Mon mandat stipule que je dois procéder à une analyse des champs d’exercice et formuler des conseils et des recommandations à cet égard. Je crois qu'il est possible de clarifier et d’améliorer la façon dont l’Ordre prend ses décisions concernant les champs d’exercice, ainsi que la façon dont les champs d’exercice sont utilisés pour soutenir la réalisation des objets et des fonctions prévus par la Loi sur l’Ordre des métiers de l’Ontario et l’apprentissage (LOMOA).

Pour l’instant, un champ d’exercice est une description du travail d’un métier. De nombreuses professions autoréglementées en Ontario — des éducatrices et éducateurs de la petite enfance jusqu'aux techniciens-spécialistes agréés en ingénierie — ont recours aux champs d’exercice dans leurs activités de formation, leurs activités professionnelles et leurs activités relatives à la réglementation. Dans le système de l’Ordre des métiers de l’Ontario, chaque métier a son propre champ d’exercice. Les dispositions actuelles portant sur les champs d’exercice des 156 métiers de l’Ontario sont énoncées dans quatre règlements pris en application de la LOMOA, soit un règlement pour chacun des secteurs de la construction, de l’industrie, de la force motrice et des services. Ces champs d’exercice ont été essentiellement « importés » du régime précédent, et leur origine se trouve dans les documents de formation et les règlements pris en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle et l’apprentissage des gens de métier(LQPAGM) ou de la Loi sur l’apprentissage et la reconnaissance professionnelle (LARP).

Les champs d’exercice sont au cœur l’organisation des métiers de l’Ontario, et ils appuient bon nombre des objets et fonctions de l’Ordre. Les normes de programmation et de formation par l’apprentissage devraient découler du champ d’exercice du métier. La formation des apprentis de ce métier devrait couvrir tous les aspects du métier. De plus, le champ d’exercice d’un métier est un des nombreux critères que les comités d’examen doivent désormais prendre en considération pour déterminer si un métier en sera un à accréditation obligatoire ou facultative et pour établir le ratio compagnon-apprenti approprié pour un métier assujetti aux ratios. Enfin, les champs d’exercice servent présentement de critère de base pour déterminer si les interdictions contre l’exercice non autorisé de métiers à accréditation obligatoire énoncées dans les articles 2 et 4 de la LOMOA sont respectées.

De mes discussions avec les intervenants de l’Ordre est ressorti un thème commun selon lequel les champs d’exercice sont désuets et incohérents, et peuvent difficilement être appliqués de façon générale dans l’exercice des fonctions de l’Ordre.

Utilisation des champs d’exercice aux termes de la LOMOA

Le travail de l’Ordre s'est compliqué avec la fusion de différents concepts de réglementation et de non-réglementation datant d’avant la LOMOA. Avant la LOMOA, dans la législation ontarienne, il n'y avait pas de champs d’exercice pour tous les métiers. Il y avait :

  • des « définitions de métiers » ou de la « portée des métiers » dans les règlements pris en application de la LQPAGM;
  • des « définitions de métiers » dans la LARP pour des « ensembles restreints de compétences »;
  • des « normes de programme et de formation » pour les métiers régis par la LARP, qui ne se trouvaient pas dans les règlements. 

Ces concepts provenant de ces deux lois avaient une portée limitée. Leur fonction première était de servir à l’établissement de normes de formation en apprentissage. Tranquillement, les normes de descriptions de métier provinciales et des analyses nationales de professions sont entrées dans l’usage. À des fins d’application de la loi, le ministre du Travail avait le pouvoir de déterminer si une personne qui exécutait un travail dans le cadre d’un métier à accréditation obligatoire en vertu de la LQPAGM ou d’un ensemble restreint de compétences en vertu de la LARP possédait les compétences nécessaires.

La LOMOA comprend les descriptions et les normes de la LQPAGM et de la LARP dans ses dispositions actuelles et les a utilisées à différentes fins, notamment les descriptions de métier pour appliquer le droit d’exercer un métier à accréditation obligatoire, pour élaborer des normes de programme et de formation et pour déterminer le classement ou le reclassement d’un métier en tant que métier à accréditation obligatoire ou facultative. Ce mélange des différents concepts et leur application a provoqué certains problèmes, dont certains relèvent de mon mandat.

Plus particulièrement, les champs d’exercice de certains métiers particuliers ont soulevé des difficultés et des questions concernant l’utilisation des champs d’exercice pour guider l’Ordre dans son application de la loi. Ces difficultés ont été soulevées dans les documents d’information préparés par l’Ordre en vue de cet examen et ont inspiré certaines des questions soulevées dans mon questionnaire du guide de consultation.

