Résumé

La stigmatisation et la marginalisation constituent un problème important lié à la santé mentale des enfants et ont un effet direct sur la réussite scolaire. Des séances d’information spécialisées pour les éducateurs et des présentations sur place pour les pairs ont été organisées pour tenter d’améliorer l’acceptation sociale et la compréhension des enfants atteints du syndrome Gilles de la Tourette et des troubles associés (SGT+).

Les commentaires de 841 enseignants ont révélé un taux de satisfaction très élevé à l’égard des séances d’information des éducateurs. Les données recueillies auprès des clients après le service indiquent une meilleure acceptation par les pairs, et les enseignants ont fait état d’une légère diminution des réactions négatives des pairs aux comportements des clients par rapport aux tics. De plus, les rapports des enseignants ont indiqué une réduction significative des troubles d’intériorisation des clients à la suite des groupes expérimentaux pour les enfants atteints du SGT+.

Objet

La prévalence du syndrome Gilles de la Tourette (SGT) diagnostiqué dans la population générale est estimée à 1 %. Cependant, comme les symptômes atteignent leur maximum à l’adolescence, les estimations sont beaucoup plus élevées et vont de 3,8 % dans les classes ordinaires à 7 % en éducation spécialisée (Kurlan et coll., 2001).   Le SGT présente une comorbidité élevée avec d’autres troubles, notamment le trouble déficit de l’attention/hyperactivité, le trouble obsessionnel-compulsif, d’autres troubles anxieux et troubles de l’humeur, la dépression, les troubles des conduites et les comportements antisociaux. Les problèmes d’adaptation qui en résultent, ainsi que les troubles du développement et de l’apprentissage peuvent être débilitants pour les jeunes. Il existe donc un besoin important de ressources et de traitements pour les personnes touchées par le SGT+.

L’un des principaux objectifs du ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse (MSEJ) est que « chaque jeune obtienne son diplôme d’études secondaires ». Pour que cela devienne réalité, le MSEJ souligne la nécessité de favoriser des partenariats solides avec le secteur de l’éducation pour améliorer les résultats des jeunes. The Brake Shop (la clinique du frein), une clinique ambulatoire spécialisée au CPRI, un centre de santé mentale tertiaire, a réussi à établir un lien solide entre la santé mentale et le secteur de l’éducation afin d’améliorer l’acceptation par les pairs et les résultats scolaires des jeunes ayant le SGT+.

Cadre théorique

La marginalisation des jeunes ayant un SGT+ par leurs pairs est une immense préoccupation. L’anxiété et l’embarras que ressentent les jeunes atteints du SGT+ en raison d’un manque de compréhension de leurs pairs peuvent conduire à un retrait social extrême. Des études sur l’auto-évaluation de la victimisation des jeunes avec le SGT+ (par exemple, Packer, 2005) ont tendance à refléter les rapports d’attitude négative des pairs envers les camarades de classe ayant des tics. Par conséquent, la majorité des enfants ayant un SGT+ ont tendance à éviter de participer à des activités sociales (Debes et coll., 2010). Le rejet social à l’école est un problème qui a des conséquences de grande envergure, comme les faibles résultats scolaires, l’absentéisme et le décrochage scolaire. La littérature existante soutient massivement le besoin de ressources éducatives supplémentaires pour les enfants atteints du SGT+ ainsi que pour leurs enseignants et leurs pairs.

La présente étude a cherché à atténuer les attitudes négatives envers les jeunes avec le SGT+ par l’éducation et la divulgation. Des recherches antérieures (par exemple, Woods & Marcks, 2005; Maracks et al., 2007; Holtz & Tessman, 2007) ont étudié les effets de l’éducation des pairs sur l’acceptation et la compréhension du SGT avec des résultats prometteurs. L’étude actuelle présente les résultats d’une évaluation des séances d’information, dans laquelle la clé le résultat est un changement dans l’acceptation par les pairs, une réduction de l’intimidation, la victimisation et la marginalisation des jeunes atteints du SGT+, selon les déclarations des enseignants et les enfants.

Méthode

Procédure :

Des séances d’information spécialisées ont été organisées avec les éducateurs, et des présentations sur place ont été proposées aux pairs et aux enseignants, en collaboration avec l’enfant sélectionné et sa famille. L’objectif des séances d’information destinées aux enseignants était d’accroître les compétences professionnelles dans le travail avec les enfants atteints du SGT+.

Les séances sur place par les pairs ont été proposées aux enfants dans l’école de l’enfant sélectionné, afin d’accroître les connaissances, l’acceptation par les pairs et la réduction de la stigmatisation sociale envers les jeunes ayant un SGT+.   Pour les jeunes enfants (par exemple, < 8 ans), la présentation sur place a souvent été effectuée au niveau de la classe individuelle, tandis que pour les enfants plus âgés (par exemple, > 9 ans), la présentation a eu lieu dans un format plus large (par exemple, une assemblée scolaire). Cette séance comprenait une psychoéducation sur une série de symptômes, comme les tics, l’inattention, l’impulsivité, les obsessions et les compulsions, les dysfonctionnements du traitement sensoriel et les « rages » comportementales. Les participants étaient des élèves, des enseignants, du personnel de soutien pédagogique et l’enfant sélectionné avec sa famille.

Mesures :

Rapport des parents et des enseignants : Les données relatives aux parents provenant de la Liste de comportement pour les enfants (CBCL; Achenbach & Rescorla, 2001) et les données relatives aux enseignants provenant du formulaire de rapport des enseignants (TRF; Achenbach, 1991) ont été recueillies pour tous les enfants avant et après leur participation à la clinique du frein (The Brake Shop) spécialisée pour les enfants atteints du SGT+.

