurs de services qui devraient prendre part à l’intervention. Le Comité croit fermement que le fait d’être un jeune à risque élevé ne signifie pas nécessairement qu’un placement soit requis; c’est toutefois ce qui a été observé dans plusieurs des récits à l’étude. Ce modèle a pour but de favoriser le dépistage et l’intervention précoces, ce qui permettra de réduire le risque de méfaits et d’éviter les placements à l’extérieur de la collectivité d’origine dès que cela est possible. Une intervention continue au sein de la famille pourrait, par exemple, être mise en place.

La mise sur pied d’une équipe multidisciplinaire dans un modèle de cercle de soins favorisera une compréhension partagée des options offertes, possibles et faisables pour le jeune. Cela permettra aussi d’établir clairement les limites des responsabilités de chacun, dans une optique de responsabilité et de savoir partagés. Les équipes devraient s’occuper de la planification et de la prestation de services pour les jeunes et leur famille, et devraient rendre des comptes. Elles devraient être formées selon les ressources disponibles dans chaque communauté, mais devraient inclure tous les fournisseurs de services essentiels (voir la deuxième recommandation) et tous les autres fournisseurs de services pertinents (p. ex., éducateurs, aînés, enseignants, fournisseurs de services en santé mentale et en dépendance, justice pour la jeunesse, travail social, psychologie, psychiatrie). Les aînés devraient contribuer à chaque communauté en offrant des conseils quant à la planification et à la prestation de services pour les jeunes autochtones. La participation devrait être obligatoire, et le partage d’information entre les membres de l’équipe devrait être permis. L’opinion du jeune et de ses fournisseurs de soins devrait être prise en compte dans la planification des services.

Le Comité a conclu que les jeunes n’avaient pas accès à des défenseurs en raison de nombreux placements et de la distance les séparant de leur collectivité d’origine et de leur réseau de soutien naturel. Conséquemment, le Comité recommande qu’un « navigateur » soit assigné jusqu’à l’âge de 21 ans lorsqu’un jeune à risque élevé a besoin de différents services et d’un soutien important, ou qu’il vit des changements de placements fréquents. Le navigateur deviendrait alors la personne responsable de mener et de favoriser une approche holistique pour la planification et la prestation de services. Il offrirait une relation stable au jeune et agirait comme personne-ressource et comme défenseur de ses intérêts. Les navigateurs devraient aussi guider la planification et la prestation des soins et soutenir la continuité des soins. Afin de bien remplir ce rôle, ils devraient posséder des compétences de médiation et de coordination des dossiers, de même que de l’expérience de travail avec les jeunes et les familles.

4.     Renforcer la responsabilisation des systèmes de soins et offrir des occasions d’amélioration continue à l’aide de mesures, d’évaluations et de rapports publics.

Plus précisément :

  • Recueillir, relier et intégrer des données de tous les services pour les enfants (l’ensemble de l’approche gouvernementale) pour favoriser la reddition de comptes et mettre en place des modèles de traitement fondés sur les données probantes.
  • Définir des indicateurs et des mesures de résultats visant à évaluer et à mesurer l’expérience vécue par les jeunes, et rendre publiquement des comptes à ce sujet.
  • Instaurer des rapports publics obligatoires sur la disponibilité des placements et sur le respect des normes de placement.
  • Vérifier les documents remplis par les sociétés d’aide à l’enfance et les sociétés autochtones de bien-être de l’enfance afin que l’information requise soit consignée de façon exacte et en temps opportun.
  • Financer expressément l’évaluation de la prestation de services.

L’amélioration du système passe par la compréhension de sa complexité. 

Durant les travaux du Comité, plusieurs données ont été demandées à l’ancien ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse (maintenant le MSESC). Une analyse détaillée a révélé que la collecte de données présentait de nombreux défis. Certaines données jugées essentielles par le Comité n’avaient pas été recueillies. Par exemple, les données sur le nombre de changements de placement ou sur le coût d’une journée de soins dans un certain type de placement ne sont pas colligées de façon normalisée. Les données recueillies ne semblaient pas permettre au ministère d’avoir une bonne compréhension de la disponibilité, de la prestation et du coût total des services pour pouvoir exercer une gouvernance et une surveillance financière adéquates.