L’Ordre utilise les champs d’exercice pour appliquer les interdictions relatives à l’exercice non autorisé d’un métier à accréditation obligatoire en vertu de la LOMOA et déterminer ce que signifie « exercer un métier à accréditation obligatoire » au sens des articles 2 et 4 de la LOMOA. Je comprends que l’Ordre, dans l’exercice de ses fonctions d’application et de respect de la loi, suit, comme certains pourraient le croire, « à la lettre » la description des champs d’exercice des métiers à accréditation obligatoire pour déterminer ce que signifie « exercer un métier à accréditation obligatoire », en déterminant que tout exercice isolé de quelque élément de travail du champ d’exercice est considéré comme « exercer » un métier à accréditation obligatoire, sous réserve des exclusions, des exemptions et des chevauchements des champs d’exercice. Par exemple, l’Ordre a mis en place une série d’outils pour soutenir l’interprétation des champs d’exercice afin d’aider ces agents d’application de la loi sur le terrain, notamment : 

  • une « grille des champs d’exercice », décrite par l’Ordre comme étant « conçue pour décomposer la formulation d’une description d’un champ d’exercice et déterminer les différentes activités possibles ou les éléments de travail que contient cette description »; footnote 12
  • des « grilles de chevauchement des tâches » footnote 13 et un « catalogue général des chevauchements » footnote 14 qui servent ensemble à repérer les chevauchements dans la formulation des champs d’exercice de différents métiers.

Par contre, cela soulève à mon avis la question de savoir si un champ d’exercice peut, ou devrait, être utilisé seul, sans tenir compte d’autres facteurs présents sur un chantier ou dans un contexte plus large de formation ou de surveillance du travail exécuté sur le site. Cela est particulièrement inquiétant lorsqu'il est question d’application de la loi dans un monde ou l’exercice des métiers est rarement effectué de façon isolée des autres métiers, et où il est plus que probable qu'il y ait chevauchement de tâches d’autres métiers.

Ainsi, il est raisonnable de croire que l’Ordre n'a pas l’obligation de suivre, dans chaque cas, à la lettre la description des champs d’exercice pour justifier son application des interdictions prévues dans la LOMOA et qu'il pourrait s'avérer profitable d’examiner la façon dont ces descriptions favoriseraient l’application de la loi sous l’éclairage de l’intérêt public.

La façon dont les champs d’exercice sont utilisés aujourd’hui et selon laquelle la totalité du contenu d’un champ d’exercice est également harmonisé avec son statut dans le classement du métier; c'est-à-dire que le travail décrit dans le champ d’exercice d’un métier à accréditation obligatoire est limité à ce métier. Toutefois, il n'est pas rare que le travail se chevauche dans deux ou plusieurs métiers. Cela s'explique par l’histoire des métiers, les pratiques sur les lieux de travail, des ententes antérieures et les pressions exercées par la concurrence. Il est réaliste de supposer que ces chevauchements continueront d’exister sous une forme ou une autre. En fait, la propre interprétation juridique de l’Ordre concernant le chevauchement des champs d’exercice des métiers à accréditation obligatoire et facultative (bien qu'elle soit héritée) confirme cette hypothèse de la réalité permanente des chevauchements.

  • Lorsque des chevauchements existent entre des champs d’exercice de métiers à accréditation obligatoire et facultative, l’Ordre adopte l’interprétation juridique selon laquelle, si une tâche est inscrite dans le champ d’exercice d’un métier à accréditation facultative, tout le monde peut effectuer cette tâche, même si elle se trouve également dans le champ d’exercice d’un métier à accréditation obligatoirefootnote 15. Cette interprétation a créé quelques difficultés, car il n'est pas certain que le fait de l’appliquer passe toujours le test de l’intérêt public.
  • Les gestionnaires de l’Ordre chargés de l’application de la loi ont décidé d’appliquer sur les lieux de travail la totalité des activités comprises dans les champs d’exercice des métiers à accréditation obligatoire. D’après le rapport Armstrong, c'est le cas même lorsqu'une plainte porte sur des fonctions périphériques simples et non risquées qui ne font pas partie des tâches principales et essentielles du métier.

Certaines descriptions de métier importées de versions précédentes étaient très générales et pas particulièrement utiles pour établir la portée du travail d’un métier. Cela vient peut-être de l’idée qu'un métier devrait exister en tant que métier « complet » présentant des domaines d’exercice exclusifs, qui ne peuvent empiéter sur ceux d’autres métiers. Dans la pratique, les gens de métier se concentrent souvent sur certains aspects particuliers de leur métier, et souvent, certains aspects sont communs à plusieurs métiers. Par conséquent, il est raisonnable de s'attendre à une certaine spécialisation (quant aux tâches et aux responsabilités, entre autres) dans un champ d’exercice. Mais, souvent ce n'est pas le cas.

