Type de document : Directive sur les poursuites
Date d’entrée en vigueur : 13 février 2019

Le Canada a des obligations juridiques et constitutionnelles distinctes envers les peuples autochtones. Ces obligations découlent de la reconnaissance et de la confirmation des droits ancestraux et issus de traités inscrits dans la Loi constitutionnelle de 1982. Le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et les décisions juridiques de la Cour suprême du Canada exigent que l’on tienne compte de la situation unique des peuples autochtones.

Les peuples autochtones au Canada comprennent les inscrits et non-inscrits Premières Nation, les Inuits et les Métis. De nombreux peuples autochtones peuvent préférer s’identifier comme membres d’une communauté particulière.

Au Canada, l’histoire du colonialisme envers les peuples autochtones a inclus des politiques nuisibles d’assimilation forcée, de déplacement et d’appréhension d’enfants. L’impact intergénérationnel des politiques telles que la « rafle des années 60 » et les pensionnats autochtones ont fragmenté et séparé les familles et les collectivités et ont causé un traumatisme important aux peuples et aux collectivités autochtones.

De nombreux peuples autochtones considèrent le système de justice canadien comme un système étranger qui leur a été imposé sans leur consentement. Les collectivités autochtones peuvent préférer adopter des principes de justice réparatrice qui tiennent compte des valeurs et des lois autochtones. Les principes de justice réparatrice peuvent mettre l’accent sur les relations, la réparation du préjudice, la responsabilité assumée et la prise en compte des antécédents personnels et familiaux.

Les poursuivantes devraient connaître l’histoire des peuples autochtones et comprendre l’impact de cette histoire sur les accusés, les victimes et les collectivités autochtones. Les poursuivantes devraient aussi être conscientes de la valeur des approches réparatrices en matière de justice.

Rapports

Une relation de travail solide et positive fondée sur le respect mutuel entre les poursuivantes et les collectivités autochtones, y compris la police, fait progresser l’intérêt public. Les poursuivantes devraient collaborer avec les dirigeants autochtones et les Aînés pour établir des relations locales qui assurent l’harmonie sociale et la sécurité des collectivités. Dans la mesure du possible, un plan conjoint visant à promouvoir la sécurité dans la collectivité pourrait être formulé et établi par l’entremise de la collectivité, de la police et du procureur de la Couronne.

Procédure pénale

Les peuples autochtones sont surreprésentés dans tous les aspects du système de justice pénale, pour ainsi dire. Il existe un préjugé généralisé à l’endroit des peuples autochtones au Canada et il existe des preuves que ce racisme généralisé s’est traduit par une discrimination systématique dans le système de justice pénale.

La poursuivante doit maintenir une approche souple et ouverte en matière de criminalité dans les collectivités autochtones. La situation unique d’un accusé autochtone, y compris ses antécédents, l’histoire de sa collectivité et les effets de la discrimination systémique, devrait être prise en considération à de nombreuses étapes de la procédure pénale, y compris lors de la mise en liberté sous caution et de la détermination de la peine.

La poursuivante devrait connaître les programmes et services autochtones des tribunaux et de la collectivité qui sont adaptés et disponibles pour répondre aux besoins uniques des Autochtones dans le système de justice pénale, comme les programmes de déjudiciarisation de la justice réparatrice, les travailleurs judiciaires autochtones, les tribunaux Gladue, les centres d’amitié et les services juridiques autochtones.

Déjudiciarisation

Dans le cas de certaines infractions, la déjudiciarisation des accusés autochtones vers des programmes de justice réparatrice peut constituer une solution de rechange efficace aux poursuites officielles. Les programmes de justice réparatrice autochtones tiennent un accusé autochtone responsable de sa conduite criminelle en l’amenant devant des membres des collectivités autochtones, en mettant l’accent sur l’élaboration d’un plan qui permettra à l’accusé d’assumer la responsabilité de ses actes, de s’attaquer aux causes profondes du problème et de réintégrer la collectivité de façon positive.

Les programmes de justice réparatrice autochtones devraient être recommandés lorsqu’il y a lieu d’avoir recours à la déjudiciarisation et que le programme est offert. Ces programmes peuvent se révéler significatifs pour l’accusé autochtone notamment parce que les conséquences sont imposées par les membres de la collectivité, qui comprennent souvent les Aînés respectés.

Les poursuivantes peuvent tenir compte du caractère approprié d’une sanction communautaire seulement s’il existe une perspective raisonnable de condamnation. La poursuivante ne doit pas imposer à l’accusé des exigences supplémentaires comme condition préalable à l’offre de la déjudiciarisation.

Au moment de déterminer l’admissibilité à la déjudiciarisation, les poursuivantes devraient tenir compte des antécédents et des facteurs systémiques qui ont amené un accusé autochtone en contact avec le système de justice pénale.

Il faut se reporter aux directives intitulées Programmes de justice communautaire pour les adultes, Justice pénale pour les adolescents - Sanctions extrajudiciaires et Accusé atteint d’une maladie mentale - Solutions de rechange aux poursuites.

