Il est important de comprendre d'où provient la rage (ou trouble explosif intermittent). Ce n'est pas seulement le résultat d'un mauvais parentage ou du fait que l'enfant ne fait pas assez d'efforts. Ce n'est pas, non plus, simplement l'exemple d'un enfant manipulateur, calculateur, ou qui choisit de mal se comporter. La rage est une réaction naturelle qu'ont tous les gens lorsqu'ils sont surchargés au-delà de leur capacité de résister. Cependant, la plupart des gens n'atteignent jamais ce point, voire jamais. En raison des troubles avec lesquels ils sont aux prises, ces enfants subissent souvent plus de « surcharge cérébrale » que ce que les gens doivent habituellement tolérer. Ces enfants n'ont pas une « faible tolérance à la frustration » — ils ont plus de frustrations À tolérer!

Cela ne signifie pas que ces comportements de rage sont « acceptables » ou devraient être acceptés : l'enfant qui a un accès de rage doit être responsable de ses actes. Il n'est pas nécessaire de poser la question de savoir : « Ce comportement était-il causé par le trouble, ou était-ce là l'enfant? », parce que ce sont toujours les deux. C'est toujours l'enfant qui fait ou dit des choses inacceptables dans le « vrai monde », mais c'est toujours le trouble qui rend si difficile pour l'enfant de composer avec les embûches de la vie sans réagir de ces façons très « extrêmes », incontrôlées et négatives.

Pour cette raison, il est important d'aider ces enfants à réduire leur « surcharge », de sorte qu'ils puissent être les personnes qu'ils veulent être, et qu'ils réagissent de la façon qu'ils réagiraient s'ils n'étaient pas si surchargés. Il n'est pas juste de s'attendre à ce qu'un enfant se comporte comme le font les autres enfants lorsqu'ils sont submergés par une surcharge cérébrale; c'est un coupe-gorge pour l'enfant et pour vous.

Il est important de se rendre compte qu'aucune des stratégies expliquées ci-dessous n'est, à elle seule, une « panacée ». Ces stratégies, et bien d'autres, contribuent ensemble à réduire la surcharge suffisamment pour éviter les accès de rage. Imaginez que c'est un jeu, qu'il s'agit d'un bécher qui est presque rempli d'eau — tellement rempli que, un peu plus d'eau, ou une petite bouscule aura pour effet de renverser l'eau et de faire un dégât. Ce dégât est la rage que vous voulez éviter. Chacune de ces stratégies réduit l'eau un tantinet, mais chaque demande supplémentaire imposée à l'enfant ou chaque situation qui accroît les symptômes de l'enfant remonte le niveau d'eau un tantinet. Le « jeu du bécher » consiste à toujours enlever de l'eau plutôt que d'en ajouter — si l'eau n'atteint jamais l'extrémité, il n'y aura plus d’accès de rage! Gardez à l'esprit que, bien qu'une personne ayant un bécher plein semble être très en colère contre vous, ce qui peut vous mettre en colère contre elle, ne vous méprenez pas! Le véritable ennemi est ce bécher plein — et aussi longtemps que vous vous disputez tous les deux, il gagne.

Toutefois, ne pas vous laisser duper par les jeux que joue la surcharge dans ce bécher vous permet à tous deux de cesser de lutter l'un contre l'autre, de faire équipe, et de battre la surcharge!

Donc, Munissons-les de freins!

Trouvez ce qui surcharge le jeune (c.-à-d. ce qui « remplit son bécher »), et trouvez des façons d'éviter ces choses :