Une formulation trop générale d’un champ d’exercice complique le travail, car elle voile les tâches qui se chevauchent d’un métier à l’autre. Cela crée de la confusion lorsque le champ d’exercice est utilisé à d’autres fins. Étant donné que les champs d’exercice n'ont pas été conçus à l’origine pour tenir compte de l’intérêt public ou du fait que le champ d’exercice pouvait servir à plusieurs fins, il va de soi qu'on puisse les réviser et les clarifier. L’Ordre et ses intervenants en sont déjà pleinement conscients. Toutefois, comme c'est le cas de biens d’autres questions complexes et épineuses qui surgissent dans une organisation, celle des champs d’exercice est restée sous la surface (bien qu'elle ait été abordée dans le rapport Armstrong). En tant qu'examinateur mandaté par l’Ordre pour examiner ces questions sous l’éclairage de l’intérêt public, je me dois de soulever ces questions et d’en discuter.

L’approche actuelle adoptée à l’égard des champs d’exercice n'a pas tenu compte de la mise en garde du rapport Armstrong selon laquelle « les contours de parties des éléments fonctionnels du métier que l’on cherche à inclure dans la description obligatoire du métier peuvent donner lieu à des problèmes de chevauchement indésirables qu'il est possible d’éviter (p. ex., l’inclusion de fonctions périphériques simples et non risquées qui ne font pas partie des tâches importantes et essentielles du métier). (traduction libre) » Un concept de réglementation plus clair permettra de faciliter le processus décisionnel de l’Ordre, et l’aider à servir plus efficacement l’intérêt public. Sans cette clarté, l’Ordre :

  • pourra difficilement définir les rôles et les responsabilités quant à l’utilisation des champs d’exercice;
  • aura de la difficulté à mettre en œuvre un processus impartial et crédible d’examen des champs d’exercice, qui reflète l’importance de protéger tant l’intérêt public que l’équilibre parmi les intérêts privés.

En élaborant un concept plus précis des champs d’exercice, l’Ordre devra s'assurer de concevoir des champs d’exercice qui :

  • ont une « étendue » appropriée, c'est-à-dire ni trop vaste — car cela pourrait donner lieu à des « glissements » et inciter certains métiers à se servir des champs d’exercice pour s'approprier davantage de travail — ni trop étroite — ce qui ferait en sorte que la description du métier ne serait pas suffisamment détaillée pour être utile à la formation ou à d’autres fins (ou assez réflexive pour s'adapter à l’évolution des technologies et du travail);
  • tiennent compte du risque de préjudice et de la question de savoir s'il est dans l’intérêt public de limiter des activités non dommageables à un métier particulier.

Depuis la création de l’Ordre, de nombreux conseils de métier ont reconnu la nécessité de revoir les champs d’exercice s'appliquant à leurs métiers. Ils ont demandé à ce qu'ils soient modifiés pour :

  • refléter les pratiques actuelles du métier;
  • retirer les tâches ou les éléments qui ne sont plus pertinents pour le métier;
  • tenir compte des nouvelles technologies, des nouveaux processus et du nouvel équipement;
  • harmoniser ceux-ci avec ceux des métiers équivalents dans les autres provinces et territoires afin de favoriser la mobilité de la main-d’œuvre et servir à l’obtention de la mention Sceau rouge.

Ce n'est pas simple de faire de tels changements.

Champs d’exercice : Ce que font les autres provinces canadiennes

La recherche menée dans le cadre de cet examen a révélé des différences dans la conception et l’utilisation des champs d’exercice :

