L’économie ouverte et moderne compte sur une offre de main-d’œuvre mobile possédant des compétences pertinentes pour l’industrie. Afin de mieux comprendre la façon dont les gouvernements et l’industrie travaillent de concert pour soutenir les travailleurs spécialisés dans les métiers, nous avons fait des recherches sur les pratiques adoptées en vertu de la réglementation en ce qui concerne l’apprentissage et les métiers spécialisés dans les autres provinces canadiennes et dans d’autres pays. Dès le début des travaux de recherche, le secrétariat des politiques a communiqué avec des directeurs de l’apprentissage au Canada pour comprendre comment les métiers étaient organisés et découvrir les outils et les mécanismes de gouvernance ils utilisaient pour régler certains des problèmes couverts par mon mandat. Quatre provinces — la Nouvelle-Écosse, le Québec, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique — ont répondu à notre appel et le personnel du secrétariat s'est entretenu avec des membres de direction au moyen d’une série de conférences téléphoniques et de courriels. Le secrétariat des politiques a également questionné le secrétariat de l’Organisation de coopération et de développement économiques à propos de sa recherche sur l’organisation des métiers et leur réglementation respective. Le secrétariat a aussi utilisé la recherche qui avait été préparée à l’intention des fonctionnaires du ministère qui ont participé à une tournée fédérale-provinciale en 2014 visant à étudier les programmes d’apprentissage du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Nous nous sommes attardés à étudier les structures législatives et politiques de ces deux pays, car elles présentent des caractéristiques qui méritent d’être mieux comprises. L’organisation des métiers au Royaume-Uni est en pleine période de transformation, l’examen de l’apprentissage (Richard Review)footnote 6 réalisé en 2012 ayant contribué à modifier la conception du programme d’apprentissage. La méthode de l’Allemagne est intéressante, car l’organisation des métiers y est bien établie, la législation définit le mandat et les responsabilités des intervenants et  les voies d’accès à l’emploi pour les apprentis sont clairement définies.

Malgré des différences frappantes dans l’organisation des métiers, certaines caractéristiques nous aident à situer l’Ontario dans le contexte international. Bien entendu, il y a des limites à ce que l’on peut retirer de l’examen des politiques et des pratiques d’autres territoires, étant donné les facteurs culturels, historiques et politiques qui influent sur l’organisation des métiers. Néanmoins, bon nombre des territoires font face aux mêmes défis (comme le chômage chez les jeunes) qu'ils essaient de réduire en partie en attirant davantage de jeunes vers les métiers et en améliorant leur apprentissage, en soutenant l’achèvement de apprentissage et en renforçant le rapport entre la formation professionnelle et d’autres formes d’études supérieures. Dans l’ensemble, on reconnaît que l’apprentissage bénéficie d’une solide collaboration entre les partenaires de l’éducation, de la formation, de la main-d’œuvre et de membres de direction et que cette collaboration crée d’excellentes voies d’accès à l’emploi dans différents secteurs.

Le nombre de métiers et de professions qui ont recours à l’apprentissage comme modèle de formation varie d’un territoire à l’autre. L’Ontario, avec ses 156 métiers, dont 47 portant la mention Sceau rouge, a le plus grand nombre de métiers reconnus au Canada. La Nouvelle-Écosse compte 69 métiers, dont 57 portant la mention Sceau rouge. La Colombie-Britannique en compte plus de 100, dont 48 portant la mention Sceau rouge. Au Québec, le secteur de la construction compte 25 métiers offrant une formation en apprentissage ainsi que 30 professions qui n'offrent pas de formation en apprentissage mais une formation en milieu de travail. À l’extérieur du Canada, certains pays ont une notion plus large de la formation en apprentissage, qui englobe des professions et des stages dans un large éventail de métiers traditionnels et de services professionnels. L’Australie et l’Angleterre comptent respectivement 500 et 1 500 professions).footnote 7 L’Allemagne compte environ 350 métiers à accréditation « facultative » (avec quelques restrictions quant à l’emploi de certains titres et au droit d’avoir une entreprise exerçant des activités professionnelles de certains domaines), mais que beaucoup d’entreprises considèrent comme une condition préalable à l’emploi.

On trouve, d’une part, des systèmes unitaires qui présentent un degré élevé de centralisation du financement, de la planification et de la réglementation (comme en Angleterre) et, d’autre part, des systèmes fédéraux qui délèguent l’autorité sur ces aspects à des organismes de réglementation selon un degré variable de coordination entre les paliers de gouvernement ou ces organismes (comme au Canada)footnote 8. Au Royaume-Uni, le gouvernement central a dévolu à l’Écosse et au pays de Galles le pouvoir d’établir les politiques et les programmes de formation et les compétences. La Skills Funding Agency, sous l’égide du Department for Business, Innovation & Skills, assure, en Angleterre, une fonction de coordination centrale; elle est responsable d’un certain nombre de domaines, dont la promotion de l’apprentissage, l’aide aux employeurs au moyen du processus de recrutement et de formation, et le service de jumelage apprentis-employeurs (le National Apprenticeship Service). Au Canada, au contraire, la gestion de ces fonctions est effectuée aux niveaux provincial et territorial et est assurée par des organismes de réglementation, des ministères et des organismes du domaine de la formation. Le gouvernement fédéral coordonne la mobilité de la main-d’œuvre au Canada au moyen d’initiatives comme le programme du Sceau rouge (d’application interprovinciale) et, au niveau provincial, sur une base bilatérale ou multilatérale, de manière à assurer l’uniformité des normes de formation et à favoriser le développement économique régional.

