Avant la création de l’Ordre, c'est le ministère de la Formation et des Collèges et Universités qui devait superviser l’apprentissage et les métiers spécialisés de l’Ontario et ses responsabilités étaient les suivantes :

  • désignation des métiers et des professions,
  • supervision de l’élaboration des normes de programme et de formation,
  • prestation et financement des programmes de formation par l’apprentissage,
  • inscription des apprentis,
  • supervision de l’accréditation des compagnons,
  • établissement de comités consultatifs de l’industrie,
  • détermination de l’accréditation obligatoire et des ratios compagnon-apprenti,
  • établissement des règlements et prise de décisions en lien avec son mandat.

Actuellement, l’Ordre et le ministère se partagent les responsabilités, l’Ordre se chargeant de l’établissement des programmes d’apprentissage, de l’accréditation des compagnons et de la réglementation des métiers, et le ministère assumant la responsabilité de formation par l’apprentissage et de l’accréditation des apprentis.

Comme il a été mentionné précédemment, l’Ordre des métiers de l’Ontario a été créé suivant les recommandations de deux rapports commandés par le gouvernement en 2008-2009 : le rapport de 2008 sur le Projet d’accréditation obligatoire préparé par M. Tim Armstrong et le rapport de 2009 sur l’Ordre des métiers préparé par le juge Kevin Whitaker. Ces rapports ont pavé la voie à l’adoption de la Loi sur l’Ordre des métiers de l’Ontario et l’apprentissage. Les deux rapports se voulaient une réponse à l’insatisfaction qui régnait au sein de la communauté des métiers spécialisés, en particulier autour des processus de classement des métiers et d’établissement des ratios compagnon-apprenti, et au désir de mettre en place une structure de gouvernance dirigée par l’industrie dans l’organisation des métiers.

Le gouvernement a demandé à Tim Armstrong d’examiner l’incidence que pourrait avoir l’élargissement de l’accréditation obligatoire à des métiers à accréditation facultative, et de lui faire des recommandations à ce sujet. M. Armstrong a cerné et traité en profondeur et avec beaucoup de rigueur les différents éléments et les critères qui pourraient éclairer les décisions en matière de classement des métiers. Il a d’abord conclu que la décision de rendre l’accréditation obligatoire pour un métier était d’une importance considérable sur le plan juridique et qu'elle pouvait interférer dans le travail des autres métiers, surtout dans les cas où il y avait chevauchement des tâches entre les métiers. La réflexion et la voie à suivre en ces matières ont continué d’évoluer après que le gouvernement ait reçu le rapport de M. Armstrong. Dans certains cas, M. Armstrong a été mis à contribution, puisque le gouvernement l’a nommé en 2011 président du Conseil des nominations, qui a assuré la fonction de conseil de transition pendant l’établissement du nouvel Ordre des métiers de l’Ontario.

M. Armstrong a spécifiquement recommandé d’établir l’Ordre des métiers de l’Ontario comme un organisme de gouvernance de tous les métiers qui aurait notamment pour fonction de créer des comités d’experts chargés d’examiner les demandes d’accréditation relatives aux métiers à accréditation obligatoire et de faire des recommandations au ministre; de s'investir dans la mise en application de l’accréditation; d’accroître la visibilité et le prestige des métiers; et de fournir des examens périodiques des ratios.

Après la parution du rapport Armstrong, le gouvernement a annoncé son intention de créer un « Ordre des métiers », un organisme de gouvernance de tous les métiers.

Le juge Kevin Whitaker a été nommé conseiller de la mise en œuvre. Son mandat consistait à élaborer la structure de gouvernance, le champ d’application et le mandat de l’Ordre. Dans son rapport de mise en œuvre, le juge Whitaker a souligné que la création de l’Ordre présenterait une série de défis particuliers pour l’organisme lui-même, pour le ministère de la Formation et des Collèges et Universités et pour les métiers.

La version finale de la structure de gouvernance, du champ d’application et du mandat de l’Ordre ne tenait pas compte de tous les conseils fournis par M. Armstrong et le juge Whitaker. Par exemple :

  • La décision de s'écarter des hypothèses émises par Tim Armstrong et de confier la gestion des examens du classement des métiers et des ratios, jusque-là assurée par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités, à un organisme dirigé par l’industrie a sans doute eu la même importance que la création de l’Ordre lui-même. Étant donné les mises en garde que M. Armstrong avait faites concernant l’étendue des répercussions éventuelles que pouvaient avoir les examens du classement des métiers, ces examens doivent être faits dans la plus grande de rigueur et probité.
  • L’Ordre, par l’entremise du conseil de transition, a conclu une entente avec la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) et le ministère du Travail de l’Ontario (MTR). Selon cette entente, la liste des arbitres devait ressembler au modèle de la CRTO. C'était une entorse aux recommandations faites par M. Armstrong et le juge Whitaker concernant la conduite des examens du classement des métiers et des ratios :
    • M. Armstrong recommandait de créer des « comités d’experts » qui seraient chargés d’examiner les demandes d’accréditation relatives aux métiers à accréditation obligatoire et les ratios selon un ensemble donné de critères et de processus. Il recommandait que ces comités agissent comme conseillers auprès du ministre et que leurs membres soient choisis après avoir consulté les intervenants.
    • Le juge Whitaker recommandait de créer des comités d’examen à trois personnes réunissant des arbitres neutres et impartiaux choisis dans le bassin existant de professionnels et d’arbitres en droit du travail œuvrant en Ontario.
    • L’Ordre a présentement recours à un comité d’examen à trois personnes formé d’arbitres neutres et impartiaux, soit un président (nommé par les vice-présidents de la CRTO) ainsi qu'une personne qui représente le point de vue des employés et une autre qui représente le point de vue des employeurs. Les représentants des employés et des employeurs sont affiliés aux métiers spécialisés.