  • Des champs d’exercice pour les métiers spécialisés existent dans toutes les provinces canadiennes, sauf en Colombie-Britannique.
  • De nombreuses provinces sont aux prises avec les mêmes enjeux en ce qui a trait aux chevauchements, à la mise en application et à l’accréditation obligatoire des métiers.
  • Le degré de restriction des champs d’exercice varie d’une province à l’autre, allant d’une très grande restriction jusqu'à une grande latitude.
  • Les champs d’exercice de tous les métiers sont déterminés au niveau provincial. Dans le cas des métiers portant la mention Sceau rouge, les champs d’exercice provinciaux sont souvent fondés sur des normes nationales, comme il est établi dans les Analyses nationales de professions relatives à ces métiers.
  • Dans certaines provinces, les champs d’exercice sont révisés régulièrement pour intégrer les changements de processus et de technologie. Dans d’autres provinces, comme la Saskatchewan et le Québec (secteur de la construction), le processus de révision est déclenché par l’industrie.
  • Plus d’une province a reconnu le problème que constitue le chevauchement des tâches :
    • Lorsqu'elle veut régler les chevauchements des métiers, la Saskatchewan Apprenticeship and Trade Certification Commission demande d’abord des précisions à un représentant de l’industrie ou à un expert en la matière siégeant au conseil. La province a élaboré un manuel d’exploitation pour indiquer clairement les tâches ou les travaux particuliers qui sont limités aux métiers à accréditation obligatoire, ainsi que les exceptions contenues dans les règlements. Expliquer le contexte des tâches inscrites dans le champ d’exercice d’un métier facilite la reconnaissance des infractions.
    • Au Québec, si les problèmes de chevauchement ne peuvent être réglés dans le secteur de la construction, un comité de résolution des conflits est créé pour rendre les décisions.

Champs d’exercice : professions de la santé réglementées en Ontario

Le modèle « d’actes autorisés », aussi connu sous le nom de modèle « d’activités réservées », est régulièrement utilisé dans la réglementation des professions de la santé. On peut citer comme exemples de ce modèle la Loi sur les professions de la santé réglementées (LPSR)footnote 16 de l’Ontario, la Health Professions Act de l’Alberta footnote 17  et le Code des professions du Québecfootnote 18 .

La LPSR contient une liste d’actes autorisés, qui, par leur nature, sont susceptibles de causer des préjudices s'ils sont exécutés par des personnes non compétentes. La gestion du travail avant l’accouchement ou le fait de procéder à l’accouchement, par exemple, sont des actes autorisés. Il existe certaines exceptions à l’exécution de ces actes (p. ex., dans le cas d’une urgence) et dans certains cas, la capacité de déléguer des tâches a été fournie à des professions de la santé réglementées, cependant cette capacité dépend de la réglementation des ordres professionnels accordant la permission de déléguer des tâches.

En plus de la LPSR, chaque profession autoréglementée de l’Ontario dispose de sa propre législation. Cette législation spécifique à la profession décrit le champ d’exercice de la profession et les actes autorisés que les professionnels peuvent poser (de façon indépendante ou sur l’ordre d’un autre professionnel de la santé réglementé). Ces actes autorisés sont parfois fractionnés de sorte qu'une profession, en vertu de sa législation applicable, pourrait être autorisée à effectuer seulement une partie de l’acte autorisé. Autrement dit, la législation propre à la profession décrit les conditions dans lesquelles l’acte autorisé peut être effectué, en précisant le « où » et le « comment ». Contrairement aux hypothèses faites en vertu de la LOMOA, les champs d’exercice des professions de la santé, y compris les actes autorisés, ne sont pas exclusifs aux professions : ils se chevauchent par nature. Ce concept reflète un des principes de la législation selon laquelle les patients, les clients et les consommateurs doivent avoir accès au professionnel de leur choix.

Les professions de la santé prennent les champs d’exercice au sens large en ce qui concerne les professions de la santé réglementées. L’énoncé du champ d’exercice dans chaque loi sur les professions de la santé réglementées définit brièvement les tâches de la profession et comment le professionnel doit les exécuter pour exercer sa profession. Les actes autorisés (le cas échéant) et la protection du titre professionnel sont distincts du champ d’exercice. La « clause de préjudice » du paragraphe 30 (1) de la LPSR se lit comme suit :

Aucune personne, autre qu’un membre qui donne un traitement ou des conseils entrant dans l’exercice de sa profession, ne doit donner de traitement ou de conseils à une personne en ce qui concerne sa santé dans des circonstances où il est raisonnable de prévoir qu’un préjudice corporel grave puisse découler du traitement ou des conseils ou d’une omission dans le traitement ou les conseils.

Cet article vise toutes les professions de la santé et contribue à couvrir les actes qui ne font pas partie des actes autorisés.

De plus, les éléments suivants sont pris en considération pour l’examen du champ d’exercice d’une profession de la santé réglementée :

  • les dispenses ou exceptions prévues dans la LPSR applicables à la profession;
  • les autres dispositions législatives applicables à la profession;
  • les règlements pertinents pris en application de la loi propre à la profession;
  • les normes d’exercice, les lignes directrices, les politiques et les règlements administratifs élaborés par l’organisme de réglementation de la profession.

Tous ces éléments servent à déterminer le champ d’exercice d’une profession.