De plus, les données disponibles n’étaient pas liées aux données des autres ministères. Il est donc impossible, par exemple, de connaître les dates des placements d’un enfant qui est déplacé d’un établissement vers un hôpital (lors d’une hospitalisation ou, plus souvent, lors de consultations aux services des urgences) ou de se fier aux dossiers électroniques du ministère de l’Éducation pour associer les placements au parcours scolaire de l’enfant. Ces lacunes dans l’information disponible entraînent, autant à l’échelle de la personne qu’à celle de la collectivité, des lacunes majeures dans l’évaluation des résultats, de l’expérience liée aux services reçus, ainsi que de la disponibilité, de la prestation et du coût total des services.

Comme la disponibilité et la prestation des services, l’efficacité a aussi de l’importance du point de vue de la reddition de comptes. Le Comité n’a trouvé aucune preuve dans les documents étudiés démontrant une bonne connaissance, d’un point de vue systémique, de la disponibilité, de la prestation et de l’efficacité des services. Ainsi, le Comité recommande que les données soient recueillies, liées entre elles et intégrées à l’échelle de tous les services pour favoriser la reddition de comptes et pour permettre la mise en place de modèles de traitement fondés sur des données probantes. Par ailleurs, le Comité recommande que les organismes de services reçoivent un financement supplémentaire en plus de leur financement principal pour effectuer l’évaluation des programmes, afin d’en évaluer l’efficacité et de permettre une amélioration continue. 

Au cœur de la prestation de services aux jeunes se trouve un désir d’améliorer leur bien-être. Le système actuel n’offre pas beaucoup de renseignements l’état des jeunes dans le réseau de services de la province. Les sociétés d’aide à l’enfance et les sociétés autochtones de bien-être de l’enfance sont tenues de présenter publiquement cinq indicateurs liés à la sécurité, à la stabilité et au bien-être des enfants et des adolescents. Cela dit, un seul de ces indicateurs est lié au bien-être : la qualité de la relation entre le jeune et le fournisseur de soins pour les enfants pris en charge (les autres concernent les enjeux de sécurité et de stabilité). Il existe de nombreuses limites associées à l’utilisation de cet indicateur, et la population mesurée est relativement petite par rapport au nombre d’enfants et d’adolescents auprès de qui interviennent les services de bien-être de l’enfance. Le Comité souligne que d’autres indicateurs et mesures des résultats seraient requis pour évaluer l’expérience des jeunes.

En plus d’évaluer l’expérience vécue par les jeunes lorsqu’ils reçoivent des soins, il est également important d’en mesurer la qualité. Le Comité recommande au Ministère d’instaurer des rapports publics obligatoires sur le respect des normes de qualité établies par les établissements de placement (voir la cinquième recommandation).

En plus des données quantitatives recueillies, des données qualitatives sont aussi régulièrement colligées dans les documents qui doivent être obligatoirement remplis par les sociétés d’aide à l’enfance et les sociétés autochtones de bien-être de l’enfance. Ces documents visent à guider la planification et la prestation de services, de même qu’à signaler au ministère la survenue d’incidents graves. Au cours de l’analyse exhaustive des dossiers des 12 jeunes, il est devenu clair que dans bien des cas, ces documents étaient remplis parce qu’ils devaient l’être, sans que l’on s’attarde à leur but premier. Cette conclusion a été établie en raison du nombre important de passages répétitifs qui semblent avoir été copiés et collés et, dans certains cas, de la présence de renseignements qui ne concernaient pas le jeune dont il était question dans le rapport. Un autre problème relevé est la soumission de rapports ne respectant pas les échéances exigées. Le Comité recommande au Ministère d’analyser les documents remplis, et de les modifier, lorsque cela est possible, afin que les renseignements nécessaires sur le jeune soient consignés dans des délais raisonnables.