Avec le recul, je crois que la décision du gouvernement de ne pas suivre les recommandations des deux conseillers à ce moment-là était une erreur qui doit être corrigée. J’entends par là que le processus décisionnel actuel sur lequel reposent les examens des ratios et du classement des métiers ne met pas à contribution la vaste gamme de connaissances spécialisées envisagée par M. Armstrong dans son rapport, ou par moi dans celui-ci.

Je suis conscient des difficultés auxquelles l’Ordre se heurte et de la complexité de l’organisation des métiers dans son ensemble. Dans mon examen, je cherche à surmonter des difficultés similaires à celles qu'on retrouvait déjà dans de précédents examens, y compris la nécessité de se concentrer sur l’obligation d’agir dans l’intérêt public. Cela signifie, en partie, que les processus établis pour déterminer les enjeux de l’accréditation obligatoire et des ratios doivent être soutenus par une expérience pertinente et par l’assurance qu'on se déchargera du fardeau de la preuve dans le processus décisionnel.

Je reconnais que l’Ordre a reçu un lourd mandat sans qu'on lui accorde le temps et le soutien nécessaires pour s'acquitter de ces fonctions. L’Ordre a fait d’énormes progrès en peu de temps en procédant aux examens des ratios et du classement des métiers pendant les deux premières années de son existence.

Fonctions multiples — Attentes élevées

L’Ordre des métiers de l’Ontario est, sans contredit, le premier organisme de réglementation professionnelle pour les métiers spécialisés au Canada et, selon la recherche menée dans le cadre de cet examen, le premier du genre dans le monde.

L’Ordre a été créé en 2009 avec le mandat de protéger l’intérêt public dans la poursuite de ses objets et l’exercice de ses fonctions en tant que :

  • organisme de formation, responsable de créer des programmes d’apprentissage, y compris des normes de formation en industrie pour les 156 métiers spécialisés désignés par la LOMOA;
  • ordre professionnel responsable de réglementer ses membres et l’exercice des métiers à accréditation obligatoire;
  • organisme délégué responsable de :
    • déterminer si un métier devrait faire l’objet d’une accréditation obligatoire;
    • fixer les ratios compagnon-apprenti appropriés pour les métiers assujettis à des ratios;
    • faire respecter les interdictions de la LOMOA, y compris par les agents des infractions provinciales nommés par le ministre en vertu de la Loi sur les infractions provinciales.

Ces multiples fonctions ont créé des attentes élevées à l’égard de l’Ordre. Bien qu'il soit possible pour un organisme de s'acquitter de ces tâches, il est compréhensible que, pendant les deux premières années de son existence, l’Ordre ait eu quelques difficultés à établir des attentes claires relativement à son mandat et à se montrer à la hauteur des attentes de ses intervenants.

L’absence d’une définition précise de ce qui constitue l’intérêt public dans sa loi habilitante complique encore un peu plus les choses. Une définition claire pourrait servir de fil conducteur dans les gestes posés par l’Ordre dans l’exécution de son mandat. Le conseil de l’Ordre sera peut-être réconforté d’apprendre que d’autres organismes de réglementation font face à ce défi, qui nécessite un suivi et une évaluation continus. Une recherche menée dans le cadre de cet examen concernant l’expression « intérêt public » dans les lois habilitantes et les sites Web publics d’autres organismes de réglementation a révélé que les méthodes utilisées pour démontrer que l’intérêt public a été servi varient d’un organisme à l’autre. En voici quelques exemples : des comités constitués de non-membres chargés de surveiller l’intérêt public, des lignes directrices claires en matière de conflit d’intérêts pour les conseillers ou la direction, et la publication des résultats d’un sondage mené par un tiers dans le but d’évaluer la perception, l’attitude et l’opinion du public à l’égard de l’organisme. Voilà un aspect sur lequel l’Ordre devra se pencher.

L’Ordre s'acquitte d’un vaste et complexe mandat dans l’organisation des métiers, qui comporte de multiples facettes et qui a évolué au cours d’une longue période de temps. Il y a eu des intérêts divergents entre les différentes parties prenantes au sein de la structure. Ce n'est pas étonnant, en convient M. Dean, que la structure de l’Ordre provoque des tensions et que sa gouvernance soulève des questions. Cet examen est l’occasion pour l’Ordre d’améliorer ses processus et de clarifier son mandat, avant que les processus et les pratiques qui suscitent la controverse s'enracinent trop profondément. Lors de mes discussions avec les différents intervenants, j’ai senti que l’occasion de l’examen provoquait un vent d’optimisme, même chez ceux qui avaient de sérieux doutes à propos de l’Ordre. Le moment est venu pour l’Ordre de bien saisir son mandat.