Contexte

Environ 1 % de la population est atteinte du syndrome de Gilles de La Tourette (SGT) (Scahill, Tanner et Dure, 2001). Des problèmes comportementaux et émotionnels, tels que le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), l’anxiété et les troubles de l’humeur, la dépression, les problèmes d’adaptation généraux ainsi que les troubles du développement et d’apprentissage scolaire sont associés à ce syndrome (Singer, Schuerholz et Denckla, 1995). Comme la présence de troubles multiples est élevée chez les enfants atteints du SGT, cette petite population a grandement besoin de ressources et de traitement.

Comparativement aux enfants qui ne sont pas atteints du SGT (et des troubles associés), les enfants qui en sont atteints ont des notes considérablement plus faibles, des problèmes comportementaux plus nombreux, moins d’amis et une relation parent-enfant plus tendue.

Au sujet du programme

Le service « Atelier de dépannage pour les freins » pour le syndrome de Gilles de La Tourette et les troubles associés est un service de soins tertiaires en clinique externe hautement spécialisé de l’Institut des ressources pour les enfants et les parents (CPRI) à London, en Ontario. Le CPRI dessert des enfants et des adolescents d’une circonscription hospitalière composée de 17 comtés située dans la région du sud-ouest de l’Ontario, ainsi que leurs familles, leurs écoles et les partenaires communautaires.

Tous les enfants et les jeunes aiguillés vers l’Atelier de dépannage pour les freins ont été soumis à des évaluations. Les participants à la clinique ont été divisés en deux groupes :

  • le groupe de l’exposition avec prévention de la réponse (EPR) : SGT et TOC
  • le groupe de l’autogestion (AG) : SGT et « colère explosive » (trouble explosif intermittent)

En quoi consiste l’évaluation

Le groupe de l’EPR s’est réuni chaque semaine pendant 8 semaines. Les enfants et les jeunes ont rempli le test de l’échelle du trouble obsessionnel-compulsif (TOC) du National Institute of Mental Health (Institut national de la santé mentale) les semaines 1, 3, 5 et 8 ainsi que 6 semaines et 6 mois après le traitement. De plus, les parents ont rempli un questionnaire sur leur niveau de satisfaction à la fin du traitement (semaine 8).

Le groupe de l’AG s’est réuni deux fois par semaine pendant 8 semaines. Les fournisseurs de soins ont rempli le test de l’échelle du dysfonctionnement épisodique de la rage (REDS) les semaines 1 et 8 ainsi que 6 semaines et 6 mois après le traitement. Ils ont également rempli un questionnaire sur leur niveau de satisfaction à la fin du traitement (semaine 8).

Les groupes de l’EPR et de l’AG ont également rempli, avant et après le traitement, les tests suivants :

  • la « Brief Child & Family Phone Interview » (BCFPI) ou enquête téléphonique abrégée pour l’enfant et la famille : qui permet de mesurer le type et la gravité des troubles de l’enfant
  • la « Conners’ Parent Rating Scale – Revised » (L) (CPRS-L) ou l’échelle d’évaluation Conners pour le parent – revue : qui permet d’évaluer la psychopathologie et les comportements problématiques des enfants et des jeunes

Étant donné la nature chronique des symptômes éprouvés par les enfants et les jeunes atteints du SGT, ce sont les résultats en matière de qualité de vie et de réduction des symptômes qui ont été mesurés.

Participants

Des données ont été recueillies auprès de 13 des participants du groupe de l’EPR et auprès de 27 des participants du groupe de l’AG. Au moment de leur admission, les participants avaient entre 9,1 et 17 ans. À leur sortie, leur âge variait entre 9,3 et 18,2 ans.

La plupart des enfants et des jeunes (84 %) qui ont participé à l’Atelier de dépannage pour les freins étaient de sexe masculin. Cette proportion est plutôt représentative de la population atteinte du SGT en général (Swain, Scahill, Lombroso, King et Leckman, 2007).

Constatations

Des analyses statistiques ont été menées pour évaluer les différences entre les réponses moyennes fournies au départ et au moment du suivi.

Le groupe de l ’EPR

Chez les participants du groupe de l’EPR, les symptômes obsessifs-compulsifs avaient considérablement diminué après le traitement par rapport à ce qu’ils étaient avant celui-ci. En effet, avant le traitement, les comportements obsessifs-compulsifs des enfants et des jeunes perturbaient beaucoup leurs vies. Ils avaient besoin de l’aide d’autres personnes pour leur fonctionnement quotidien. Après le traitement, les symptômes ne perturbaient que légèrement leurs vies.

Les scores des participants du groupe de l’EPR établis après le traitement indiquaient qu’ils étaient devenus plus fonctionnels à la maison. Parmi les améliorations constatées, mentionnons une réduction des comportements suivants :

  • comportements non conformes
  • comportements irresponsables
  • endommagement de biens
  • comportements vindicatifs/agaçants/impulsifs
  • comportements dangereux et accès de colère

La participation sociale s’est également améliorée chez les participants du groupe de l’EPR, ce qui indique une réduction de l’anxiété, de l’isolement et du repli sur soi ainsi qu’une amélioration des liens sociaux avec les pairs et de la qualité de la vie sociale en général.