  • La principale raison pour laquelle ces personnes « débordent » si souvent est qu'elles sont aux prises avec divers déficits de compétences (« freins fuyants »). Essentiellement, elles ont des réactions naturelles à un nombre impossible de circonstances anormales. L'évaluation appropriée de ces divers troubles peut aider chacun à mieux comprendre d'où provient le bécher chroniquement plein; le traitement adéquat de ces troubles (p. ex. la thérapie cognitivo-comportementale dans le cas du TOC, un médicament pour traiter le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité [TDAH]) réduira et éliminera leur influence sur le bécher. Cela a pour effet d'abaisser le niveau de leur bécher et d'augmenter l'espace « tampon » entre le niveau du bécher de l’enfant et l'extrémité supérieure du bécher!
  • Établissez un horaire de sommeil constant; tous les gens sont plus surchargés lorsqu'ils sont fatigués et ces enfants le manifesteront plus fortement en raison de la surcharge qu'ils essaient déjà de gérer. Les cliniques du sommeil peuvent offrir des stratégies et/ou des médicaments. Dans le cas de l'enfant dont « le cerveau n’arrête pas », un appareil de télévision dans la chambre (réglé au moyen d'une minuterie pour que l'appareil s'éteigne de lui-même) peut être un facteur très utile pour distraire l'enfant de ses pensées, de sorte qu'il puisse s'endormir.
  • Réduisez les effets de tout symptôme douloureux (p. ex. massage ou manipulation chiropratique) si les tics/mouvements créent des tensions musculaires.
  • Une structure explicite, constante et prévisible aide ces enfants à se sentir davantage en contrôle d'une vie sur laquelle ils ont très peu de contrôle interne. Mettez en œuvre des routines qui deviennent des habitudes et qui, par conséquent, dépendent moins de la mémoire. Utilisez des illustrations ou d'autres « signaux » visuels de sorte que l'enfant puisse toujours voir quelle tournure la journée prendra. Évitez les surprises — même celles qui sont censées être positives peuvent surcharger rapidement l'enfant qui ne s'y attend pas!
  • Tout dans la vie ne peut pas être prévisible; s'il survient quelque chose d'inattendu, utilisez des transitions « douces ». Cela signifie que vous avertissez l'enfant à l'avance de l'approche d'une anicroche. Une technique utile est la stratégie « bonnes nouvelles/mauvaises nouvelles »; dites : « Les mauvaises nouvelles sont que nous allons devoir arrêter ce que nous faisons bientôt. Les bonnes nouvelles sont que tu es le premier à le savoir et que nous avons donc une chance de nous y préparer. »
  • Si un frère ou une sœur et cet enfant sont comme l'essence et le feu, planifiez de manière à les garder séparés, dans la mesure du possible. Voici quelques idées que d'autres parents ont utilisées : déplacements individuels, réorganisation des plans pour les places de manière à ce que ces enfants ne soient pas assis côte à côte; ne pas avoir de chambres à coucher à proximité l'une de l'autre.

Apprenez les signes que l'enfant devient surchargé (c.-à-d. que son « bécher est en train de se remplir »), et enseignez-lui ces signes.

Les signes courants sont les suivants :

  • l'enfant devient très tranquille/excessivement passif;
  • rompt le contact oculaire;
  • se replie sur lui-même; tente de quitter la situation;
  • se ronge les ongles; est agité;
  • parle très rapidement;
  • donne des réponses monosyllabiques;
  • tire sur ses vêtements, les mâche;
  • parle sur un ton monotone;
  • adopte un ton agressif;
  • est moins patient;
  • respire rapidement et de façon superficielle;
  • montre des signes de tension (p. ex. fronce les sourcils, a les mâchoires crispées);
  • ses symptômes s'amplifient (c.-à-d. plus sensible au toucher/mouvement, plus hyperactif/impulsif, plus obsessif/anxieux, plus de tics).
  • Établir des signaux verbaux entre vous et votre enfant peut l'aider à comprendre ces signes (p. ex. « Ton bécher commence-t-il à se remplir? »).
  • Certains parents photocopient un ensemble de nos documents sur le « bécher vide » (joint à la fin du présent document). Ils gardent des copies (ainsi qu'un marqueur ou un stylo) accrochés à la porte, dans la chambre de l'enfant, à l'école………… à n'importe quel endroit où votre enfant peut éprouver des difficultés. Sans qu'un mot soit dit, votre enfant peut entrer dans la pièce et tracer une ligne sur le bécher, vous indiquant dans quelle mesure il est « rempli » et dans quelle mesure il est disponible à ce moment-là pour que des demandes lui soient adressées.
  • Faites le suivi des accès de rage : se produisent-ils toujours un certain jour de la semaine? Ou à un certain moment? Avec certaines personnes? Lorsque l'enfant se livre à une certaine activité? Si vous découvrez une tendance, vous et votre enfant pouvez jouer aux scientifiques ensemble pour établir ce qui est différent au sujet de CETTE situation par opposition aux situations dans lesquelles il NE devient PAS surchargé. Un excellent prédicteur d'accès de rage est lorsque l'enfant doit « changer de vitesse » ou passer à une autre activité.