Les professions de la santé de l’Ontario s'affairent à régler ces chevauchements afin d’améliorer les soins aux patients. Les chevauchements sont considérés comme un élément positif dans la prestation des soins. Les Ordres de réglementation des professionnels de la santé de l’Ontario (qui regroupent les 26 organismes de réglementation des professions de la santé de la province footnote 19, dont certains qui réglementent plus d’une profession) ont mis au point un outil électronique. Cet outil aide les équipes de personnel soignant des différentes professions à coordonner les soins dans les zones de chevauchement de leurs champs d’exercice et de compétence établis par la Loi modifiant la Loi sur les professions de la santé réglementées. « L’outil électronique est un outil de prise de décisions personnalisable au point de service qui permet aux équipes d’optimiser les rôles, les responsabilités et les services et de mieux répondre aux besoins des patients/clientsfootnote 20. »

En résumé, les professions de la santé utilisent un modèle de collaboration construit autour d’un cadre de gestion du risque de préjudice. Cela me semble très raisonnable et soucieux de l’intérêt public. J’évoque le cadre de réglementation des professions de la santé et l’utilisation qu'il fait du modèle fondé sur les « actes autorisés » pour illustrer la réussite de l’approche en matière de réglementation des professions de la santé en Ontario. Malgré le risque évident de préjudice dans le contexte de la prestation des soins dans de nombreux domaines de la santé, ce schéma offre beaucoup plus de latitude (pour les patients, les clients et les professionnels de la santé) que celui prévu par la LOMOA. Bien que je ne recommande pas d’utiliser le modèle fondé sur les « actes autorisés » dans ce rapport, il vaut la peine d’en considérer certains éléments au fur et à mesure que la loi évolue en Ontario.

Ce que les intervenants m'ont dit

Pratiquement toutes les personnes qui se sont exprimées dans le cadre de cet examen ont déclaré que les champs d’exercice étaient désuets, qu'ils ne répondaient pas à leurs besoins et qu'ils devaient être révisés. Environ le tiers des personnes qui ont répondu au questionnaire de consultation partageait les opinions suivantes :

Avec les champs d’exercice qui sont désuets, le format qui n'est pas normalisé et le débat entourant l’accréditation obligatoire par opposition à l’accréditation facultative des métiers, nous sommes d’avis que l’Ordre ne protège pas l’intérêt public. (DR-71 – Ontario College of Trades Heavy Duty Equipment Technician Trade Board)

Les champs d’exercice sont trop généraux, en plus d’être désuets, et ils ont par conséquent peu d’impact sur le travail quotidien de nos membres; leur seule utilité est de servir de normes pour la formation en milieu de travail des apprentis. (DR-54 – Sections locales 625, 1059 et 1089 de l’UIJAN)

Les champs d’exercice sont désuets et ne reflètent pas les métiers de peintre ou de réparateur de carrosseries automobiles d’aujourd'hui. (DR-21 – International Association of Machinists and Aerospace Workers)

Pendant les rencontres régionales, on m'a dit que les métiers aujourd'hui font partie d’une organisation complexe constituée de travailleurs qui sont des spécialistes ou des généralistes. Dans certains cas, le travail est effectué par des équipes mixtes — de travailleurs provenant de différents métiers — et il semble que ce soit devenu une pratique courante dans les grands projets industriels, commerciaux et de construction, ainsi que dans les projets de construction résidentielle. Ces arrangements sont parfois enchâssés dans les conventions collectives et motivés par les réalités économiques et la situation de la main-d’œuvre dans les régions.

On m'a également parlé de la rapidité des changements dans les pratiques de travail, les systèmes et les technologies, qui exigent une formation et un développement des compétences continus dans les secteurs de la construction et de la force motrice. L’importance d’avoir une organisation de métiers qui permette aux gens de métier d’effectuer une grande variété de tâches a été soulevée, et beaucoup ont exprimé des inquiétudes concernant les champs d’exercice décrits dans la réglementation, lesquels ne correspondent plus à l’environnement complexe et diversifié des métiers spécialisés d’aujourd'hui en Ontario.