Le gro upe de l ’AG

Les familles des participants du groupe de l’AG ont indiqué une réduction des difficultés à l’école et donc du nombre d’épisodes perturbateurs répétés en salle de classe et du nombre de comportements non conformes, décrocheurs et provocateurs.

Contrairement aux attentes, le réconfort familial (mesuré à l’aide de la « Child and Adolescent Functional Assessment Scale » [échelle d’évaluation du fonctionnement de l’enfant et de l’adolescent]) était devenu plus problématique chez le groupe de l’AG, après le traitement. Par exemple, après le traitement, les familles ont soulevé un plus grand nombre d’inquiétudes quant au bien-être de leurs enfants et ont mentionné que d’autres personnes ont soulevé des inquiétudes quant au comportement de ceux-ci. Cette hausse pourrait s’expliquer par le fait que les membres de la famille sont devenus plus conscients de la nature chronique des déficits de leurs enfants sur le plan des aptitudes, ce qui pourrait éventuellement accroître le sentiment d’impuissance ou les conflits avec ceux qui en sont moins conscients. C’est pourquoi il peut être utile d’enseigner aux parents des façons de se rappeler que les comportements affichés par leurs enfants sont parfois involontaires et qu’ils échappent au contrôle de leurs enfants, et ce, tout en travaillant pour accroître l’efficacité parentale et améliorer les stratégies d’adaptation pour moduler leur réaction affective aux comportements négatifs de l’enfant (Gerdes et Hoza, 2006). En amenant les parents à mieux comprendre les besoins de leurs enfants, ils peuvent adopter de meilleurs styles d’adaptation et du coup avoir des réactions parentales positives à l’égard de leurs enfants (Donovan, Taylor et Leavitt, 2007).

En comparant les rapports de la première semaine et ceux de la dernière semaine du traitement, une importante réduction a été constatée dans la fréquence des épisodes de rage chez les participants du groupe de l’AG; le nombre d’épisodes a été réduit de 1 à 3 par semaine à 1 à 3 par mois. Cette amélioration était encore évidente au suivi après 6 semaines. Les participants du groupe de l’AG ont également indiqué se sentir moins coupables à l’égard de leurs accès de rage.

Le fonctionnement des participants du groupe de l’AG à la maison s’est amélioré sur les plans de la régulation de l’attention, de l’impulsivité, des problèmes de conduite et des comportements d’extériorisation.

Les groupes de l’EPR et de l’AG

Les enfants et les jeunes évalués à l’aide de l’échelle d’évaluation du fonctionnement de l’enfant et de l’adolescent (« Child and Adolescent Functional Assessment Scale ») ont vu leur situation s’améliorer, passant de difficultés modérées, au moment de leur admission, à des difficultés légères, au moment du suivi.

Améliorations constatées à l’école :

  • Comportements conformes plus nombreux
  • Réduction des comportements perturbateurs en salle de classe
  • Plus grande attention
  • Meilleurs notes
  • Moins d’absences

Améliorations constatées à la maison :

  • Comportement plus responsable
  • Meilleure conformité aux règles et aux attentes raisonnables
  • Moins de crises/d’accès de colère
  • De meilleures relations avec les pairs
  • Sautes d’humeur moins intenses et brusques
  • Réduction des craintes, des soucis et des angoisses

Implications

Pour les fournisseurs de services

Il est important que des approches de traitement multidimensionnelles, qui sont fondées sur les besoins de l’enfant/du jeune et de la famille, soient suivies. Les données probantes sur le traitement psychologique et le soutien familial sont rares. C’est pourquoi les résultats de cette évaluation seront très utiles dans la planification du traitement.

Pour les familles

D’importantes améliorations ont été constatées sur le plan des symptômes associés au SGT chez les enfants et jeunes qui ont participé à cette évaluation. Ces données donnent à penser que les traitements axés sur la famille pourraient réduire le stress et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes du SGT et de leurs familles.

Références

  • Donovan, W., Taylor, N. et Leavitt, L. « Maternal self-efficiacy, knowledge of infant development, sensory sensitivity, and maternal response during interaction »,
  • Developmental Psychology, vol. 43, no 4 (2007), p. 865-876.
  • Gerdes, A. C., et Hoza, B. « Maternal attributions, affect and parenting in attention deficit hyperactivity disorder and comparison familes », Journal of Clinical Child and Adolescent Psychology, no 35 (2006), p. 346-355.
  • Scahill, L., Tanner,C. et Dure L. « The epidemiology of tics and Tourette Syndrome in children and adolescents »,
    Advances in Neurology, no 85 (2001), p. 261-71.
  • Singer, H. S., Schuerholz, L. J. et Denckla, M. B.
  • « Learning difficulties in children with Tourette Syndrome »,
  • Journal of Child Neurology, no 10 (1995), S58-S61.
  • Swain, J., Scahill,L., Lombroso, P., King, R. et Leckman, J. « Tourette Syndrome and Tic Disorders », Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, vol. 46, no 8, (2007), p. 947.