Au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires :

 5.    Améliorer dès maintenant la qualité et la disponibilité des foyers pour les jeunes pris en charge.

Plus précisément :

  • Établir des normes de qualité des soins pour tous les environnements de placement, cibler des mécanismes précis pour atteindre ces normes, et effectuer des mesures et un suivi pour s’assurer de leur mise en œuvre et de leur maintien dans le temps. Ces normes devraient aussi s’appliquer à tous les programmes et les services auxiliaires offerts au sein des établissements de placement.
  • Adopter un processus de planification géré par le gouvernement pour planifier et mettre en place un réseau de placements accessibles sur tout le territoire ontarien et fondé sur les besoins ciblés, et mettre en place des mécanismes d’accès aux placements simples et transparents.
  • Publier une directive à l’intention des sociétés d’aide à l’enfance et des sociétés autochtones de bien-être de l’enfance qui leur demande de placer les jeunes :
    • dans des établissements de soins possédant un permis; 
    • dans l’établissement de la plus haute qualité disponible;
    • dans des environnements qui sont en mesure de répondre aux besoins ciblés des jeunes;
    • le plus longtemps possible dans des environnements stables et bienveillants pour réduire au maximum le nombre de déménagements et de transitions;
    • le plus près possible de leur collectivité d’origine, lorsque cela ne présente pas de risque pour la sécurité.
  • Élaborer rapidement une stratégie de ressources humaines dans le secteur des placements en établissements pour s’attaquer au recrutement et aux compétences des fournisseurs de soins, ainsi qu’au maintien des effectifs. La stratégie devrait comprendre les éléments suivants :
    • une vérification préalable de la formation du personnel et du respect des normes dans les établissements de placement;
    • une formation obligatoire avant le placement pour les fournisseurs de soins en familles d’accueil et en foyers de soins conformes aux traditions, portant notamment sur le soutien des jeunes qui présentent des problèmes de santé mentale, le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, sur la déficience intellectuelle, l’usage de substances, l’effet des médias sociaux et d’Internet sur les jeunes, et la traite de personnes; 
    • une stratégie de recrutement et de maintien des effectifs dans le Nord pour tous les services s’adressant aux enfants, dans le but de soutenir le développement d’une main-d’œuvre locale qualifiée répartie selon une évaluation des besoins.

La majorité des recommandations du Comité visent à augmenter le potentiel des jeunes à rester chez eux, avec leur famille. Le Comité reconnaît que lorsque des soins ne peuvent être offerts en toute sécurité au domicile, un placement à l’extérieur est nécessaire. Le Comité croit fermement que des établissements de placement de haute qualité, assurant la sécurité des jeunes et situés le plus près possible de leur domicile devraient être offerts aux jeunes qui en ont besoin.

L’examen du Comité a révélé que les placements semblaient être organisés selon la disponibilité des établissements plutôt que selon la compatibilité avec les jeunes. La disponibilité des placements et les mécanismes d’accès n’étaient pas bien compris, la qualité des établissements variait considérablement, le statut de leur permis était variable, difficile à comprendre ou incohérent dans la province, et les personnes responsables d’offrir des soins aux jeunes ne possédaient pas les compétences requises pour le faire. 

Le Comité ne croit pas que le système actuel de gestion des permis permet de connaître et de surveiller la qualité des soins dans les environnements de placement ni d’exiger qu’ils rendent des comptes. De plus, il remarque que les normes en matière de qualité des soins diffèrent des normes pour l’acquisition de permis. 

Beaucoup d’établissements de placement offrent des programmes et des services auxiliaires en plus d’être un lieu d’hébergement. Ces services incluent parfois des classes visées par l’article 23, des services de santé mentale ou d’autres programmes. Des normes en matière de qualité des soins devraient aussi être mises en place, mesurées et surveillées pour ces programmes et ces services, lorsqu’ils sont offerts.

Il était aussi évident que le système actuel ne gère pas les placements selon les besoins futurs des jeunes et en fonction de la proximité avec leurs collectivités d’origine. Le Comité propose d’adopter un processus géré par le gouvernement pour cibler les besoins des établissements de placement qui possèdent un permis, pour planifier leur disponibilité et pour en mettre sur pied, dans le but de favoriser un accès équitable de façon économique. 

Le Comité a noté qu’une stratégie de développement des effectifs sera élaborée par le ministère et que sa mise en œuvre est prévue pour 2025. Le Comité affirme que la présence de travailleurs qualifiés qui s’occupent des jeunes dans les établissements qui possèdent un permis devrait être une priorité, et que les travaux visant à atteindre cet objectif devraient commencer immédiatement afin d’atténuer les risques auxquels sont exposés les jeunes pris en charge par le gouvernement de l’Ontario.