Ne devenez pas accidentellement un élément du problème!

  • Attention au « coupe-gorge » : tenez compte des sensibilités sensorielles, des obsessions, des tics et d'autres symptômes lorsque vous projetez d'amener un enfant dans un environnement particulier. S'il s'agit d'un environnement qui sera incompatible avec les symptômes, cela ne signifie pas que l'enfant ne peut pas y aller, mais peut signifier que certains accommodements seront nécessaires. Par exemple, planifiez d'y aller pour une plus courte période (une brève réussite est toujours préférable à un long échec prolongé!), ou apportez des bouchons d’oreilles, ou « faites du repérage » pour trouver des voies de fuite/endroits où prendre une pause tranquille.
  • Si vous vous apercevez que l'enfant  trouve  la journée accablante, « attrapez-le en train de bien faire » ou trouvez un élément positif sur lequel vous concentrer et complimentez-le à cet égard, ce qui libère plus de place dans son bécher!
  • Confondre une surcharge cérébrale avec une lutte pour le pouvoir mènera  à de très laids résultats! Ne forcez pas le contact oculaire, n'élevez pas la voix et ne touchez pas l'enfant de façon inattendue lorsque vous voyez les signes d'une surcharge cérébrale! Les conséquences menaçantes n'auront pour effet que d'intensifier la surcharge.
  • Assurez-vous que vos propres niveaux de bécher sont bas! Une réaction excessive ne servira qu'à élever davantage les niveaux des béchers! Gardez le contrôle et surveillez votre propre langage corporel (p. ex. ne pliez pas les bras, ne vous tenez pas trop près de l'enfant, ne pointez pas du doigt, et n'envoyez pas d'autre façon des messages non verbaux qui accroîtront davantage l'anxiété de votre enfant).
  • Si l'enfant a atteint le point de surcharge, il n'est plus capable de résoudre des problèmes, de réfléchir avec souplesse et de façon rationnelle, d'accéder aux plans en cas de crise ou aux conséquences passées gardés en mémoire, et sa personnalité est touchée (l'effet « docteur Jekyll et M. Hyde »). La seule chose à faire est de laisser passer la crise (en restreignant l’enfant et/ou en l’emmenant dans un endroit sûr, au besoin, tout en gardant les mots au minimum) et d’attendre que le bécher soit à nouveau assez vide pour que l'enfant soit à nouveau « accessible » pour apprendre. Vous saurez que  la crise est passée lorsque l'enfant choisit de vous approcher à nouveau, ou quitte son refuge (ce qui est un « refuge » est expliqué ci-dessous). Ce n'est pas amusant pour vous NI pour l'enfant; c'est pourquoi il est souhaitable de faire tout ce qui est possible pour permettre à la crise de passer le plus rapidement possible. Bien sûr, la prévention d'une surcharge avant qu'elle ne se produise est toujours le meilleur plan!
  • Même serrer l'enfant dans ses bras lorsqu'il est surchargé est une mauvaise idée : une bonne stimulation, quoique bien intentionnée reste une stimulation, et aggrave la surcharge. À ce point, les mots  sont essentiellement éliminés; par conséquent, « trop » parler et parler « trop tôt » au sujet de la situation est également une mauvaise idée, pour la même raison — cela peut prolonger davantage la surcharge. De plus, les mots n'auront pas l'impact que vous espérez au cours de la surcharge, peu importe dans quelle mesure ils sont appropriés ou bien choisis!