Avoir un organisme de coordination central reconnu peut être un atout, car cela peut aider les intervenants à se mettre ensemble pour trouver des solutions aux problèmes. L’Angleterre est en train de revoir les normes d’apprentissage de tous les métiers et d’en créer de nouvelles afin que tous les nouveaux apprentis en 2017-2018 soient assujettis aux nouvelles normes élaborées par les employeurs. Ces travaux sont coordonnés par la Skills Funding Agency, en collaboration avec l’industrie.footnote 9 La coordination centrale peut favoriser la cohérence et éviter le chevauchement de responsabilités à l’égard de l’organisation des métiers.

Aspects légaux

C'est assez révélateur de voir que tous les territoires examinés ont un cadre législatif en matière d’apprentissage et de métiers. La Apprenticeship, Skills, Children and Learning Act, 2009 du Royaume-Uni définit en quoi consiste l’achèvement d’un programme d’apprentissage en Angleterre et au pays de Galles, et confirme quels sont les organismes autorisés à délivrer des certificats dans ces pays. L’Angleterre a également une loi qui précise le rôle du gouvernement dans le financement des apprentis (Education Act, 2011). Les normes de formation minimales en Angleterre ont été établies en 2012 par la Skills Funding Agency et le National Apprenticeship Service dans le cadre d’un énoncé de politique. Un projet de loi, Enterprise Bill, annoncé par le gouvernement britannique au printemps 2015footnote 10 conférerait un caractère légal au terme « apprentissage » en Angleterre et interdirait aux formateurs d’offrir une formation en apprentissage qui ne serait pas officiellement reconnue.

Les provinces que nous avons consultées ont des lois et des règlements qui précisent quels sont les métiers à accréditation obligatoire ou à accréditation facultative et fournissent une définition des métiers. Les provinces qui ont un organisme chargé de la formation en industrie ou de la formation en apprentissage ont une loi habilitante pour constituer l’organisme de réglementation des métiers et clarifier ses liens avec l’industrie et le gouvernement. Curieusement, l’Ontario est le seul endroit au Canada doté d’un organisme de réglementation professionnel pour les métiers spécialisés.

Mis à part le recours à la législation pour réglementer le système de métiers, certains territoires que nous avons examinés utilisent des lois pour clarifier les rôles et les responsabilités des personnes et des organismes dans l’organisation des métiers. L’Allemagne, par exemple, se démarque comme ayant des responsabilités légales bien établies qui sont déléguées à des membres des secteurs public et non public. Selon nos recherches, cette clarté des rôles dans le système allemand favorise la collaboration entre les intervenants. Par conséquent, la réglementation peut être suffisamment souple pour répondre aux besoins de l’économie, tout en offrant des options pour alléger les tensions entre les intervenants.

Des défis communs, des approches différentes

Pendant que nous examinons les pratiques qui ont cours dans les autres territoires, il importe de souligner que l’organisation des métiers a évolué sur de longues périodes, rendant impossible l’adoption en vrac d’approches en apparence efficaces. L’Allemagne a fréquemment attiré l’attention des décideurs au cours des dernières années footnote 11, grâce à un bas taux de chômage enviable, particulièrement chez les jeunes. Le degré de participation des comités d’entreprise, formés de représentants de l’employeur et des employés, dans les décisions de l’entreprise, et le rôle actif que jouent de nombreux intervenants sociaux dans la formation des gens dans environ 350 métiers, font du système allemand un exemple unique qu'il est difficile, voire impossible, de reproduire. En comparaison, l’organisation structurée des métiers en Ontario est relativement nouvelle, les plus importantes mesures législatives ayant été prises au 20e siècle pour réglementer les métiers à un moment où l’économie était en pleine révolution.

Malgré les différences observées dans l’organisation et la réglementation, nous avons découvert quelques objectifs communs qui émanent des politiques de ces territoires. Les gouvernements reconnaissent l’importance de créer des voies d’accès à l’emploi pour les jeunes. L’élaboration des normes de formation doit être dirigée par l’industrie, ou en consultation avec l’industrie, et permettre la mobilité en cours de carrière. Les organismes et les organismes responsables de la formation qui travaillent avec l’industrie ont le mandat clairement formulé de faire participer les employeurs au processus décisionnel. Pour servir les objectifs de la politique, les organismes de réglementation visent une responsabilité envers l’industrie et le public, et offrent souvent des soupapes — dans la loi ou la politique opérationnelle — pour régler les questions litigieuses. ll est bon de garder ces objectifs de la politique publique à l’esprit alors que nous devons examiner les enjeux sous l’éclairage de l’intérêt public.


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