Ce cas a été examiné par le CEDE (cas médicaux) en 2016 et illustre les difficultés qui peuvent survenir dans les cas pédiatriques, ainsi que les défis que doivent relever les professionnels de la santé pour traiter ces patients.

Dossier 

2014-10891 (CEDE-2016-02)

Date de décès :  8 octobre 2014

Date de naissance : 16 janvier 2013

Âge :  20 mois

Date d’examen :  mars 2016

Sources consultées 

1.    Rapport d’enquête du coroner (Formulaire numéro 3)

2.    Dossiers de soins des ambulanciers paramédicaux

3.    Rapport sur le service d’aiguillage provincial du patient aux urgences

4.    Dossiers médicaux :

  • de l’Hôpital pour enfants
    • Rapport d’appel de relais
    • Enregistrement de l’appel de relais
  • Hôpital A
  • Hôpital B
  • Médecin de famille

5.    Rapport d’autopsie

Antécédents médicaux 

La défunte était une petite fille trisomique âgée de 20 mois qui vivait avec ses parents. Pendant la période néonatale, elle avait subi une intervention chirurgicale visant à corriger une atrésie duodénale et une coarctation infantile de l’aorte. À l’âge de six mois, l’enfant avait subi à l’hôpital pour enfants une chirurgie cardiaque visant à réparer une malformation de la cloison auriculo-ventriculaire (MCAV). Elle avait développé un chylothorax postopératoire qui avait cependant cédé au traitement médical. L’enfant tardait à prendre du poids et il a fallu installer une gastrostomie pour l’alimenter. Elle avait précédemment souffert d’une obstruction bilatérale des canaux lacrymonasaux osseux examinée par un ophtalmologiste. Son médecin de famille veillait à ses soins médicaux généraux tandis que ses soins cardiologiques étaient assurés par des cardiologues de l’hôpital pour enfants et d’un autre centre pédiatrique.

Événements terminaux

L’enfant a été évaluée par son médecin de famille aux environs de 9 heures le 7 octobre 2014 à la suite d’une toux et d’une affection s’apparentant à une affection pulmonaire ayant persisté pendant 24 heures. La petite était afébrile, sa température indiquant 36,7 °C. Sa gorge était rouge (3+), ses oreilles et ses ganglions lymphatiques étaient normaux et ses poumons étaient dégagés. Les dossiers médicaux relatifs à cette visite ne faisaient pas état de ses signes vitaux (tension artérielle et pouls) ni de sa fréquence respiratoire. Un diagnostic d’infection des voies respiratoires supérieures a été posé et l’enfant a reçu une ordonnance d’Amoxil.

De retour à la maison, son état s’est détérioré; l’enfant a souffert d’essoufflement et de détresse respiratoire. Ses parents l’ont emmenée à l’hôpital A (un établissement de santé de 34 lits) à environ 20 h 55 le 7 octobre 2014. Elle a été évaluée par l’urgentiste à 21 h 02. Les signes vitaux consignés incluaient une température de 38,9 °C, une tachypnée avec une fréquence respiratoire à 60, une fréquence cardiaque (FC) de 140 et une tension artérielle de 128/78. Sa saturation en oxygène était de 91 % à l’air ambiant. Le dossier indique que l’enfant était agitée. L’examen a révélé la présence d’un tirage sous-costal et intercostal et une entrée d’air réduite bilatéralement. Quelques crépitations et une respiration sifflante ont été entendues à l’auscultation des poumons.    

Trois doses de Ventolin et d’Atrovent ont été administrées successivement, suivies d’une dose en inhalation de Pulmicort.  Une radiographie thoracique a montré des opacités bilatérales, celles du poumon droit étant plus importantes et graves que celles du poumon gauche, signe d’une pneumonie fulminante. Il a été impossible d’obtenir un accès intraveineux et donc, d’obtenir un prélèvement sanguin aux fins de culture et d’autres analyses. L’installation d’une aiguille de perfusion intraosseuse a été tentée, mais cette voie s’est révélée inutile car il a été impossible de procéder à la perfusion. Une dose de Clavulin a été administrée au moyen du tube de gastrostomie et suivie d’une injection intramusculaire d’un gramme de ceftriaxone. De l’oxygène a été administré au moyen de lunettes nasales à raison de 4 à 5 L/minute. En dépit de ces mesures, l’enfant est demeurée marbrée et fraîche. Le service d’aiguillage provincial d’urgence a été contacté et par la suite chargé de favoriser la discussion de relais entre le personnel médical de l’hôpital A et l’unité des soins intensifs de l’hôpital pédiatrique. 