Dans l’industrie de la construction, l’utilisation efficace des gens de métier consiste notamment en la capacité de faire appel à des gens de métier à accréditation facultative qui possèdent des compétences similaires en cas de pénurie de main-d’œuvre. (DR-8   Sarnia Construction Association)

[Le compagnon] et les apprentis effectuent une grande variété de tâches spécialisées, y compris dans les domaines de la charpenterie, des cloisons sèches, des revêtements de sol résilients, des charpentes, de la construction sous-marine, du soudage, des échafaudages et d’une longue liste d’autres métiers liés à la construction. La plupart de nos membres reçoivent une formation des différents centres de formation que possèdent et exploitent les organisations syndicales de la province. En fait, beaucoup d’employés non syndiqués reçoivent eux aussi une formation dans nos installations. Nos membres offrent à leurs employeurs les compétences et le dévouement nécessaires à la réussite mutuelle – des qualités essentielles pour réaliser les projets dans les délais et dans le respect du budget. (DR-26 – Carpenters' District Council of Ontario, United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America)

Certains intervenants étaient d’avis que l’Ordre ne devrait s'occuper que la notion de métiers « authentiques » ou « véritables ». D’autres ont suggéré que l’Ontario comptait beaucoup trop de métiers et que l’Ordre devrait essayer d’en réduire le nombre, en regroupant les métiers semblables ou en supprimant les métiers dont l’industrie n'a plus besoin.

Le questionnaire de consultation contenait des questions concernant le chevauchement des champs d’exercice des différents métiers, et bon nombre de répondants ont confirmé qu'il s'agissait là d’une nécessité. Certains répondants ont aussi évoqué la possibilité que ces chevauchements soient gérés en fonction de l’intérêt public et de la sécurité. On m'en a aussi parlé dans le cadre de rencontres régionales, et les conseils de métier l’ont aussi mentionné.

Le champ complet d’exercice d’un métier à accréditation obligatoire ne doit pas être assujetti à l’application de la loi. Le champ d’exercice d’un métier à accréditation obligatoire chevauchera toujours le champ d’exercice de certains métiers à accréditation facultative. De la même manière, le champ d’exercice d’un métier à accréditation obligatoire empiétera toujours sur certaines tâches qui peuvent aussi être exécutées en toute sécurité par des membres de certains métiers à accréditation facultative. » (DR-49 — Heavy Construction Association of Toronto)

Ce n'est que lorsque l’Ordre aura terminé l’examen des champs d’exercice de tous les métiers de la construction qu'elle sera en mesure de tenir compte des nombreux chevauchements que l’on rencontre fréquemment dans le secteur de la construction du 21e siècle, où la souplesse et la productivité dépendent d’un effectif possédant de multiples compétences, ce qui souvent n'est pas pris en compte dans les champs d’exercice actuels. (DR-94 – Progressive Contractors Association of Canada)

Par exemple, les mécaniciens-monteurs mettent en place l’équipement et sont formés et possèdent les compétences pour monter des conduites d’air et d’eau et pour exécuter le raccordement de cet équipement. Cela fait partie du métier. Cela fait aussi partie du métier du travailleur de la tôle de métal et de celui de plombier. (DR-24 – Tri-Mach Group)

Il y a un risque, si des tâches de métiers à accréditation obligatoire et de métiers à accréditation facultative se chevauchent, que n'importe qui, compétent ou pas, puisse exécuter des tâches potentiellement dangereuses. Pour atténuer ce risque, il faut s'assurer que toutes les tâches associées au risque sont limitées au champ d’exercice des métiers à accréditation obligatoire. Actuellement c'est le contraire. Dans le cas où un métier à accréditation obligatoire partage un élément de son champ d’exercice avec un métier à accréditation facultative, la troisième interprétation juridique veut que l’élément soit essentiellement d’accréditation facultative étant donné que la personne qui exécute la tâche n'a pas à être accréditée. Dans l’intérêt public et pour la sécurité des travailleurs, les éléments qui posent un risque de préjudice doivent revenir aux métiers à accréditation obligatoire, afin que le travail soit effectué par des personnes accréditées dans ce métier. (DR-36 – Electrical Contractors Association of Ontario, International Brotherhood of Electrical Workers)

Près des deux tiers des personnes qui ont répondu au questionnaire de consultation ont fourni une opinion sur les éléments clés qui devraient être mentionnés dans le champ d’exercice d’un métier. Certaines personnes ont suggéré un champ d’exercice succinct et concis dans la réglementation, alors que d’autres ont suggéré que le champ d’exercice contienne une longue liste et même une liste exhaustive des tâches que quelqu'un peut faire dans un métier donné. Il appert clairement des rencontres régionales que les intervenants, quelle que soit leur opinion sur ce que doit contenir le champ d’exerce, partagent la volonté de discuter des chevauchements et de réduire les affrontements entre les métiers.

En ce qui concerne le processus de mise à jour des champs d’exercice, un petit nombre de répondants étaient d’avis que cette activité devrait être menée par une entité externe, tandis que la majorité des répondants (soit environ les deux tiers) étaient d’avis que les conseils de métier devaient faire partie du processus, et que celui-ci devait permettre à de nombreux intervenants de s'exprimer.