Mise en liberté provisoire par voie judiciaire (cautionnement)

Pour établir une position relativement à mise en liberté sous caution, la poursuivante doit appliquer les principes généraux énoncés dans la directive intitulée Mise en liberté provisoire par voie judiciaire (cautionnement) et tenir compte du contexte et de la situation particulière d’un accusé autochtone ainsi que de ses liens avec la collectivité autochtone. La poursuivante devrait également tenir compte de la distance et de l’éloignement de nombreuses collectivités autochtones et des obstacles ainsi engendrés pour l’accès aux audiences sur la mise en liberté sous caution et aux formes de mise en liberté. Il en découle un inconvénient important, car il est peu probable que l’accusé ait établi des liens ou obtenu du soutien dans la collectivité où se déroule l’audience sur la mise en liberté sous caution. Dans ces circonstances, demander la détention d’un accusé autochtone devrait demeurer une mesure exceptionnelle à moins que la libération de l’accusé ne mette en danger la sécurité de la victime ou du public. Bien que la poursuivante doive garder à l’esprit les principes énoncés par la Cour suprême dans Gladue, la poursuivante ne devrait pas demander un rapport Gladue pour une audience sur la libération sous caution.

Comme pour tous les accusés, les conditions de mise en liberté ne doivent pas être imposées pour modifier le comportement d’un accusé autochtone ou pour punir celui-ci. Ces conditions se rapportent souvent à des mesures thérapeutiques ou de réadaptation et sont plus appropriées suite à une déclaration de culpabilité. La poursuivante doit s’assurer que toute condition qu’elle recommande lors d’une mise en liberté sous caution est nécessaire et adaptée à la situation de l’accusé autochtone et se rapporte à l’infraction alléguée. La poursuivante devrait uniquement demander des conditions qui sont nécessaires pour la sécurité du public ou pour assurer sa présence, et avec lesquelles un accusé peut se conformer de façon réaliste.

Il faut se reporter à la directive intitulée Mise en liberté provisoire par voie judiciaire (cautionnement).

Détermination de la peine

La poursuivante doit tenir compte des facteurs systémiques et contextuels uniques qui ont pu contribuer à amener un délinquant autochtone devant le tribunal pour déterminer une position relativement à la détermination de la peine. Ces facteurs peuvent atténuer la culpabilité morale de l’accusé autochtone. Ces facteurs sont également pertinents dans l’évaluation d’autres principes de détermination de la peine et dans les types d’options de détermination de la peine qui peuvent être appropriées en raison du patrimoine ou du lien autochtone particulier du délinquant.

Pour déterminer une peine d’emprisonnement appropriée, le tribunal prend en considération les renseignements fournis par un rapport Gladue, un rapport présentenciel amélioré et/ou les observations des avocats de la défense et de la poursuivante. Ces renseignements pourraient inclure une description des soutiens communautaires pertinents. La poursuivante devrait fournir au tribunal tous les renseignements pertinents qu’elle connaît au sujet des antécédents ou de la situation particulière du délinquant autochtone.

Renseignements sur le délinquant et la collectivité dans la détermination de la peine

Lorsque la poursuivante demande une peine d’emprisonnement importante, l’accusé, la poursuivante et/ou le juge peuvent demander qu’un rapport Gladue soit dressé à la suite d’une déclaration de culpabilité ou d’un plaidoyer de culpabilité.

Un rapport Gladue fournit des renseignements au tribunal au sujet du délinquant et de sa collectivité, y compris au sujet du facteur systématique ou historique unique qui peut avoir contribué à amener le délinquant autochtone devant les tribunaux et à réduire la culpabilité morale du délinquant.

Un rapport Gladue renferme des renseignements recueillis dans le cadre de recherches sur la collectivité et d’entrevues menées auprès du délinquant, des membres de sa famille, des dirigeants de la collectivité et d’autres personnes possédant des renseignements de base pertinents sur le délinquant. Le rapport fournit également de l’information sur les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui peuvent être appropriées dans la situation du délinquant en raison de son patrimoine ou de son lien autochtone particulier.

Bien qu’il soit préférable de disposer d’un rapport Gladue, en l’absence d’un tel rapport, l’information sur le délinquant et sa collectivité peut être recueillie et communiquée au tribunal dans un rapport présentenciel amélioré qui renferme des renseignements sur la collectivité du délinquant qui proviennent de recherches et d’entrevues.

En outre, la poursuivante peut envisager de demander un rapport Gladue sommaire, d’utiliser un ancien rapport Gladue ou de collaborer avec l’avocat de la défense pour introduire d’autres sources d’information (p. ex. des lettres de la famille, d’amis, de fournisseurs de services et de membres de la collectivité).

Victimes

La poursuivante devrait s’assurer que des efforts sont déployés pour diriger une victime autochtone vers des services d’aide aux victimes autochtones ou, si des services propres à des Autochtones ne sont pas offerts, au Programme d’aide aux victimes et aux témoins ou à tout autre service de soutien aux victimes.

La poursuivante doit s’assurer que des efforts sont déployés pour informer une victime autochtone des aides au témoignage qui sont disponibles et appropriées dans les circonstances. De plus, des mesures devraient être prises pour s’assurer que la victime autochtone a accès à des services de traduction et d’interprétation dans la langue maternelle de la victime afin que celle-ci puisse participer pleinement à l’instance criminelle.

Dès que possible après une déclaration de culpabilité, la poursuivante doit veiller à ce que des mesures raisonnables soient prises pour donner à la victime autochtone l’occasion de préparer une déclaration de la victime et pour informer la victime de son droit de la présenter au tribunal et de ses autres options.

Il faut se reporter aux directives intitulées Victimes et Aides au témoignage et accessibilité.