Apprenez des façons de « réduire la charge » à nouveau (c.-à-d. des moyens de « vider le bécher » de l’enfant)

  • Les adultes se trouvent un coin tranquille tout le temps; les équipes sportives font des arrêts de jeu pour rétablir une stratégie afin de gagner la partie. Enseignez à l'enfant à utiliser des temps d’arrêt/détours ainsi : en tant qu'outil précieux servant à reprendre le contrôle, plutôt qu'une punition qui arrive lorsque l'enfant s'attire des ennuis. Les temps d’arrêt/détours NE devraient PAS être utilisés comme punition! En fait, l'enfant qui travaille à reconnaître son besoin de se réorganiser, et qui fait preuve de la volonté de réduire au minimum les problèmes en prenant une pause, devrait être généreusement récompensé pour un tel comportement!
  • Donnez l'exemple en allant dans votre chambre pour prendre des respirations profondes (respirez par le nez en comptant jusqu'à cinq, expirez  par la bouche en comptant jusqu'à cinq, relaxez en comptant jusqu'à cinq), ou en vous distrayant avec quelque chose d'intéressant. Par la suite, expliquez comment vous vous sentez et agissez et pensez différemment lorsque vous n'êtes plus surchargé. Aidez l'enfant à apprendre comment reconnaître les signes qu'il n'est plus surchargé non plus : chacun est un peu différent. Soyez souple quant à la durée du temps d’arrêt : il prend fin lorsque la charge est suffisamment légère pour gérer le fait d'être en présence d'autres personnes à nouveau.
  • Utilisez la méthode des SCP (solutions coopératives et proactives) pour faire des compromis sur les décisions qui mèneraient à une surcharge. Cette méthode a été élaborée par M. Ross Greene et est décrite dans son ouvrage intitulé « The Explosive Child » et sa vidéo, « Parenting the Explosive Child ». Une première étape importante en matière de résolution coopérative des problèmes est l'empathie — demander « Qu'est-ce qui se passe? » et refléter ce que l'enfant dit permet à ce dernier d'indiquer le problème de son point de vue et de se sentir écouté. Être validé ainsi (que vous vous mettiez d'accord avec l'enfant ou non, en définitive) est une excellente façon de vider son bécher!
  • Il est très important d'avoir un refuge. Il s'agit d'un endroit tranquille où « recharger ses batteries » qui est entièrement sous le contrôle de l'enfant. Lorsque l'enfant est à cet endroit, les gens le laissent tranquille et demandent la permission d'entrer, mais l'enfant peut garder l'endroit tel qu'il l'aime (en désordre ou très propre!). Encore une fois, compte tenu de l'absence de contrôle que l'enfant ressent sur lui-même, cela aide à compenser en lui donnant plus de contrôle externe. Tous les gens ont besoin de ressentir un certain contrôle dans leurs vies pour être heureux, et éviter la dépression et l'anxiété qui mènent à la surcharge.

Une fois que vous commencez à jouer le « jeu du bécher », vous commencez  à choisir vos batailles prudemment — vous vous rendez compte que certaines choses ne valent simplement pas la peine d'être faites ou de s'exciter à leur sujet si elles sont pour prendre beaucoup d'espace dans ce bécher. Cela peut même devenir une façon de faire des choix de vie — certaines personnes ont choisi la collectivité dans laquelle ils vivront en se fondant sur la question de savoir dans quelle mesure elle remplit leur bécher. C'est ce que j'ai fait — j'ai un bécher pas mal plein moi aussi! Cependant, j'ai appris comment l'empêcher de déborder et de me faire rager, et votre enfant peut faire de même.

Enfin, parents, assurez-vous de demander que tout accommodement pertinent qui figure dans ce document soit ajouté à un Plan d'Enseignement Individualisé (PEI) formel. Il n'est pas nécessaire qu'un PEI informel soit mis en œuvre ou transféré, tandis qu'un PEI formel est un processus législatif qui inclut également le Comité d'Identification, de Placement et de Réexamen (C.I.P.R.) et qui doit être respecté, aux termes de la Loi sur l'éducation (Loi sur l'éducation, Règlement 181/98). Tous les enfants ayant des besoins spéciaux définis ont accès à ce processus.