Le conseil industriel pertinent devrait tout d’abord revoir à l’interne le champ d’exercice avec des membres du personnel du métier à l’étude (suivi par la distribution de la description du champ d’exercice) à divers intervenants qui devraient donner leur rétroaction sur la pertinence d’un champ d’exercice. » (DR100 – Peter Wynnyczuk)

Les examens de champs d’exercice devraient être menés par les métiers. Un examen ou un changement devrait tout d’abord être fait par le conseil de métier, et les conseils sectoriels devraient fournir leurs commentaires. (DR-38 – Ontario Pipe Trades Council)

Toute modification d’un champ d’exercice nécessiterait une consultation élargie avec tous les intervenants de l’industrie, et non pas seulement avec les personnes siégeant à un conseil sectoriel de l’Ordre des métiers de l’Ontario, un conseil sectoriel ou au conseil d’administration. Afin que tous les membres du secteur de la construction de l’Ontario aient leur mot à dire sur les propositions de modification d’un champ d’exercice, les relations doivent être plus inclusives que ce que propose l’examen des ratios ou le processus d’examen des accréditations obligatoires, et des tables rondes régionales devraient être mises en place pour que des représentants du secteur puisse faire part de leurs commentaires. Les membres de l’OHBA à Toronto pourraient permettre à des travailleurs d’exécuter des tâches de façon bien différente que ce qu'organisent nos membres sur un chantier à Stratford. Par conséquent, une consultation élargie sera nécessaire. (DR-77 – Ontario Home Builders' Association)

Pendant les rencontres régionales, j’ai été en mesure d’obtenir des clarifications sur ce qui précède et la plupart des personnes qui ont abordé le sujet étaient d’avis que l’industrie devrait participer au processus, que celui-ci devrait être clairement communiqué et ouvert aux commentaires de tous les membres de l’organisation des métiers.

Recommandations

Les champs d’exercice associés aux métiers spécialisés ont évolué au fil des décennies selon les circonstances, et ils ont servi à diverses fins. Avant cet examen, l’Ordre des métiers avait entamé une discussion interne sur l’importance de cet exercice, ainsi que sur celle de la normalisation et de la modernisation des champs d’exercice dans la mesure du possible. Le conseil de l’Ordre estime que cette initiative pourrait être l’occasion de regrouper et les 156 métiers qu’il chapeaute et, éventuellement, d’en retrancher quelques-uns qui ne sont plus viables vu le nombre minime ou nul d’inscriptions d’apprentis. (Exercice d’évaluation des programmes de l’Ordre.) On m’a demandé de fournir des conseils sur la façon dont l’examen des champs d’exercice pourrait se dérouler.

Des consultations dans toute la province, y compris avec les conseils de métier, ont confirmé qu’il était opportun de faire porter l’examen sur les champs d’exercice. J’ai donc proposé certains résultats souhaités et contributions potentielles qui permettraient de créer des champs d’exercice plus homogènes. À titre d’exemple, on m’a dit que la tentative de dresser une liste exhaustive des tâches, des activités et des fonctions de certains champ d’exercice font qu'elles sont parfois désuètes par rapport aux pratiques actuelles dans les métiers. En conséquence, il pourrait être préférable de faire référence à des normes de formation dans les champs d’exercice, en précisant que ces derniers refléteront toujours la ou les normes les plus récentes.

Au-delà de la question du contenu des champs d’exercice, je crois que leur examen créerait une occasion pour les métiers de discuter des chevauchements des compétences, surtout lorsque ces derniers constituent des irritants. Une discussion à ce sujet serait déjà importante, même si elle ne portait sur rien d’autre, et elle pourrait aussi donner la chance de résoudre au moins certains irritants moins importants. Le présent rapport envisage les risques de préjudices comme un indicateur clé de l’intérêt public pour les futurs examens des classements, et il pourrait aussi servir de point de référence dans les discussions sur le chevauchement des compétences. Il ne me semble pas être dans l’intérêt public que des désaccords se produisent sur des tâches relativement peu dangereuses pour lesquelles les travailleurs ont une formation adéquate. Néanmoins, je reconnais que ces questions se posent depuis longtemps, et que les corps de métiers et, dans certains cas, les employeurs concernés ne font que réagir aux pressions imposées par la concurrence et par des intérêts institutionnels. Il n’en reste pas moins que l’Ordre et moi-même à titre d’examinateur sommes maintenant tenus d’examiner ces questions sous l’angle de l’intérêt public.