Le fournisseur de soins de l’hôpital A et le personnel de garde de l’hôpital pédiatrique ont discuté du cas.  L’appel a commencé à 23 h 16 par la demande de transfert de l’enfant vers un hôpital pédiatrique effectuée par le personnel de l’hôpital A. L’écoute de l’enregistrement de l’appel de relais permet de constater que la communication a surtout porté sur l’absence d’un accès intraveineux approprié. L’inquiétude concernant la gravité de l’état de l’enfant n’était pas perceptible à l’écoute de l’enregistrement après le décès de l’enfant. La discussion ne traduisait pas l’urgence de la situation malgré la gravité de l’état clinique de l’enfant illustré par les signes vitaux, les résultats de l’examen physique et des radiographies thoraciques.

Le personnel de l’hôpital pédiatrique a procédé à l’évaluation initiale dans leur service d’urgence à la suite du transfert de l’enfant. La discussion s’est soldée par la décision de transférer l’enfant de l’hôpital A à l’hôpital B (hôpital régional de 494 lits) pour accélérer son évaluation et sa stabilisation par un pédiatre. L’équipe de transport de l’hôpital pédiatrique prévoyait se rendre à l’hôpital B pour faciliter le transfert. Comme il était impossible de transporter l’enfant par avion, les services paramédicaux ont été appelés par l’équipe de transport de l’hôpital pédiatrique afin d’organiser le transport depuis l’hôpital B.

Les ambulanciers paramédicaux étaient accompagnés d’un omnipraticien/anesthésiste de l’hôpital A durant le transfert terrestre en ambulance vers l’hôpital B. L’ambulance a été demandée à 23 h 49 et est arrivée à l’hôpital A à environ 23 h 55. Comme suite à l’évaluation de l’enfant, l’ambulance a quitté l’hôpital vers 0 h 09  le 8 octobre 2014. Deux séries de signes vitaux ont été consignées durant le transfert vers l’hôpital B.  Les résultats de la première série prise vers minuit étaient les suivants : pouls à 140, fréquence respiratoire à 60, tension artérielle de 128/78 et saturation en oxygène de 93 % avec oxygène d’appoint. Les résultats de la deuxième série effectuée à 0 h 40 étaient les suivants : pouls faible à 140, fréquence respiratoire à 60  et saturation en oxygène de 93 %. Aucune mesure de la tension artérielle n’a été consignée durant le transfert. Une note indiquait que la petite fille était pâle.  

L’examen des rapports d’incident préparé par les ambulanciers paramédicaux indique qu’avant l’arrivée à l’hôpital B, le médecin accompagnateur procédait à l’installation d’un masque et d’un ballon d’insufflation sur l’enfant. Rien n’indiquait le recours à un moniteur de surveillance cardiorespiratoire. Les notes mentionnaient que l’enfant était asystolique et ne présentait aucun signe vital à son arrivée au service d’urgence de l’hôpital B à 0 h 50. 

Des mesures de RCR ont immédiatement été entreprises et des liquides ont été administrés par voie intraosseuse. Plusieurs doses d’adrénaline et d’atropine ont été administrées durant les vaines tentatives de réanimation. Le décès de l’enfant a été constaté à 1 h 10 le 8 octobre 2014. 

Résultats d’autopsie

L’enfant pesait 8 kg et mesurait 68 cm; ces deux valeurs se situaient sous le troisième percentile.  Les zones des interventions chirurgicales antérieures, c.-à-d. coarctation, MCAV et atrésie duodénale, ne présentaient aucun signe de complication.

L’autopsie a révélé une bronchopneumonie bilatérale aiguë, plus grave du côté droit.    

La réaction en chaîne de la polymérase (RCP) du poumon était positive pour l’entérovirus et le rhinovirus. Les cultures bactériennes du sang et des poumons réalisées après le décès étaient négatives et aucune culture bactérienne n’avait été effectuée avant le décès en raison des difficultés éprouvées avec l’accès vasculaire. Il y avait un possible épaississement de la paroi de la média de l’artère pulmonaire ainsi qu’une fibrose de l’intima, tous deux indicateurs d’hypertension pulmonaire. Il y avait également une légère sténose de la voie d’éjection du ventricule gauche.

Cause du décès :  Complications d’une bronchopneumonie aiguë

Facteurs contributifs : Trisomie 21, cardiopathie congénitale, hypertension pulmonaire

Mode du décès :  Naturel

Commentaires et questions soulevées

Cette enfant présentait des antécédents médicaux complexes incluant la trisomie 21 et des interventions chirurgicales visant à réparer une atrésie duodénale, une coarctation infantile et une MCAV réalisée au cours de sa première année de vie. Elle présentait un retard staturo-pondéral persistant et était alimentée au moyen d’un tube de gastrostomie.  Les enfants ayant de tels antécédents médicaux sont intrinsèquement plus vulnérables aux infections, en particulier pulmonaires, ainsi qu’à l’aspiration pulmonaire.    