Séance d’information pour les éducateurs :

Le personnel participant a rempli un formulaire sollicitant leur rétroaction sur les points suivants à la suite de la séance d’information sur le SGT+ : l’équilibre entre l’information théorique et pratique, la perception du contenu et l’organisation, et la satisfaction générale.

Pairs – séances d’information sur place

Évaluations des perturbations des pairs par les clients – après les présentations Au moins un mois après les présentations, une rétroaction a été sollicitée pour savoir si elles avaient amélioré les choses à l’école, avec des éléments supplémentaires concernant les amitiés, l’acceptation par les pairs et le stress social.

Évaluations des perturbations des pairs liées au SGT+ par les enseignants – avant et après Avant et au moins un mois après le début des présentations, les enseignants ont été invités à faire répondre aux points suivants :

  1. nombre de plaintes d’enfants aux enseignants concernant le traitement par les pairs;
  2. nombre de suspensions dues à des incidents avec les pairs;
  3. nombre de fois où l’enfant a été envoyé au bureau en raison d’incidents avec ses pairs.

Des données sur les réactions des pairs aux tics ont également été demandées avant et après les présentations aux pairs, mais seuls sept rapports d’enseignants ont été renvoyés. Les données décrites ici sont principalement transversales, recueillies en partie entre 2007 et 2011. Pour l’ensemble des mesures, des données ont été obtenues pour un total de 96 clients de la clinique du frein.

Résultats

Rapport des parents et des enseignants

Les problèmes complexes de santé mentale de cette population ont été illustrés à l’aide de rapports de parents et d’enseignants.   Les résultats étaient tous significatifs lorsque les scores T étaient comparés à une valeur de 60 (le seuil de signification clinique de la Liste de comportement pour les enfants par rapport à la normale).

Les tests t jumelés ont indiqué que les enseignants ont constaté une diminution significative des troubles d’intériorisation, mais pas dans d’autres domaines pour les enfants participant aux programmes de thérapie de la clinique du frein.

Séances d’information pour les éducateurs

Les réactions ont révélé un taux de satisfaction générale très élevé en ce qui concerne les renseignements présentés sur le SGT+.

Pairs – séances d’information sur place

Des données ont été recueillies après les présentations sur place, la majorité d’entre elles faisant état d’une augmentation générale de l’acceptation par les pairs et d’une diminution de la marginalisation à la suite des présentations.

Un défi consistait à obtenir des données sur les enseignants après les présentations sur place. Avant celles-ci, 39 enseignants ont fait état de plaintes, de suspensions de clients, de visites au bureau en raison d’incidents entre pairs. Cependant, seuls 16 enseignants ont fourni des données après les présentations. Les tests t appariés n’ont révélé aucune différence entre les données avant et après les présentations, mais un échantillon plus large peut être nécessaire pour que des différences apparaissent.     Après les présentations, 16 enseignants ont été interrogés par téléphone sur la fréquence à laquelle les tics de l’enfant provoquent des perturbations chez ses pairs. Un test t sur un échantillon a indiqué que les enseignants ont évalué ce résultat comme étant significativement faible dans la catégorie « Rarement », M = 2,06, SD = 0,85, t(15) = -4,39, p = 0,001. Les données ont permis de corroborer la perception des clients quant à l’augmentation de l’acceptation par les pairs à la suite des présentations.

Complexité des clients de la clinique du frein au début de la thérapie - Comparaison avec le score T de 60 (seuil clinique)

Formulaire de rapport des parents

  • Trouble d’intériorisation : M = 67,59; SD = 9,43, p
  • Trouble d’extériorisation : M = 66,25; SD = 9,98, p
  • Ensemble des problèmes : M = 70,73; SD = 7,18, p

Formulaire de rapport des enseignants

  • intériorisation; extériorisation; ensembles des problèmes : Tous les résultats significatifs

Formulaire de rapport des enseignants (avant et après la thérapie)

  • Diminution significative du trouble d’intériorisation : t (15) = 2,65, p
  • Pas de diminution significative du trouble d’extériorisation ou de l’ensemble des problèmes : t (15) = 2,65, p

Importance clinique

La suppression de tous les symptômes du SGT+ dus aux taquineries/embarras (c’est-à-dire retenir les tics) nuit bien plus à l’attention, à l’énergie et à l’estime de soi que la simple libération des symptômes. Le personnel enseignant est informé qu’après les présentations, les tics peuvent augmenter plutôt que diminuer. L’explication est qu’une augmentation des symptômes peut indiquer une amélioration du bien-être (c’est-à-dire moins de trouble d’intériorisation) plutôt qu’une exacerbation de l’état. Le rapport des clients après les présentations soutient cette théorie, car les jeunes ont déclaré se sentir plus « détendus et à l’aise » à l’école. Le rapport des enseignants sur la diminution du trouble d’intériorisation est également conforme à ce résultat, ce qui suggère un plus grand bien être dans le cadre social.

Des recherches antérieures indiquent que l’acceptation par les pairs des tics fait partie intégrante du bien-être des enfants atteints du SGT+. Les méthodes utilisées dans cette présentation pour informer les pairs/éducateurs sur le SGT+ ont réussi à réduire la marginalisation et la stigmatisation. Ces résultats seront utiles pour étendre les groupes expérimentaux fondés sur des données probantes et les programmes de rassemblement scolaire à des zones géographiques plus étendues, et l’amélioration des résultats scolaires pour d’autres populations de jeunes à risque. Les études futures visant à examiner les effets à long terme des séances d’information pour les pairs sur les résultats scolaires des jeunes atteints du SGT+ peuvent apporter un soutien supplémentaire au rôle de l’acceptation sociale dans la réussite scolaire.