Résultats souhaités

  • Mise en place d’un cadre commun permettant un examen complet des champs d’exercice des métiers en tirant parti de la capacité des conseils de métier, notamment ay moyen de vastes consultations inclusives avec les métiers et d’autres intervenants
  • Mise à jour des champs d’exercice par la modernisation des règlements sur les champs d’exercice, y compris en ajoutant une disposition selon laquelle les chevauchements des compétences entre les métiers sont reconnus, de façon que la reconnaissance soit aussi explicite (dans un règlement) que tacite (en pratique dans le monde réel). Cela devrait permettre de résoudre les désaccords sur les chevauchements des métiers et contribuer à la stabilité de l’organisation des métiers. La description des champs d’exercice soutiennent et guident différentes fonctions de l’Ordre, y compris l’apprentissage et l’accréditation, la promotion des métiers, l’examen des ratios, les normes d’exercice et la conformité

Recommandation 1 concernant les champs d’exercice 

En collaboration avec le ministère, l’Ordre devrait amorcer son processus d’évaluation des programmes afin de recommander au ministre de la Formation et des Collèges et Universités toute modification concernant la consolidation de certains métiers ou la réduction du nombre de métiers désignés dans la Loi sur l’Ordre des métiers de l’Ontario et l’apprentissage.

Recommandation 2 concernant les champs d’exercice 

L’Ordre devrait songer à son devoir de servir et de protéger le public en effectuant l’examen des champs d’exercice et des diverses utilisations de ceux-ci. Il est important pour l’Ordre de tenir compte de la manière dont les champs d’exercice sont utilisés dans son cadre politique, en ce qui concerne la conformité à la loi et l’application de celle-ci, et plus précisément, de quelle manière ils contribuent à définir ce que cela signifie d’ « exercer » chacun des métiers à accréditation obligatoire.

Recommandation 3 concernant les champs d’exercice 

L’Ordre devrait mettre à jour et normaliser les champs d’exercice en employant un cadre et un modèle commun. Le processus d’examen devrait être identique pour tous les métiers et celui-ci devrait comprendre des discussions sur les chevauchements des métiers afin que ces chevauchements soient formellement cernés et reconnus aux fins de formation et d’apprentissage. L’Ordre serait responsable d’établir le calendrier et le regroupement des métiers pour l’examen des champs d’exercice. Une fois les champs d’exercice mis à jour et normalisés, l’Ordre devrait les réviser périodiquement pour y intégrer les changements ou les avancées en matière de technologie, de procédés et d’équipement.

Recommandation 4 concernant les champs d’exercice 

L’Ordre devrait établir quelles caractéristiques du champ d’exercice d’un métier devraient faire partie des règlements du conseil d’administration et quelles caractéristiques devraient faire partie des lignes directrices de l’Ordre ou d’autres documents de politique opérationnelle.

En établissant des champs d’exercice à jour et normalisés pour les métiers, l’Ordre devrait tenir compte de nombreux éléments lors de l’examen des champs d’exercice. Ceux-ci pourraient comprendre :

  • la description générale et le libellé des dispositions de la réglementation;
  • les conseils de l’industrie, des experts et du public;
  • les chevauchements des métiers;
  • les dispenses et les exclusions qui s'appliquent à un métier examiné et à l’égard desquelles le conseil d’administration doit remplir son mandat;
  • les documents de formation existants utilisés par l’Ordre, y compris les analyses nationales des professions sur les métiers portant la mention Sceau rouge et les normes de l’Ordre relatives à la formation et au programme d’enseignement en apprentissage;
  • les autres lois et règlements qui font référence au métier;
  • les normes d’exercice, lignes directrices, politiques ou règlements administratifs qui s'appliquent aux membres de l’Ordre exerçant un des métiers.

Recommandation 5 concernant les champs d’exercice 

L’Ordre devrait tirer profit des conseils de métiers afin de faciliter le processus d’examen et de mise à jour des champs d’exercice. L’examen des champs d’exercice devrait comprendre des discussions avec les représentants des métiers dont le travail chevauche celui du métier examiné, ce qui devrait inclure des discussions entre les conseils de métier et d’autres intervenants. Les métiers devraient atteindre un consensus sur les changements proposés à un champ d’exercice de métier.

Recommandation 6 concernant les champs d’exercice 

L’Ordre pourrait devoir mettre sur pied un processus non contraignant de conciliation pour obtenir le consensus entre les métiers, y compris des discussions entre les conseils de métier, principalement en ce qui concerne les chevauchements.


Notes en bas de page