« Beaucoup de ces recommandations semblent toucher des droits de la personne fondamentaux »

Réponses des jeunes aux recommandations

Trois groupes de jeunes ayant vécu dans le système se sont réunis à Kenora, à Thunder Bay et à Toronto, et ont exprimé leurs réflexions pour soutenir les travaux du Comité. Après les réunions du Comité, les groupes se sont réunis à nouveau. Le personnel du BCC leur a présenté les recommandations du Comité et leur a demandé quels effets elles pourraient avoir sur leur expérience et comment elles pourraient améliorer la situation si elles étaient mises en œuvre.

La très grande majorité des jeunes étaient d’accord avec les recommandations et estimaient que la mise en œuvre des mesures proposées par le Comité pourrait avoir un effet positif sur le bien-être des jeunes de leur collectivité.

Voici certains points soulevés par les jeunes concernant les recommandations.

Ils ont entre autres parlé de l’importance d’assurer une égalité des chances des jeunes autochtones, de leur famille et de leur communauté de recevoir des services utiles et adaptés à leur culture et à leurs croyances.

Les jeunes autochtones ont aussi dit qu’il était important que leurs besoins fondamentaux soient comblés. Ils ont fait observer que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones devrait être honorée et mise en œuvre en Ontario, et que ces droits devraient être enseignés tôt aux jeunes autochtones.

Ils ont également parlé de la nécessité que les services de santé mentale soient offerts en tout temps dans les réserves et que les fournisseurs de services soient uniformes dans leur réponse; ils ont ajouté que des jours pouvaient s’écouler avant que l’aide soit offerte, et que bien souvent, on ne pouvait se permettre d’attendre aussi longtemps. Ils ont aussi mentionné qu’il fallait sensibiliser davantage les communautés sur la prévention du suicide.

Les jeunes ont indiqué que les services devraient être offerts dans les langues autochtones parlées par les usagers. Les fournisseurs de services devraient s’engager à offrir des services à long terme dans les communautés et devraient connaître leur culture, avoir les qualifications nécessaires et savoir à quoi ressemble la vie dans les réserves. Ils ont également souligné l’importance que les fournisseurs de services travaillent dans leurs communautés pour les « bonnes raisons », et non seulement pour faire de l’argent.

Selon eux, les normes relatives aux foyers autochtones devraient être différentes. La famille élargie joue un rôle important dans les communautés autochtones; par conséquent, un proche pourrait s’occuper des jeunes lorsque leurs parents ne sont pas en mesure de le faire.

Ils ont aussi affirmé que les Autochtones et les non-Autochtones devraient travailler ensemble et ont suggéré que les employés non autochtones du gouvernement visitent les réserves avant d’élaborer des politiques et des programmes qui les concernent.

Enfin, ils ont souligné la nécessité d’appliquer le principe de Jordan et d’aider les jeunes à le comprendre.

Services essentiels et système de soins intégré

Les jeunes ont fait savoir qu’ils avaient besoin d’être en contact avec les services avant leur sortie du système. Ils ont indiqué qu’un programme de suivi pourrait les aider.

Ils ont fait savoir que les services de traitement de la consommation de substances, de consultation et de soins traditionnels pour les jeunes autochtones étaient particulièrement nécessaires.

Les jeunes ont mentionné que le concept d’accès à l’éducation devrait inclure des options qui ne font pas partie du programme d’éducation classique.

Ils ont expliqué que les diagnostics de santé mentale devraient être une priorité, mais qu’il faudrait éviter que les jeunes soient transférés d’un médecin à l’autre, puisque cela peut entraîner une surabondance de diagnostics, l’attribution d’étiquettes négatives et une forte médication.

Dépistage des jeunes à risque élevé, planification et prestation de services

Il a été mentionné que certains jeunes sont considérés à risque élevé à cause de leurs parents, d’où l’importance de guérir les parents en plus des enfants.

Beaucoup de jeunes étaient d’avis que les fournisseurs de services devraient pouvoir échanger des renseignements sur les services offerts aux jeunes à risque élevé. Cependant, plusieurs ont dit craindre qu’ils se transmettent des renseignements confidentiels communiqués durant les consultations, soulignant que la confiance est importante et que l’échange de renseignements confidentiels sans consentement pourrait la compromettre. Les jeunes ont insisté sur le fait que les fournisseurs de services devraient faire attention de ne pas divulguer de renseignements communiqués à titre confidentiel, à moins que ce ne soit nécessaire pour des raisons de sécurité.