Lorsque l’enfant a été vu par le médecin de famille le jour précédant son décès, les symptômes observés suggéraient une maladie respiratoire. Bien que les notes au dossier était limitées, on pouvait lire que l’enfant n’était pas fiévreuse, mais ni la fréquence respiratoire ni aucun autre signe vital n’avaient été consignés. Il était indiqué que la gorge de l’enfant était rouge (3+). Un diagnostic d’infection des voies respiratoires supérieures a été posé et de l’Amoxil a été prescrit. L’enfant était probablement aux premiers stades d’une maladie respiratoire. 

De retour à la maison, la fonction respiratoire de l’enfant s’est détériorée. Elle a été transportée à l’hôpital A en soirée. Un accès intravasculaire n’a pu être obtenu, car l’aiguille intraosseuse ne fonctionnait pas; une analyse sanguine n’a donc pas été effectuée. On ignore s’il était possible de procéder à une analyse du sang capillaire à l’hôpital A. L’enfant est demeurée à l’hôpital A pendant environ deux heures avant d’être transférée en ambulance vers un autre hôpital. Durant le transport, son état clinique ne s’est pas amélioré malgré l’intervention médicale, ce qui était probablement indicateur d’une pneumonie fulminante.   

Quelques notes étaient accessibles ou ont été rédigées durant le transport vers l’hôpital B. La tension artérielle n’a pas été consignée avec les autres signes vitaux qui ont été notés à 0 h 40 pendant le transfert. On ne peut affirmer qu’il y avait un moniteur de surveillance cardiorespiratoire dans l’ambulance et s’il y en avait un, s’il a été utilisé. Un médecin accompagnait l’enfant durant le transfert. Ce dernier procédait à l’installation d’un masque et d’un ballon d’insufflation sur l’enfant quand l’ambulance est arrivée à l’hôpital B et l’enfant ne présentait aucun signe vital à son entrée aux urgences. Le médecin n’avait pas noté les événements survenus durant le transfert.  Il aurait peut-être été bénéfique d’intuber l’enfant avant son transport en ambulance.

L’équipe de transport de l’hôpital pédiatrique était restée sur place, car le service paramédical ne pouvait leur fournir une ambulance.  

Recommandations

  1. L’hôpital A devrait entreprendre un examen des leçons apprises sur l’évaluation et la prise en charge d’un enfant durant la visite aux urgences des 7 et 8 octobre 20014. Cet examen devrait porter notamment sur ce qui suit :
    • Les médecins et le personnel infirmier du service d’urgence, du service d’anesthésiologe ainsi que le personnel des soins pédiatriques du centre régional tertiaire pédiatrique consulté. 
    • Les domaines prioritaires suggérés suivants :
      • Reconnaissance, évaluation et prise en charge des enfants à haut risque gravement malades, notamment :
        • Approche de participation d’un centre régional tertiaire
        • Anticipation de l’évolution de la maladie afin de prévoir si l’hôpital a les capacités suffisantes pour traiter le patient
        • Clarté de la communication du tableau clinique
    • Considération d’une mise à niveau de la formation du service des soins spécialisés en réanimation pédiatrique portant sur  :
      • Méthodes d’accès vasculaire et de réanimation liquidienne
      • Approche relative aux analyses de laboratoire en l’absence d’accès intraveineux
      • Importance de la prise et de la documentation d’une série complète de signes vitaux (incluant la tension artérielle)
      • Prise en charge des voies aériennes chez un enfant souffrant d’une grave maladie respiratoire
  2. L’unité des soins intensifs de l’hôpital pédiatrique devrait songer à entreprendre un examen des leçons apprises sur l’appel de relais qui porterait notamment sur les éléments suivants :
    • Approche de détermination de la gravité d’une maladie de façon à orienter la prise de décisions
    • Approche de prise de décisions dans l’élaboration du plan de transfert d’un patient
    • Communication avec l’hôpital B au sujet de la stratégie à suivre à l’arrivée de l’enfant
  3. Le directeur des Services de transport des patients en soins aigus (STPSA) de l’hôpital pour enfants devrait s’entendre avec les services paramédicaux pour entreprendre un examen conjoint sur la détermination de la disponibilité des ambulances lorsque l’équipe des STPSA en fait la demande.
  4. Un exemplaire du rapport de cas devrait être remis au Provincial Council for Maternal and Child Health à titre d’exemple des difficultés associées au transport d’enfants gravement malades.  
  5. Le service paramédical de l’hôpital A devrait entreprendre un examen des soins et de la prise en charge de l’enfant durant son transfert à l’hôpital B qui porterait notamment sur ce qui suit :  
    • L’approche des soins au patient quand un médecin est présent, incluant :
      • Présence du personnel paramédical avec le patient
      • Surveillance continue d’un enfant gravement malade
      • Prise et documentation régulières des signes vitaux
      • Documentation des soins cliniques et de l’état du patient