Les jeunes ont également donné leur avis sur le rôle que pourrait jouer un navigateur auprès des jeunes à risque élevé. La plupart d’entre eux trouvaient que le navigateur serait une ressource utile et aimaient l’idée de pouvoir compter sur une personne qui serait « de leur côté ». D’autres ont indiqué que s’il devait y avoir un navigateur, celui-ci devrait « se battre pour les jeunes et pour personne d’autre », plutôt que de travailler pour les parents de famille d’accueil, le personnel ou d’autres fournisseurs de services. Certains jeunes estimaient que c’était le travail des travailleurs des sociétés et ont dit craindre que l’ajout d’un type d’emploi n’entraîne la perte de travailleurs des sociétés. Ils ont souligné qu’avec ou sans navigateur, il fallait faire quelque chose pour diminuer le roulement des travailleurs des sociétés et ainsi permettre aux jeunes de tisser des liens et d’établir des relations de confiance avec eux.

Il a été suggéré que le rôle du navigateur soit également de surveiller les changements dans la médication des jeunes, puisqu’il arrive qu’ils soient fréquents et souvent négligés ou pas assez surveillés.

Il a également été suggéré d’établir un partenariat avec l’organisme Grands Frères Grandes Sœurs pour trouver des navigateurs.

Renforcement de la responsabilisation et possibilités d’amélioration continue

Il faudrait donner plus d’occasions aux jeunes de l’Ontario qui sont dans le système de donner leur opinion et s’adresser à eux plus souvent. Concrètement, il faudrait demander aux jeunes en famille d’accueil comment ils vont et écouter ce qu’ils ont à dire.

Certains jeunes avaient l’impression qu’une évaluation des services ne servirait à rien, étant donné qu’elle serait peu susceptible d’entraîner des changements.

Par ailleurs, certains jeunes ont appuyé vigoureusement l’idée des visites non planifiées par les concédants de licence dans les foyers pour enfants. Le MSESC travaille actuellement à mettre en place ce type de mesure de surveillance.

Amélioration de la qualité et de l’accessibilité des placements

Les jeunes étaient d’avis que la Prestation fiscale pour enfants devrait être rattachée à l’enfant plutôt qu’à la société. Ils considéraient qu’on violait leurs droits en la donnant aux sociétés.

Ils ont indiqué que les placements à l’extérieur des collectivités d’origine devraient être évités parce qu’ils les empêchent de maintenir les liens avec leur famille. Ils ont aussi avancé qu’il serait important de mieux comprendre les besoins des jeunes lorsqu’ils sont pris en charge et de choisir les placements en fonction des besoins plutôt que de la disponibilité. Ils ont souligné qu’il faudrait mettre l’accent sur les différents besoins des jeunes placés. Par exemple, si un jeune a des besoins plus élevés que d’autres, le personnel ou les fournisseurs de soins devraient concentrer leur attention sur lui plutôt que sur les autres jeunes du foyer.

Lors d’un changement de placement (non urgent), la transition devrait être lente et réfléchie. Des visites du nouveau foyer devraient également avoir été organisées avant la transition. Les jeunes ont expliqué que les nombreux placements peuvent nuire à leur bien-être, et que tout ce qui peut assurer la stabilité et la durabilité du placement peut les aider.

Les intervenants des établissements devraient faire plus d’efforts pour comprendre les raisons qui sous-tendent le comportement d’un jeune au lieu de recourir hâtivement aux mesures de contention ou aux punitions. Il faudrait également surveiller la fréquence d’utilisation des mesures de contention chez les jeunes et évaluer l’efficacité de cette intervention.

Les jeunes jugeaient important que tous les foyers aient un permis. Étant donné qu’il manque de familles d’accueil dans certaines collectivités, il se pourrait que la solution soit d’augmenter le nombre de foyers de groupe, auquel cas il sera essentiel de veiller à ce que ceux-ci offrent des soins de haute qualité.

La majorité des jeunes étaient en faveur de la formation des fournisseurs de soins. Certains ont mentionné en particulier que les fournisseurs de soins devraient suivre une formation pour comprendre les facteurs à considérer pour bien soutenir les jeunes LGBTQI2S.

« Ce n’est pas normal qu’on ait besoin de 12 décès avant que quelqu’un réagisse. Ça fait des années que le système est brisé. »